02 : Mie de pain et lune de miel

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ROSE



— Plus haut, somme le professeur de danse avec détachement. Monte lui la jambe plus haut.

Mon partenaire obéis, resserre son emprise à ma cheville et réduit encore un peu plus l'espace entre mon genoux et ma tête. Mes deux jambes forment une seule ligne.

J'étais devenu une matière à modeler comme on l'entend. Je pouvais organiser mon corps pour atteindre n'importe quelle posture demandée, j'étais assez neutre pour pouvoir afficher n'importe quelle expression, interpréter n'importe quel personnage, faire ressentir n'importe quelle émotion. Et cette manie destinée à la danse, c'était transposée à mes relations avec les hommes. Je devenais et reproduisais ce qu'ils souhaitaient. Juste en les devinant. 

— Ce sera assez pour aujourd'hui.

Le danseur à mes côtés lâche ma jambe pour rejoindre frénétiquement ses deux paumes de main entre elles. Tous les danseurs applaudissent, je les rejoins et cela sonne la fin du cours. Je ramasse mes affaires et commence à me rhabiller. Mon jean agrippe ma peau humide de transpiration lorsque je l'enfile.

— Content de te revoir. Je vois que Londres t'a réussi. C'était comment ?

Je lève la tête des lacets que je noue, et y découvre Benoit, mon professeur de danse contemporaine depuis le collège. Je lui rend son sourire.

— Enrichissant, répondé-je. J'ai découvert la sphère professionnelle du métier, loin de celle que je côtoyais en tant qu'amatrice.

— Et maintenant qu'est ce qui t'attend ? s'intéresse t-il.

Je me relève en attrapant mon sac. Nous commençons à nous diriger vers la sortie. 

— Après avoir passé deux ans en compagnie, mes parents ont besoin d'être rassuré et de voir un diplôme pour leur prouver que je réussis, lui expliqué-je en levant les yeux au ciel. À la rentrée j'intègre une formation pour devenir professeur.

Nous atteignons la porte vitrée automatique, plus qu'un pas et elle s'ouvre d'elle même.

— Ce n'est pas si mal comme projet, ricane t-il.

— Effectivement, je te voyais mal me dire le contrai...

Je me stoppe lorsqu'au loin, j'aperçois une tête blonde. 

— Désolée de précipiter la fin de cette conversation, m'excusé-je à Benoit. Mais quelqu'un m'attend. À mercredi ?

Il me confirme notre prochain cours, me salut puis je m'éloigne. Je passe la porte automatique et me rue vers Nolan qui est posté devant l'école, absorbé par le programme des spectacles de fin d'année.

— Qu'est ce que tu fais là ? le grondé-je quand je l'atteins.

Il reporte son regard du prospectus à mes yeux.

— C'est étonnant de faire de la danse quand on est aussi réservé que toi, déclare t-il. Je suppose qu'on expose une partie de soi quand on le fait.

— Je t'avais dit "rappelle moi lundi", tu n'as suivi aucune consigne.

— On est lundi, proteste t-il.

— On est le lundi de la semaine suivante, crétin. Comment est ce que tu as su où j'étais ?

— J'ai appelé ta mère.

Je grimace.

— Rappelle moi lundi, répété-je. Je ne pensais pas qu'il y avait besoin de plus de précision pour que tu comprennes. Et puis d'ailleurs, je t'avais dit de m'appeler, pourquoi tu es là ?

La TulipeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant