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À son réveil, la femme est de retour, ce qui surprend la brune, qui ne s'attendait pas à la voir. Elle a encore du mal à remettre tous les éléments dans le bon sens. Camille la regarde tristement, encore. Ne sachant quoi faire, quoi dire, ou même si elle doit agir, Kelly sourit juste faiblement.

– Je suis désolée.

La mère écarquille les yeux, étonnée. Pourquoi s'excuse-t-elle ? Si elle savait... Elle les réclamerait plutôt que de les faire. Intérieurement, elle demande pardon un nombre incalculable de fois, désespérée, désemparée. La brune est loin d'être fautive dans toute cette histoire. Elle en est même la victime.

– Tu n'as pas à t'excuser. Rien n'est de ta faute, elle marque une pause, comme si la suite était difficile à prononcer. C'est celle de ce chauffard inconscient.

– Je vous ai oubliée.

Camille renifle et essuie ses joues humides. À force de pleurer autant, elle va paraître suspecte pour un acte qu'elle n'a pas commis.

– Je viens de te le dire, tu n'y es pour rien.

Puis un silence s'installe. Apaisant pour la mère, gênant pour la fille qui ne sait pas où se mettre. L'une profite de voir un bijou en vie et l'autre subit son ignorance. Subir est bien le bon mot. C'est comme trouver un vieil objet qui a toute une histoire qu'on désire réellement connaître, mais sur laquelle on ne trouve pas la moindre petite information. C'est affreusement frustrant. Elle se sent comme enfermée dans un corps qui ne lui appartient pas, une coquille vide. C'est presque si elle ne se sent pas légitime d'être ici, ce ne serait pas son rôle.

– Les médecins disent que te retrouver dans un environnement familier avec des gens que tu as l'habitude de côtoyer pourrait t'aider. Ta mémoire reviendra sûrement quand tu rentreras à la maison.

– Sûrement.

Kelly ne sait pas vraiment quoi répondre. Sa tête est aussi pleine à craquer que vide. Ceci dit, elle se met à la place de la femme, assise près d'elle, la peau tirée par le manque de sommeil, les joues humides par les larmes, un éclat d'inquiétude dans les yeux. Pour elle aussi ça doit être compliqué. Elle se retrouve face à quelqu'un pour qui elle éprouve ce puissant sentiment qu'est la maternité, mais qui ne lui retourne rien de plus qu'un regard égaré.

– Vous pouvez me raconter ? Elle bafouille, ayant l'impression que ce qu'elle demande n'a aucun sens. Ma vie, mon enfance, mes études, pour que je comprenne un peu qui je suis.

– Tu peux me tutoyer. Même si tu ne t'en souviens pas, ou pas encore, tu restes ma fille. Mais oui, je vais te raconter. Je vais commencer du début. Tu n'auras qu'à me couper si tu as des questions.

Camille s'installe un peu mieux dans ce fauteuil, qu'elle occupe depuis plusieurs jours maintenant, et croise les jambes. Elle se passe les mains sur le visage et se racle la gorge avant de commencer son récit. Se faire conter sa propre histoire par quelqu'un qu'on ne connaît à peine, est un principe assez original. Mais bon, elle n'est plus à ça près en ce qui concerne les sensations étranges.

– Je m'appelle Camille, et à elle-même, c'est un bon début, que tu connaisses mon prénom. Ton père s'appelle Sébastien. Nous nous sommes rencontrés à l'université, en dernière année, et de fil en aiguille, nous sommes tombés amoureux. J'ai appris être enceinte de toi quand j'avais 20 ans. J'étais si heureuse, elle sourit, se remémorant ce jour si important. Je n'ai pas voulu savoir si j'attendais une fille ou un garçon avant la naissance, ce qui frustrait particulièrement Seb, qui était pressé de savoir. La patience n'est pas son fort. Ton père, je me rappelle, était complètement flippé à l'idée d'être un mauvais père, il passait ses journées à se renseigner sur les bébés. C'est la voisine qui lui a appris à changer une couche. Le jour de ta naissance, le 24 mars 1998, tu as failli mourir. Je ne me souviens plus trop pourquoi, j'étais dans les vapes, mais il me semble que tu n'arrivais pas à respirer. Et si j'ai choisi de t'appeler Kelly, quand j'ai su que tu étais une fille, c'est parce que la femme qui t'a sauvée portait ce nom, c'était une aide-soignante très gentille. Seb trouvait ça ridicule, mais je n'ai pas lâché le morceau, ça me tenait à cœur. Je pensais que ça te porterait chance. Remercie-moi, ton père voulait que tu portes le nom de sa mère et tu te serais appelée Janine. Je n'ai rien contre les Janine, mais je ne suis pas fan de ce prénom.

Comme Une Page BlancheOù les histoires vivent. Découvrez maintenant