Chapitre Ier.
Loane.
Je me réveille. Dans ma chambre. C'est reparti, pour une journée de plus. Un jour de plus à vivre dans ce monde. Je me passe la main dans les cheveux, je remets ma mèche. Je me masse les tempes et me frotte les yeux. Après avoir fait tout ça, je m'assois dans mon lit. Je fixe le mur en face de moi. Il y a une tâche rouge au milieu de ce mur blanc, au dessus de mon bureau. Je regarde cette tâche. C'est moi qui l'ai faite, un jour où j'étais dans un gouffre. L'énervement à fait cette tâche sur mon mur. Hier soir. En regardant cette tâche, je me demande ce que je fous encore là. Pourquoi ce matin je me réveille encore dans mon lit. Je m'appuie sur mon matelas, et je me lève. Je fais cinq pas, et j'arrive devant mon grand miroir. Je m'observe, j'observe la vieille carcasse qui me sert de corps, je regarde ces déchirures, ces parties abîmées. En voyant cette chose infâme dans mon miroir, je ne me vois pas, je ne me vois plus. Ce n'est pas moi. Je ne me reconnais pas. J'avance un peu, jusqu'à mon placard. J'ouvre les portes, et je sors un sweat devenu beaucoup trop grand pour moi, et je l'enfile. Je sors un bas de survêtement beaucoup trop large, et le passe sur mes jambes. Je mets mes pantoufles, et je descends les escaliers. J'arrive en bas dans la cuisine, et ouvre un placard. Je sors mon paquet de Mielpops, et je vais m'asseoir sur le canapé. Je prends la zapette, et j'allume la télé. Je vais me mater une série débile genre petit secret en famille, en bouffant mes Mielpops.
Aufait, j'me suis pas présentée. Moi c'est Loane, j'ai quinze ans.
Les séries débiles, c'est vraiment débile enfaite, encore plus que moi.
Ça m'énerve, j'éteins la télé en fait. Je prends mon téléphone, et je vais sur insta, et je matte mon feed plein de publi nulles à chier.
J'vais dans la salle de bain, et me contemple encore dans un miroir, y'a que ça chez moi. Je fais comme d'hab, j'monte sur la balance.
44,7 kg. J'fais 1m70. J'ai perdu 20kg en un mois.
J'retourne dans le salon, la balance me fout la gerbe, j'me dégoûte.Je m'affale sur le canap, et reprends mon tél. AH BORDEL ! Il sonne. Je déteste ça. Et fais chier, en plus c'est mon psy. Laisse tomber je réponds pas il me gonfle. Il est à présent 7h du mat, une heure que je suis levée.
J'monte dans ma chambre, fais mes affaires. J'mets tout en bordel dans mon sac, flemme de tout bien ranger. J'descends, et j'prends mes écouteurs. Je prends mes clés, et je claque la porte en partant. Ça va déranger personne, personne est là. Je mets ma musique de déprimée, Mistral gagnant. Je monte le son à fond pour bien me défoncer.
J'vais dans mon bus. Au bout d'un arrêt j'me barre, ça me saoule. Ça va doucement. Dehors j'marche, toujours avec ma zik, et je prends mes clopes, j'men fait une p'tite pour la route. Les gens dehors m'observent, une meuf shootée dès 7h, pourquoi pas.
J'arrive devant le lycée, j'me sens oppressée. Les gens, leur présence m'emmerde. Ça sonne. Je rentre en cours. Cours de français. Je suis toute au fond, donc j'vais m'asseoir. Je coupe ma musique histoire de paraître civilisée mais t'facon, personne a capté que j'étais là. Laisse tomber ça me gave. J'prends mes affaires et j'dégage.
Je traverse la classe, en marchant vite, et je sors.
Maintenant, je suis enfin libre. Enfin dehors. Je fais de l'urbex, et y'a un spot que j'aime beaucoup. C'est à 1h30 d'ici. Je marche jusqu'à l'arrêt de métro, et je le prends. Maintenant que je suis dedans, j'vais vous expliquer pourquoi j'aime ce spot.
