Chapitre 2

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Était-ce un rêve ? Avais-je vraiment vu mon propre corps inerte ?

Les images d'il y a quelques heures revinrent défiler dans mon esprit tandis que j'essayais tant bien que mal de donner un sens à ce à quoi je venais d'assister. « Peut-être un peu trop d'alcool dans le sang » pensais-je en rigolant. Ce ne serait pas nouveau. Depuis quelques mois, j'enchaînais les soirées. Je vivais la nuit, dormais le jour. Je séchais les cours les moins importants et fumais en cachette. Je recherchais constamment de l'adrénaline dans chacune de mes actions. Il y a quelques temps j'avais même sauté d'un pont. En réalité mes amis, complètement ivres, m'avaient poussés, et depuis je ne me lassais pas de ce genre de nouvelles expérience. Je parle du moment où notre cerveau réalise le danger potentiel mais qu'il est trop tard pour faire demi-tour. Ce moment où tout notre corps se met à frissonner de peur et d'excitation en même temps.

Avec un sourire au lèvres j'ouvris les yeux que j'avais fermés quelques secondes afin de me remémorer ces sensations. Autour de moi des rubalises de police jaunes délimitaient la zone. Je n'essayais pas de comprendre et, tout en me relevant, je cherchais mon téléphone pour pouvoir regarder l'heure. Cependant, je ne réussis pas à mettre la main dessus. Après un rapide coup d'œil aux alentours, j'aperçus la pendule de la station-service qui affichait 12 h 56. Eh merde ! Ma mère allait me sermonner pour avoir loupé le repas, encore une fois. Il faut dire que les relations familiales du moment n'étaient pas des plus agréable. Depuis la mort de mon frère, ma mère avait sombré dans l'alcool, ce qui me rendait la vie bien plus facile par moment. Je pouvais me rendre à des soirées dans son dos, en piquant plusieurs bouteilles, et elle ne le remarquait même pas. Elle était bien trop occupée à inonder son foie de vodka ou de whisky. Mon père, lui, avait fini par mettre les voiles, laissant derrière lui une ivrogne et deux filles. Mais comment lui en vouloir ? J'aurais fait la même chose à sa place. À quoi bon essayer de se battre pour une famille complètement détruite ? La mort de mon frère remontait à plus d'un an, mais personne n'avait vraiment fait son deuil. Et hors de question de blâmer ma mère qui noyait son chagrin dans l'alcool. Chacun sa méthode après-tout. Tant qu'elle ne devenait pas violente, ça m'était bien égal. Tout ce qui comptait pour moi, c'était de quitter cette ville le plus tôt possible. Malheureusement, je n'étais qu'en deuxième année de licence et je comptais bien obtenir un master en chimie moléculaire. Je n'avais pas choisi cette voie par vocation, loin de là, mais disons que cette licence figurait parmi l'une des seules qui avait intercepté mon attention. Il faut dire qu'avant de commencer ces études, j'avais passé une année à errer dans l'inconnu sans savoir ce que j'allais faire de ma vie. Alors j'avais fini par sauter sur la première licence où je m'étais dit « ouais pourquoi pas ». Grâce à mes facilités, j'arrivais à avoir la moyenne dans à peu près tous les cours, malgré mon absence la grande majorité du temps.

Mais ne me faites pas dire ce que je n'ai pas dit ! Même si la vie était plus simple pour moi par moment, je n'aimais pas la voir comme ça. Elle ne travaillait plus, restait devant la télévision toute la journée, ne s'occupait plus de nous et, bien évidemment, elle râlait quand nous loupions le dîner parce qu'elle se retrouvait obligée de le préparer elle-même. J'avais l'impression que ma sœur et moi étions devenues orphelines. Elle n'avait plus rien à voir avec la mère aimante qui nous avait donné la vie. Elle n'était plus que l'ombre d'elle-même.

Malgré tout, elle restait ma mère, et n'ayant pas assez d'argent pour louer mon propre appartement, je continuais de loger là-bas, dans la maison où mon frère avait un jour vécu... Rien que d'y repenser, j'en avais la chair de poule. J'aimerais détruire cette maison et effacer toute cette souffrance, faire comme si de rien n'était, comme s'il était seulement parti en voyage. Je voudrais supprimer les preuves de sa mort pour pouvoir me dire que c'était juste un rêve. Mais ce n'était pas le cas. Pourtant, toute ma famille continuait de vivre dans le déni, ma sœur y compris.

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⏰ Dernière mise à jour : Dec 10, 2023 ⏰

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