Les Étoilés

Chapitre 2

-Prenez place, enfants des Sommets, enfants Solaires des montagnes, dans la plus grande grotte de notre Communauté !

L'appel au rassemblement d'Anardil semblait venir de la montagne elle-même, il faisait trembler la roche et résonnait dans les oreilles des jeunes Étoilés de dix ans. Sa voix était chaleureuse, mais quelque peu intimidante.

Aerin était assise dans un coin de la grotte, sur un des nombreux bancs vides de la pièce creusée dans la pierre. Ce n'était pas pour rien que ce lieu était nommé la plus grande Grotte.

Cet endroit immense, même contenant toute une année d'Etoilés, paraissait à peine remplie, et de nombreux bancs de pierre restaient vides, en partie parce que les enfants impatients et excités se bousculaient pour être au premier rang, au plus près d'Anardil, mais surtout des places sculptées dans la paroi de la roche réservées aux Étoilés ayant reçu leur étoile.

Une cavité par Constellation. Douze places.

Chaque année, plusieurs enfants restaient exclus, car il ne restait pas assez de membres pour former une réelle Constellation. Parfois, ils ne recevaient même pas d'Étoile. Ces gens là étaient des Inacceptables, sans don, sans étoile, sans Constellation, et en plus contraints de quitter leur famille, leur Communauté, la vie qu'ils s'étaient forgée durant dix années.

Dix années passées à attendre ce moment, qui avait finalement fini pas devenir un drame, qui bouleverse votre vie, n'étant qu'un enfant, forcé à abandonner les siens, et à se débrouiller seul dans un domaine des montagnes peu connu : les Bois.

Cette situation, Aerin la connaissait bien, contrairement à la plupart des gens du peuple, qui le plus souvent ne remarquait pas cette abomination, qui n'en avait quelquefois même pas conscience. Elle la connaissait, car son cousin le plus âgé, Fantur, en vaut fait l'expérience deux ans auparavant.

C'était à présent le tour de sa sœur Astal et de sa cousine Aerin de tenter leur chance. Il y avait bien plus de chances, certes, de trouver une belle Constellation et des amis fidèles, mais jamais l'on ne pouvait savoir quel serait notre destin.

Et puis, il y avait aussi le risque que l'étoile oublie le prénom de son Étoilé. Même si c'était très rare, tout pouvait arriver.

Aerin et Astal, côte à côte, regardait les autres se bousculer pour mieux voir l'assemblée d'animaux lumineux, et la Sœur du Soleil qui était en train maintenant de déplier sa lettre, sur laquelle étaient marqués tous les noms des Étoilés des Sommets nés il y a dix soleils.

Une éternité, passée à attendre que la voix d'Anardil appelle son nom, le rêve de chaque enfant des montagnes. Tous les petits Étoilés avaient un jour rêvé de ce jour, essayé d'imaginer à quoi ressemblerait leur étoile, comment leur don se manifesterait, de qui serait composée leur Constellation. Ce jour, c'était le jour le plus important de la vie de n'importe quel Étoilé, peu importe sa Communauté.

Comme le voulait la tradition, Anardil commença par appeler les membres de la famille royale. Il n'y en avait qu'un, cette année là. Thorondor, le roi des aigles. Chacun des enfants de la famille royale des Sommets avait une spécialité, souvent peu commune.

Pour Thorondor, le dixième des quinze, c'était les aigles. Il apprenait à dresser ces oiseaux depuis son plus jeune âge, et les connaissait mieux que personne. Aussi, personne ne fut surpris quand son étoile se révéla être un aigle impérial brun clair.

Thorondor sortit alors un gant de cuir de la poche de sa tunique rouge, et l'aigle se posa sur son bras, comme pour les fauconniers humains. Le gant semblait absorber la lumière de l'oiseau. En effet, l'aigle ne fut bientôt pas plus lumineux que ses vrais congénères. Le gant, lui, était clair et paraissait gorgé de lumière. Thorondor alla alors s'asseoir dans la première cavité, son étoile sur l'épaule.

Après que le prince soit passé, Anardil appela les signes dans l'ordre alphabétiques. Tout d'abord, les Balance, signe d'Aerin. La Sœur du Soleil appelait les prénoms des enfants Balance dans l'ordre, encore une fois, alphabétique.