Alors enfaite, j'y vais souvent le soir, en sortant du lycée. Je crie beaucoup, puisque personne n'est là. Un jour, j'ai écrit bonjour sur un des murs, et depuis, sur ce mur, une conversation est née avec quelqu'un d'autre. Cette personne me rends heureuse, je sais pas qui c'est, j'ai pas nécessairement envie de savoir, mais il y a au moins une personne qui m'aime. Ah attends, le métro est arrivé. Maintenant, vingt minutes de marche pour arriver au spot. J'monte un peu, dans la roche, y'a des ronces et des mauvaises herbes, c'est pas pratique. Mais j'y arrive. Il me reste au moins assez de force pour ça. J'vais dans le bâtiment, c'est une vieille école j'crois. Je parle encore au mur, je dis que je suis seule. Après tout seul, c'est mon nom. Je suis faite pour ça. Loane, c'est l'anagramme de Alone. Seul en anglais. Donc je disais, je hurle de tout mon être et je dis que je suis seule. Au moment où, j'entends une voix. Ça à l'air d'être un mec qui me dit : nan t'es pas seule ! Je suis là moi. Et je veux bien de toi. Attends-moi j'te rejoins. Eh bien okay, je t'attends alors ! Je vois un grand mec, avec un sweat et une veste de motard, arriver devant moi. Plutôt beau gosse. Et là, je lui demande si c'est lui, le garçon du mur. Si c'est lui à qui je réponds avec hâte tous les soirs. Et bien oui c'est bien lui. Je suis contente de le rencontrer, même si, c'était pas prévu. Il me dit
-tu viens souvent ici à cette heure ? J'te vois jamais.
-ouais nan, je suis nocturne de base. Mais aujourd'hui les cours m'ont saoulé.
-okay. Je suis hyper content de te rencontrer ! Je suis hyper seul et là j'ai l'impression, enfin quelqu'un qui me comprend.
-ah euh bah, pareil. Je suis très seule, comme tu as pu l'entendre.
-okay et aufait c'est quoi ton nom ? Moi c'est Eliott, ou Otelli.j'ai 18ans.
-ah et bien, moi c'est Loane. Ou Alone. Et j'ai quinze petites années. Je suis venue ce matin, car hier je t'ai pas répondu. Je suis pas venue.
-oki. Et ta fait quoi à la place ? Parce que, vu l'état de ton visage, cet œil, surgonflé et, ce front, tonché, ta vraiment pas l'air en état ma grande.
-ah ça se voit tant? J'me suis défoncé la gueule toute seule. J'ai craqué.
-oh, d'accord, c'est pas grave.
On s'arrête là. Je lui demande s'il veut bien venir chez moi, il accepte. On descend la paroi rocheuse et, on va prendre le métro. La ligne 8, tout à l'heure c'était la 5, parce que je venais du lycée. Là on va chez moi, c'est plus près. On sort du métro, station saint Charles. On marche, et je suis trop bien, je mets ma tête sur son épaule, il met la sienne par-dessus et c'est, intense. On arrive chez moi, j'ouvre la porte. Je m'excuse auprès de lui car c'est vraiment le bordel. Et mes MielPops sont toujours sur la table basse, face à la télé. On monte dans ma chambre, et on s'installe sur mon lit. Et, il va ouvrir les volets car il dit que stop la morosité. J'ai pas l'habitude des volets ouverts, c'est bizarre la lumière, moi qui passe ma vie à broyer du noir.
Eliott fixe ce mur en face. Et observe cette tâche rouge. Il regarde mon front, puis la tâche, et comprend d'où elle vient. Cette tâche de sang. Il se rapproche de moi, et me fait un câlin. Mais je m'extirpe très vite! Il touche mes cicatrices et mes plaies, mais il ne le sait pas. Il me demande ce qu'il y a, je soulève mon sweat et lui montre. Il voit bien, et me laisse tomber contre lui.
Cinq minutes plus tard, il me parle. Il me dit que c'est pas grave, que lui aussi. Qu'un jour je serai fière, de n'avoir plus que des cicatrices, plus de plaies.
Bon, il est midi maintenant, le temps passe vite, quand on se sent bien. On descend à la cuisine, je n'ai pas faim. Il ouvre le placard, et trouve des trucs à manger. Il fait cuire des pâtes. Il sort des assiettes, des couverts, de l'eau et des verres.
Il me tire une chaise de sous la table et me dit de m'installer. Je m'exécute. Je le fais uniquement pour lui car moi, je ne tiens pas spécialement à manger ce midi. On mange nos pâtes en face à face, sans bruit. Le calme règne. Ensuite, on va sur le canapé. Il me demande ce que j'ai envie de faire cet après-midi, aller en cours ou rester avec lui. Je choisis la deuxième option.
Il est à présent 13h, et on est toujours sur le canapé. Il m'attrape la main pour me tirer. Prends mes clés sur le meuble et m'emmène dehors. Il y a du soleil, ça fait mal aux yeux. Mais il veut à tout prix qu'on aille se promener. Donc on marche côte à côte, et on va dans la vieille ville. On se promène, on passe devant chez les commerçants. Plein de petits magasins borde les rues. On passe deux heures à se promener. Otteli est plein d'entrain ! Il est presque 16h, et on va manger une glace.