Cœur de vengeance

3. Douce mélodie

La Haute-ville d'Almetie n'a rien à voir avec l'endroit d'où je viens. Les habitants se perdent dans le décor, habillés de longues robes blanches et marchant le regard droit devant eux, sûrement pressés de terminer leurs tâches quotidiennes afin de retrouver leurs conforts et leurs routines. Ils traversent de grandes places habillées par des anciens temples, au pied de cascades majestueuses. Ici, l'eau ne manque pas. Les rivières entourent chaque ville et les ponts qui les relient font partie des ouvrages les plus impressionnants. Le marbres de carrare est prisé pour la construction de maisons, villas, ainsi que toute autre habitation ou monument. Le bois leurs servant uniquement à alimenter et réchauffer leurs foyers, évacuant la fumée par de longues cheminées sculptées et faisant entièrement partie du décor. La verdure est rare si ce n'est dans dans les champs et les pâturages, mais elle est aussi utilisée plus habilement en pleine ville pour contraster avec les couleurs éclatantes du marbre.

- Où est-ce que tu m'emmènes ? Je commence à perdre patiente alors que nos mains se font moites.

Sous l'élan du garçon Oublié, je bouscule l'épaule d'un habitant pour la troisième fois, murmurant des excuses. Mais une fois de plus, je me fais insulter et traiter de vagabondes en retour.

- Ils sont toujours aussi aimable dans le coin ? Je demande ironiquement à Colin.

- Une fois ils m'ont ligotés à une colonne d'un temple afin d'éviter que leurs enfants se rapprochent de moi, il répond en poursuivant sa marche. Les parents me pointaient du doigt et disaient à leurs enfant: « Restez fidèles au roi si vous ne voulez pas sombrer dans l'oubli. »

Mh...je vais prendre ça pour un oui.

On quitte la route principale pour entrer dans une ruelle plus isolée. Fréquentée uniquement par un jeune couple, se croyant à l'abri des regards et se caressant avec délicatesse contre un mur. C'est lorsqu'on passe à côté que je remarque qu'il s'agit en fait de deux femmes. Je les fixe bêtement, stupéfaite par leurs agissements.

Comment deux femmes peuvent s'embrasser avec autant d'entrain ? Je n'avais jamais vu ça en basse-ville, cela sort totalement de nos codes de vie.

L'une d'elle est habillé de cette longue tunique blanche présente dans toute la ville, mais l'autre femme m'interpelle. Je ne la voit que de dos, mais ses vêtements se démarquent des autres. Étant plus des habits de combats que de ville. Une tunique oui mais noir et bien plus élaboré, une courte cape à capuche qui descend sur ses épaules, des garde-poignet abîmée et bien usées ainsi que de grande bottes montante jusqu'en dessous des genoux. Lorsqu'elle détourne soudainement son regard vers moi, je me fige sur place.

Nous nous regardons longuement, les deux autant surprise l'une que l'autre. C'est seulement lorsqu'elle remarque enfin Colin à mes côtés qu'elle décide de prendre la parole.

- Colin ? Qu'est-ce que tu...c'est qui cette fille ? Elle bégaye en me pointant du doigt.

- Quoi ? Comment tu...toi aussi ?! Je peine à articuler à mon tour, complètement prise de court par la situation.

Je me retourne alors vers Colin, attendant des explications pour amener un peu d'ordre dans ma tête. Mais il a l'air tout aussi perdu que nous deux.

- J'y croit pas, elle se plaint en s'éloignant de la fille qu'elle enlaçait il y'a à peine quelques secondes. Pourquoi tu dois toujours me compliquer la vie !

Elle hausse le ton en s'adressant à Colin, ce dernier baissant les yeux pour se faire tous petit.

Je m'interpose alors entre les deux, soûlée par cette confusion qui a déjà bien assez durée.