Depuis quand tout ceci avait-il commencé ? Je ne m'en souvenais même plus.J'avais beau essayer de me débattre, rien de ce que je pouvais tenter ne suffisait a apaiser mes tourments. Je courais encore et encore,tenant à peine sur mes jambes tremblantes, mais la peur était toujours là. Et elle s'accrochait à moi, sondant mon être tout entier pour l'entraîner dans les abysses tortueuses de mes blessures les plus profondes. Je ne savais même pas ce que je tentais de fuir.Était-ce mon passé ? Ou peut être mon avenir ?
Alors que je me sentais emporter de plus en plus loin dans la folie, la sonnerie grinçante du vieux réveil qui reposait près de mon lit,me sortit de cet affreux cauchemar.
-Encore un... soupirai-je en essuyant la sueur qui perlait sur mon front avec un coin de mon t-shirt.
Je restai un instant allongée en fixant le plafond gris de mon studio et me demandai encore une fois s'il n'était pas temps de déménager.Pour être honnête, je ne supportais plus vraiment ces quatre murs,cette fenêtre mal isolée et le bruit de pas de la voisine du dessus qui adorait passer l'aspirateur à des heures pas possibles. Et puis... Bonjour la déco ! Je n'avais jamais vraiment pris la peine d'essayer d'aimer cet endroit. Pour moi, je n'étais que de passage et j'allais finir par m'en aller. Enfin je disais ça... Cela faisait déjà cinq ans. Alors que je m'étais plongée dans tout un tas de réflexions vaines, comme la peinture à refaire et le parquet à changer, la musique de ma voisine d'en face résonna à travers ma fenêtre en vis à vis avec l'immeuble d'à côté. Comme à son habitude, elle était assise sur le rebord de sa fenêtre, habillée d'un seul haut beaucoup trop grand et déformé, fumant sa cigarette avec nonchalance. Elle me salua chaleureusement avec son accent hispanique, puis, après avoir jeté son mégot, s'en retourna vaquer à ses occupations.
Épuisée par toutes ces nuits de cauchemars consécutives, je contemplai mes cernes un moment, faisant fi de ma mine pâle et de mes cheveux bruns en pagaille, puis descendis dans le hall d'entrée de mon immeuble et récupérai le courrier que j'avais laissé s'accumuler depuis quelques semaines, avant de devoir partir travailler dans ce bureau que je détestais.
Oui,je détestais ce boulot qui ne consistait qu'à recevoir des appels tous plus ou moins similaire à propos de problème avec la box internet. À peine eus- je remonté les quatre étages, que mon patron m'appela encore une fois pour prendre de mes nouvelles suite aux congés que j'avais posé en urgence et s'assurer que je reviendrais bien aujourd'hui et surtout, à l'heure. Je regardai vite fait la montagne d'enveloppes et de journaux, et une lettre en particulier attira mon attention. Je ne gardai qu'elle en main,laissant tomber bruyamment tout le reste, qui s'éparpilla sur le sol. Je m'assis sur mon lit et retins mon souffle. Je fixai le nom de l'expéditeur : Eigel & Frank : Bureaux de notariat.
Ce ne pouvait être qu'une mauvaise nouvelle. J'inspirai, espérant que ce ne soit pas à propos d'un impayé, puis ouvris frénétiquement l'enveloppe. Ma mère était décédée. Je rappelai mon patron :
-Finalement... Je ne pense pas que je vais revenir aujourd'hui monsieur Asher. Lui dis-je d'une voix monotone entre sidération et angoisse.
Peut-être était-ce étrange mais je n'étais pas certaine de ce que je ressentais. C'était comme un mélange de soulagement et de déni.Après tout on ne s'était jamais entendues elle et moi.
De ma petite enfance jusqu'à aujourd'hui, les seuls souvenirs que je gardais d'elle était nos incessantes disputes lors desquelles elle n'écoutait pas un traître mot de ce que je pouvais bien dire, peu importe la manière dont j'essayais de faire passer le message. Tout n'était que des conflits où les crises d'angoisses me faisaient hurler mon désespoir dans l'oreille d'une sourde.
Il y avait encore un tas de choses que j'aurais voulu lui dire.Peut-être aurions nous dû enterrer la hache de guerre ? Sans doute.Mais ni elle, ni moi, n'avions eu le courage ou l'envie de faire le premier pas vers l'autre pendant toutes les années où je fus partie. A ma grande surprise, j'héritais de la maison dans laquelle j'avais grandi. Sans réfléchir, ni avertir qui que ce soit je balançai mes affaires dans un grand sac pris au hasard, jetai le tout dans le coffre de ma voiture et démarrai en trombe pour un long voyage sous le ciel d'hiver durant lequel je me dis tout un tas de réflexions. Pourquoi m'avoir laissé la maison ? Je n'avais vraiment pas la sensation de mériter cet héritage. Était-elle encore décorée de la même façon que dans mes souvenirs ?
Voilà plusieurs années que je n'avais plus remis les pieds dans cette ville, et encore moins dans la vieille maison recouverte de lierres de ma mère, qui me rappelait tant de mauvais souvenirs. Me garant devant l'escalier en pierre qui menait à la porte d'entrée aux vitres teintées d'un vieux vert bouteille rayé, j'appréhendais déjà mon retour et entrai malgré moi.
Tout à l'intérieur était baigné de poussière, de toiles d'araignée et de souvenirs, dont les plus heureux étaient ceux avec mon père.
Le soleil hivernal peinait à traverser les voilures grisâtres et déchirées qui pendaient aux fenêtres. Passant mon doigt sur un vieux buffet avec un air dégoûté, je regardai avec effroi le travail fastidieux qu'il me restait à faire. Quelques petits cartons trônaient sur la petite table du salon au milieu de vieux journaux, de lettres jaunies et d'anciennes cartes postales dont les images s'étaient dégradées avec le temps.C'était vraiment à se demander pourquoi elle avait gardé tout ça...Soulevant avec précaution le plaid sale qui recouvrait le canapé de cuir brun abîmé et égratigné par endroits, je m'assis délicatement et sortis d'une des boites, une lettre, parmi des centaines d'autres, que ma mère n'avait visiblement pas eu le courage de m'envoyer. Prenant mon courage à deux mains, je décidai de lire leur contenu. Encore et toujours des reproches. Elle, la victime et moi la tortionnaire. Le dialogue n'aurait jamais pu se faire.
Je fouillai ensuite son carnet d'adresses. Seul mon nom et mon ancien numéro de téléphone avaient été écris en gros et en rouge. Je n'avais pourtant plus eu de ses nouvelles depuis cette fameuse nuit où j'étais partie sans plus jamais revenir. Personne ne m'avait même informé de sa maladie et de son décès. Mais au fond,peut-être était-ce ma faute. A force de disputes, j'avais cessé de répondre au téléphone ou à ses lettres que je renvoyais systématiquement. Peut-être aurais-je dû. Les larmes commencèrent à perler sur mes joues froides et je décidai de me rendre sur sa tombe.
Je remontai dans ma bagnole déjà froide et démarrai, la boule au ventre. La neige avait déjà recouvert les routes d'une fine pellicule blanche, et lorsque je m'engageai sur le chemin qui menait d'habitude jusqu'à l'entrée du cimetière, je vis une barrière enfer, rouillée et peinte d'une fine couche de peinture rouge, me barrer la route.
-C'est pas vrai ! Soufflai-je fatiguée et frigorifiée malgré le chauffage que j'avais tourné au maximum.
Je descendis malgré moi de la voiture et fis le reste du chemin à pied. L'endroit n'avait pas changé. Toujours aussi paisible et sauvage, bien que la forêt était dénudée, elle n'en demeurait pas moins silencieuse et sombre. Tout ça me donnait envie de fuir.
Je cherchai la parcelle de ma mère pendant un long moment, ne sachant pas où elle était enterrée. Une fois devant sa sépulture vétuste,je posai les yeux sur l'épitaphe que l'on y avait fait gravé.
< Liliane Anderson 1960 - 2017 . Une mère aimante et une amie irremplaçable>
Je ne pus déterminer si ces mots étaient vrais car ce n'était clairement pas ceux que j'aurais choisis la concernant. Néanmoins,cela ne m'étonnais pas le moins du monde connaissant Ellie O'Brien,voisine et meilleure amie de ma mère, qui avait tendance à toujours reprocher quelque chose à n'importe qui pour n'importe quoi et qui s'était très certainement occupée de son enterrement. Elle était peut-être bien la raison pour laquelle je ne fus au courant de rien d'ailleurs ! Je m'accroupis, frôlai la pierre de mes doigts et murmurai un dernier adieu à celle qui m'avait mise au monde.J'enlevai quelques mauvaises herbes tout en grelottant à cause du froid et lui accordai une prière. La seule que je connaissais. Je m'apprêtais à me lever lorsque, derrière moi, la voix nasillarde d'Ellie s'éleva, abrégeant mes lamentations sans aucune hésitation.
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Secrets ( 1ère Partie )
Mystery / ThrillerAprès avoir quitté la petite ville où elle a passé toute son enfance Blue apprend le décès de sa mère. Elle hérite donc de la vieille maison et décide de la mettre en vente pour repartir au plus vite. Mais le meurtre d'une fillette va changer tous s...