Le prénom d'Aerin commençant par un A, elle fut appelée parmi les premiers. Elle se fraya un chemin au travers de la foule, laissant Astal seule dans le fond, pour rejoindre Anardil et l'assemblée d'étoiles lumineuses.

Une créature jaune pâle, de la couleur de ce que les humains - d'après les connaissances de la jeune fille - appelaient le « sable », s'avança. C'était un animal qu'elle n'avait vu que dans un seul de ses nombreux document.

Un fennec, une bête du désert, une étendue de ce sable, dans laquelle n'importe quel Étoilé mourrait, la chaleur étant trop forte, par rapport au climat glacial de la montagne.

Seulement, celui-ci était si petit qu'il aurait parfaitement pu se blotir confortablement dans les mains d'Aerin. Il était adorable. C'était la première fois qu'Aerin voyait une étoile qui venait de naître.

Les étoiles vivaient en moyenne cinq vies, c'est-à-dire qu'elles avaient souvent cinq maîtres différents dans leur longue existence. Les étoiles primaires, qui connaissent leur premier maître, étaient donc peu courantes. Mais elles étaient d'autant plus rares que la Gardienne, la Sœur des Étoiles, possèdait des dizaines d'étoiles, et que chaque année certaines ne reçevaient même pas d'Étoilé. Il n'était donc jamais nécessaire de créer une nouvelle étoile.

A cause de ce phénomène, tous les autres Étoilés la regardaient fixement. Cette situation la mettait extrêmement mal à l'aise, surtout quand elle s'aperçut qu'Anardil elle-même fixait le petit fennec.

Aerin sortit avec empressement un bracelet avec une ouverture de ses poches pleines, et aspira la lumière de l'animal. Le bracelet devint brillant et elle l'attacha à son poignet. Elle suivit alors le minuscule fennec qui montrait du bout du museau la cavité de sa futur constellation.

Elle faillit défaillir quand elle vit qu'elle était dans la constellation du prince Thorondor.

Elle entrevit alors Astal au fond de la pièce, toujours sur son banc, avec son air profondément surpris et émerveillé. Elle souriait, et regardait à tour de rôle la minuscule étoile, le prince et Aerin, qui dut faire un effort surétoilé pour aller s'asseoir près du jeune homme, avec son aigle aux yeux menaçants qui la fixait méchamment.

Thorondor ne fit même pas attention à elle, préférant jouer avec son oiseau, qui, lui, n'avait pas vraiment l'air d'apprécier.
La jeune fille s'affaissa sur le banc, écoutant distraitement la Sœur du Soleil appeler le reste des Balance ainsi que les Béliers.

Elle se redressa tout à coup quand la déesse passa aux Cancer. Il n'y avait pas de Bélier dans leur Constellation. Elle se souvint alors que Thorondor pouvait être de n'importe quel signe. Elle jeta un regard discret dans sa direction. Oui, son habit écarlate confirmait que c'était un Bélier.

Elle se détendit et observa chaque cérémonie, attendant avec impatience celle d'Astal, malheureusement Lion, donc largement après les Cancer, les Capricorne et autres. Elle vit des étoiles défiler, le temps passait sans qu'elle s'en rende compte, Anardil passa aux Capricorne, et Aerin continuait de sonder du regard chaque étoile et Étoilé qui passait devant ses yeux pour rejoindre sa cavité.

Quand la Sœur du Soleil passa aux Gémeaux, elle s'était presque endormie, la seule chose qui l'a gardait éveillée étant les cris incessants de l'aigle qui était à présent perché sur une branche de pierre construite pour les oiseaux, placée comme par hasard tout près des oreilles d'Aerin, qui sursautait à chaque piaillement de l'animal.

Au bout du quatrième coup de bec, elle fut tout à fait réveillée et regarda à nouveau les étoiles défiler. Un peut rongeur, semblant être une gerbille, venait alors de sortir du groupe, pour rejoindre une jeune fille aux cheveux au carré, coiffure rare, blonds et lisses. La scène se répéta une fois de plus et l'Étoilée prit le chemin de sa nouvelle Constellation.

Elle s'arrêta devant la cavité du prince, et s'assit tout près d'Aerin. À ce moment-là, le déclic se fit. Cette fois, elle ne rêvait pas.

Aucun Cancer, aucun Capricorne n'avait rejoint leur Constellation.

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