Forever - Chapitre 1

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L'habitation était avachie au sommet d'un piton rocheux battu par les vents marins. C'était une vieille maison de pierres centenaires, mais malgré son âge et les conditions climatiques désastreuses, cette dernière semblait pouvoir tenir jusqu'à ce que le monde s'évanouisse. Caractéristique des anciennes fermes familiales, elle était composée de plusieurs bâtisses alignées au bâtiment central, telles qu'une étable et un atelier. De l'autre côté de la mer, le paysage s'étendait jusqu'à l'horizon. Il n'y avait nuls signes de voisins à des kilomètres à la ronde, hormis les chèvres et les moutons broutant paisiblement les différentes herbes rêches. La ligne de démarcation, entre le terrain alloué au propriétaire terrien et la nature environnante, était délimitée par une clôture en fils de barbelés. Tout autour n'était que collines et forêts à perte de vue. De ces terres désolées, seuls les rires chatoyants comme des sons de grelots de trois ombres attestèrent de présences humaines. Aux abords du jardin jouxtant la maison, deux enfants s'amusaient à se balancer au rythme de poussées d'un homme, sur des balançoires suspendues aux branches d'un immense et sempiternel chêne. L'adulte était pleinement concentré à sa tâche, faisait tout son possible pour réceptionné et repoussé délicatement les mioches afin que le mouvement de va-et-vient soit optimal, quand le son d'un carillon résonna soudainement à travers la plaine jusqu'aux oreilles rougies de froid des concernés.

- Maman nous appelle pour manger les enfants. Terminus, tout le monde descend dit le père de famille en stoppant les véhicules en pleine vitesse et ébouriffant de ses mains, les crinières sauvageonnes devant lui.

La nuit tombait rapidement dans ce coin de paradis, et les loisirs potentiels n'étaient pas légions. Pas de boite de nuit ou de bar pour sortir, de toute façon ils n'avaient plus l'âge pour ce genre de distractions. Demeuraient les éternels livres, les fidèles amis des voyageurs casaniers.

- « Le château avait été détruit en grande majorité durant l'attaque. Les loups garous s'étaient envolés depuis belle lurette, mais le souvenir de leurs violences allait rester gravé dans les mémoires. Les citadins, choqués, c'étaient rejoints sans bruits. Aucune parole rationnelle n'aurait pu les soulager, aucune théorie n'aurai pu expliquer ce qu'ils venaient d'endurer. Silencieusement, on fit le compte des blessés, des disparus et des morts. Le verdict tomba, froidement, comme l'épée de Damoclès s'abattant une bonne fois pour toute, réduisant en cendres leurs derniers espoirs : la princesse Julie avait été enlevé !

Le prince fit alors immédiatement appel au conseil de la ville, suppliant les ancêtres de bien vouloir envoyer ce qui restait de l'armée pour une ultime mission de sauvetage. Mais ceux-ci étaient devenus lâches et égoïstes avec l'âge et ils ne répondirent pas favorablement à la demande d'Arthur. Furieux, celui-ci parti le soir même, seul avec Bouba, son étalon noir, prêt à retourner ciel et terre et parcourir le monde entier tant qu'il ne tiendra pas de nouveau son amoureuse dans ses bras. »

Dans l'une des chambres de la maison, composée de deux lits disposés l'un à côté de l'autre, une femme à la silhouette élancée, entrelacée par une chemise blanche lui arrivant jusqu'aux genoux et munie d'un verre de rouge à la main, lisait une histoire aux deux petits monstres qui avaient joué dehors un peu plus tôt. Ces derniers, couchés sous leurs chaudes couettes, gardaient leurs yeux mi-clos, tandis que leur mère faisait défiler dans leurs petites têtes brunes, un monde imaginaire composé de loups garous, de familles royales et de chevaliers.

- C'est fini mes bébés leur chuchota-t-elle en refermant silencieusement le livre. Je vous raconte la suite demain promit-elle. Bisous. Je vous aime.

- Bonne nuit Maman bredouillèrent en chœur les deux enfants, trop fatigués pour articuler.

Une fois qu'elle eut embrassé les rêveurs, elle retourna dans sa chambre et retrouva son mari. Celui-ci était couché sur le lit, en pleine lecture d'un nouveau roman. Elle déposa son verre sur la petite table de chevet, glissa silencieusement sur le matelas et alla le rejoindre sous la couette, se collant contre lui pour voler un peu de sa chaleur, tentant de réchauffer par tous les moyens ses petits pieds sveltes transis par le carrelage froid. Au-dessus d'eux, se balançaient des aurores boréales resplendissantes. Discernables à travers l'immense velux emplafonné, elles se dandinaient avec leurs flegmes légendaires dans le ciel étoilé.

- Ils ont bien aimé ? demanda son mari

- Oui, en tout cas suffisamment pour qu'ils s'endorment en un temps record. La journée fut assez fatigante pour qu'on soit débarrassés d'eux jusqu'à demain. Beau travail d'équipe le félicita-t-elle en posant sa tête contre la poitrine de son homme.

Elle était si heureuse, et pourtant loin de tout ce qu'elle avait connu, loin de tout le faste et l'opulence, loin des strass et des paillettes d'il y a quelques années. Un quotidien qui la ramenait à l'essentiel de son bonheur. Sa famille lui apportait tellement de joie, elle n'aurait échangé sa vie pour rien au monde.

- Tu sais qu'ils nous demandent de plus en plus souvent notre histoire ? ajouta-t-elle au bout d'un moment, perdue dans ses pensées.

- C'est vrai ? Ils sont trop choux ! Encore quelques années...

- J'espère qu'ils comprendront. Tu te souviens de notre première rencontre ? demanda-t-elle en relevant son menton, le regardant droit dans les yeux.

- Forever murmura-t-il, avant d'embrassant tendrement le front de son amoureuse.

Recueil de nouvelles en tout genreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant