Les Retrouvailles

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Ils apparurent dans un coin isolé de la lingerie du premier étage, à en croire les teintes des piles de couvertures consciencieusement pliées.

Chaque niveau d'étude était représenté par sa couleur emblématique, et si les élèves s'habillaient comme ils le souhaitaient, tout le matériel fourni par l'école tendait à suivre cette norme : linge de lit, livres, rideaux, tapis... Ça créait une certaine harmonie - et aidait fortement à se repérer dans les couloirs.

Clarence fut ravi de découvrir que leur point d'arrivée était à deux pas de ses quartiers. Et Alex n'aurait que deux étages à monter ! Tant mieux : la gravité naturelle de leurs oreillers respectifs se faisait de plus en plus grande.

Ils sortirent discrètement de la pièce et marchèrent silencieusement dans le couloir sombre, chaque porte passée les rapprochant des bras de Morphée.

Perdu dans ses pensées, Clarence déroulait mentalement la journée qu'il venait de passer. Les heures de cours pimentées du stress de la retenue à venir, ses vaines tentatives d'y échapper, puis sa rencontre avec M. Emilan et Alex, la retenue elle-même... les plaisanteries douteuses de son camarade, mais son sérieux dans le soutien qu'il lui avait apporté... Et enfin, la violence du dernière année, ses menaces à peine voilées, la course poursuite, puis leur fuite dans ce portail inconnu, la rencontre avec Iris... Définitivement, une sacrée journée. Qui aurait cru qu'il se ferait un ami dans de telles circonstances ? Peut-être même deux ? Il espérait pouvoir revoir rapidement cette femme à qui il s'identifiait si facilement : quelque chose lui disait que discuter avec elle serait source de beaucoup d'évolution.

Mais chaque chose en son temps : maintenant que cette foutue retenue était passée, il avait encore plusieurs choses à faire pour préparer les cours à venir. Cette simple idée ajouta encore à la chape de fatigue qu'il portait tant bien que mal jusqu'à son lit.

C'est en plein bâillement qu'il réalisa soudainement quelque chose qui fit stopper sa lente progression.

- Attends... On ne devait pas retourner valider la retenue, en principe...?

Alex ouvrit de grands yeux.

- Ouuuups...

Comme s'ils n'avaient pas encore assez de soucis...

Pour contrecarrer la vague de découragement qui menaçait de le submerger, Clarence nourrit naïvement -et brièvement- l'espoir que puisque la tâche qui leur avait été assignée était accomplie, ils n'auraient pas à subir de remontrances. Mais Alex, de par son expérience, se doutait qu'ils ne s'en tireraient pas à si bon compte.

- On est bons pour une heure de plus... au minimum.

Puis avec un sourire contrit, il ajouta :

- Enfin, ça pourrait être pire ! Seul, c'est long, mais en bonne compagnie... Tout se passe mieux, non ?

Un léger sourire fit sa place sur le visage de Clarence, malgré son amertume.

- Comme quoi... Je n'aurai pas échappé aux retenues bien longtemps.

Ces mots firent ricaner son camarade, mais à son tour, il ne put retenir un bâillement contagieux.

- Bon. Ça sera le souci de nos futurs nous ! Pour l'instant, Iris avait raison : on a bien mérité de dormir un peu. Et si je ne rejoins pas mon lit dans les minutes qui suivent, je pense que je passerai ma nuit dans le couloir. Nettement moins confortable.

Il pressa le pas vers l'escalier.

- Certes. Bonne nuit à toi, alors !

Alex prit le temps de se retourner pour lancer un "bonne nuit" fatigué, avant d'entreprendre de monter les marches qui le séparaient de sa chambre.

La RetenueOù les histoires vivent. Découvrez maintenant