le dernier cadeau

17 0 0
                                    



Contrairement à mon père, je n'avais pas de couronne sur la tête. J'étais un peu jaloux, j'avoue, je voulais qu'on remarque mon statut de prince. C'est ce que j'étais, mère me le répétait tout le temps quand j'observais la cour depuis notre château. D'ailleurs, encore aujourd'hui j'étais à ce grand balcon pour regarder notre peuple. Je m'ennuyais un peu bien qu'on m'avait promis une belle journée. Il faisait beau. C'était ça qu'ils voulaient tous dire ?

- Ah ! Jeune maître, vous voilà. Votre mère, la reine, vous cherche depuis de nombreuses minutes déjà. Vous ne devez pas être en retard.

Ma tête se retourna vers l'une de nos servantes. Elle tendit ses bras vers moi et je relevai les miens pour qu'elle puisse me porter. Le trajet sera plus facile comme ça. Nous nous dirigeâmes à l'intérieur du château, je regardais d'un air embêté ce vieux balcon de pierres. J'avais aussi quelques doigts dans la bouche.

- Où allons-nous, Maria ? Demandai-je.

- À la salle de réception. Dois-je vous rappeler que Dieu vous offre encore aujourd'hui une nouvelle année à vivre ? C'est fabuleux !

Je ne me fiais plus trop au chemin, préférant laisser le temps passer pour y arriver plus vite. Mes yeux se fermèrent, et s'entrouvrirent quand je sentis la course de la servante ralentir.

On était arrivé. Les trônes étaient là, comme d'habitude. Les seules choses qui changeaient, c'était les expressions bizarres de mes parents et la pile de cadeaux toute proche de leurs pieds. Sinon, il y avait toujours quelques servantes et un majordome avec eux.

Maria me posa sur le sol, et je retirai mes doigts de ma bouche. Elle essuya rapidement la salive qui y trônait, pendant que je me plaçai droitement devant mon père et ma mère. Un petit sourire était apparu quand j'avais vu les présents devant moi.

- Joyeux anniversaire, mon amour, commença ma mère.

Mon sourire s'agrandit, et je me plongeai rapidement dans ses bras ouverts. Je m'en détacha aussitôt pour aller voir la tonne de cadeaux qui m'attendaient aussi impatiemment que moi, sans doute.

On me laissa les découvrir un par un, et j'aimais prendre mon temps. J'étais toujours très content quand je déchirais les beaux papiers qui couvraient les présents, parce que c'est à ce moment là que mon cœur rebondissait le plus. La peur et à la fois l'excitation de voir ce qui s'y cachait.

J'avais reçu de nombreuses choses. De nouveaux vêtements, des instruments de musiques qui convenait à ma petite taille d'enfant, aussi ma toute première arme. C'était une petite dague, père avait dit. Sa lame brillait dans mes yeux sombres, et son autre moitié était bleu ciel. Elle était belle, plus que tout. J'avais aussi eu de nouveaux jouets et de l'or, des bijoux aussi, mais qui m'intéressaient moins.

Après avoir ordonné aux servantes d'amener mes cadeaux plus loin pour les ranger, mon géniteur se tourna enfin vers moi, et posa sa grande main usée sur mes cheveux noirs et en bataille. J'adorais quand il caressait mes cheveux.

- Brivael, nous avons un dernier cadeau pour toi.

J'avais beau chercher avec mes yeux, je ne voyais pas d'autres jolies boîtes.

- Où est-il, père ?

- Celui-ci est un peu spécial. Mais nous sommes sures qu'il te plaira, ta mère et moi.

Il prononça un nouvel ordre. Je m'attendais à voir une couronne comme la sienne, j'en voulais tellement une. A la place, c'était un garçon plus petit que moi, tout blond et tout maigre, avec un air timide qui entra dans la pièce. Accompagné d'un autre majordome, ils avançaient vers nous.

Quelques mètres nous séparaient encore quand il s'arrêta. J'avais pu voir son visage de plus près. Sa peau était rougi au niveau du visage, et ses yeux, malgré qu'il tentait de les cacher en baissant la tête, étaient bleus comme ma dague. Magnifique.

- Nous ne voulons pas que tu te sentes seul. Et j'ai pensé que le plus tôt serait le mieux. Voici Caïn, il sera dès à présent ton compagnon et ton plus fidèle acolyte.

Avant, je n'avais jamais eu de compagnon, ou d'acolyte. J'ignore ce que c'est, alors mon regard se releva vers la grande barbe noire de mon père. J'avais peut-être l'air douteux et peureux, il se mit à rire de mon expression.

- J'en ai un, moi aussi. C'est le bon Finn. Tu te souviens de lui ?

Pas trop. Mes souvenirs me montraient vaguement le visage d'un homme barbu aussi et brun, avec ses yeux marrons terre. De la même taille que père. Ni plus, ni moins. Je ne répondis alors pas. J'ai préféré regarder le petit blond à la place.

- Il te suivra partout où tu iras, peu importe tes conquêtes, tes craintes, tes projets. En tant que membre de la famille royale, héritier du trône d'Aphairis, il est important que toi aussi, tu en aies un.

Comme un chien de compagnie ? Pourtant nous en avions déjà un !

- Il te sera fidèle jusqu'à ce qu'il ne trouve la mort, et t'aidera à devenir le roi que tu désires être. Pour l'instant tu n'as que 8 ans, et lui 7, mais vous apprendrez, au fil des années.

Ma voix ne s'exclamait toujours pas, et la salle restait silencieuse. J'étais timide. C'était la première fois que j'étais confronté à un garçon inconnu, qui allait devenir mon compagnon le plus fidèle. Ca me faisait peur. C'était la vraie première fois.

- Dis quelque chose, Brivael. Tu n'es pas content de ton cadeau, mon chéri...?

Ma mère utilisait un ton inquiet, peut-être qu'elle était aussi incertaine de l'idée de ce cadeau là. Mais je ne pouvais pas refuser. Je ne pouvais jamais refuser.

J'avançai alors vers sa personne, et la main de mon père retomba dans le vide que je laissais derrière moi. Je voulais quand même garder une distance entre... Caïn et moi, alors je m'arrêtai après avoir fait seulement 4 pas.

Je fronçai les sourcils, et son expression à lui devint plus surprise. Ma voix éclata enfin, ce qui fit probablement vibrer les objets les plus insignifiants de la pièce.

- Moi, Brivael Windsor, prince et héritier du trône d'Aphairis, te proclame comme mon compagnon jusqu'à ce que tu meurs. Acceptes de me suivre et de me servir.

J'avais improvisé, je voulais faire comme père durant ses beaux discours. J'attendais après ça, enfin, nous attendions tous une réponse de sa part. Je m'en voulais un peu d'avoir crié et d'avoir joué au dur devant lui. Peut-être qu'il avait peur maintenant. Et au fond, je ne voulais pas lui faire peur.

Mais finalement, docilement, son corps se pencha pour s'incliner, et sa voix calme retentit dans nos oreilles.

- J'acceptes, Prince Brivael, merci beaucoup...

caïn Où les histoires vivent. Découvrez maintenant