ROSE
Les ruelles sont plongées dans le noir, éclairées par la lueur blanche de la lune et celle jaunâtre des lampadaires. On y sent l'odeur de la pluie qui vient de s'écraser sur l'asphalte, l'odeur des pluies de mai. L'air est lourd et étouffant, mais ce n'est pas nécessairement dût à la météo. Le feu tricolore en face de nous passe au vert et se reflète sur les lunettes de ma mère. Sous ses montures, elle affiche un air pressé et déterminé lorsqu'elle m'attrape la main pour me trainer le long du passage piétons. Dans de grandes foulées, je marche précautionneusement sur les bandes blanches, pendant que mon père qui nous suit de près, a une expression inquisitrice plaquée sur le visage, contrastant avec une démarche nonchalante, ses mains dans les poches.
— Il s'agirait peut être de couper le cordon, Ella ? adressé-je à ma mère. J'ai 20 ans, je pense que traverser sans te tenir la main, je peux le faire ?
— Je ne veux pas que tu t'enfuies, répond t-elle simplement.
J'ai fait un signe de tête signifiant que c'était justifié. Mon père s'est moqué.
— Si je peux me permettre, renchéris-je, tu n'as pas regardé à droite puis à gauche avant de traverser. C'est plus moi qui te tiens la main que l'inverse, si tu veux mon avis.
Elle me regarde. Surement pour prouver qu'elle m'entend, histoire que je ne continue pas à parler. Aucune émotion ni mimique ne se sont retrouvées sur sa figure. Elle lâche ma main pour replacer correctement ses grosses lunettes rectangulaires, sur la fine arrête de son nez. Puis du même doigts, elle presse sur la sonnette. La porte ne tarde pas à s'ouvrir.
— Et voilà les derniers, la famille Maio ! s'extasie le femme qui ouvre la porte.
Du même âge que mes parents, quelques rides de plus recouvrent néanmoins son visage. Cela aurait dû lui mettre la puce à l'oreille quant au fait qu'elle soit très expressive. Trop. Sa peau n'est pas assez élastique et réciproquement, sa voix n'a pas une tessiture assez haute pour qu'elle puisse s'enthousiasmer d'une voix aussi aiguë. Daphné nous sourit de toutes ses dents. Ma mère lui rend sa grimace, tout aussi excitée et mon père jusque là en retrait, lui tend une bouteille de vin rouge. Pour ma part, je ne prend rien et ne donne rien. Je me contente d'être là. Je n'essaye pas de cacher mon mépris. Quoique de toute façon, je ne pense pas mon minois capable de refléter quelque chose si ça se ressent. Excepté l'indifférence. Et l'indifférence n'est jamais accueillie avec frénésie. Sauf avec Daphné.
— Et Rose tu es là aussi ! Ce que tu as changé ! Ça fait combien de temps qu'on ne t'a pas vu ?
Pas besoin de répondre, elle va le faire.
— 2 ans ? s'exclame t-elle. 2 ans déjà... Olala qu'est ce que ça passe vite !
Le silence sillonne l'espace entre nous.
— Et oui ! Elle est enfin rentrée de Londres !
C'est ma mère qui s'y colle. Elle répond afin d'éviter que ce qui est censé être un dialogue, tende à devenir un monologue.
— London... piaille Daphné avec un accent ingrat.
Les deux femmes me regardent avec nostalgie, comme si elles me revoyaient petite. Ma mère intensifie même le moment en me caressant les cheveux. Daphné nous invite à entrer et sa meilleure amie profite de l'emplacement de sa main sur mon crâne pour me pousser à franchir le pas de la porte.
À l'intérieur, tout est aussi propre qu'il est luxueux. La décoration y est épurée, froide, impersonnelle. L'entrée est trop proche de la pièce à vivre à mon goût, on rejoindra le reste de le ribambelle en un claquement de doigt. De là, on peut déjà les apercevoir. Sans grande surprise, ils sont étonnés de ma présence.
VOUS LISEZ
La Tulipe
RomanceRose, William, Zélie, Nolan, Agnel et Anissa se haïssent. Leurs parents forment le groupe d'amis du lycée dont tout le monde rêverai de faire partie. Celui qui ne se perd pas de vu même trente ans plus tard. Et c'est cette fraternité qui contraint l...