Seollal ~ Jeongbin

Partie 3

Ils étaient de nouveau au cimetière. Toujours vêtus de leurs Seolbims, toujours avec quelques chainons manquant à la famille, restés à la maison pour surveiller les enfants qui n'avaient rien à faire dans un lieu comme celui-ci. La seule différence en ce nouveau jour était qu'ils s'étaient rendus dans ce lieu de recueillement le matin, à la suite du petit-déjeuner.

Changbin aidait madame Yang à laver la pierre tombale d'une grande-tante (s'il avait bien compris) dans un silence respectueux où seule la présence servait de réconfort. La veille ils avaient désherbé les tombes et aujourd'hui ils étaient revenus avec éponges et bassines vides qu'ils avaient rempli d'eau froide depuis la cabane du gardien. Jeongwoo et quelques autres avaient trop rempli leurs bassines, en marchant l'eau avait fait des remous jusqu'à les asperger. En plus d'être trempés dans cette matinée glaciale d'hiver coréen, ils s'étaient reçus des coups de canne de la grand-mère. Ils avaient dû fuir, trempant un peu plus leurs vêtements mais ayant le mérite de faire rire le reste de la famille.

Son fiancé était un peu plus loin avec sa grand-mère dont il était plus proche que ce que Changbin avait imaginé avant de les voir ensemble. Il savait Jeongin proche de ses parents et de ses frères mais pas de sa grand-mère en particulier. Pourtant il n'avait qu'à les regarder pour voir que leur alchimie était indéniable. Jeongin aimait chercher des poux à sa grand-mère parce qu'il savait ses réactions excellentes sans qu'elle ne se formalise pour autant de quoi que ce soit. Il se prenait beaucoup de coup de canne qui devaient faire bien mal à son fessier. A l'occasion Changbin ne manquerait pas de se moquer.

Quand ses doigts furent définitivement gelés mais que la pierre fut d'une propreté éclatante, il se releva et aida la mère de Jeongin à faire de même. Son dos l'élança d'être resté trop longtemps courbé et le sang affluant de nouveau dans ses jambes le dérangea. Il s'étira de longues secondes tout en constatant que les membres éparpillés de la famille se rassemblaient, annonçant le départ.

Il croisa le regard de Jeongin qui s'était levé aussi et lui fit un clin d'œil. Son chéri ne put lui répondre car sa grand-mère s'accrochait à son pantalon pour se relever (lui faisant implicitement comprendre qu'il aurait déjà dû l'aider de lui-même) manquant de le dessaper dans ce lieu sacré. Le petit-fils se dépêcha de l'aider tout en gueulant que sa mémé perdait le nord.

-Merci pour ton aide Changbin, dit Heesung le sortant de la contemplation de ce spectacle.

-C'était tout naturel, dit-il à madame Yang en s'inclinant.

Celle-ci lui sourit, les yeux encore nostalgiques mais Changbin parvint tout de même à lire entre les traits que son geste avait sincèrement touché le cœur de sa belle-mère. Il s'inclina une seconde fois, cette fois pour prendre congé puis se dirigea vers l'homme de sa vie. Sans hésiter, et peut-être parce qu'ils étaient à l'écart de la famille, Changbin prit les mains de Jeongin dans les siennes et les porta à sa bouche pour les réchauffer de son souffle.

-On aurait dû prendre des gants.

-Si on pensait à tout..., relativisa-t-il.

-Oui mais moi ça fait des années que je sais qu'on va toujours nettoyer les tombes à grandes eaux le dernier jour. J'oublie à chaque fois les gants.

-On devrait mettre un rappel pour y penser l'année prochaine.

Jeongin s'empressa de le faire, se sentant un peu bête de ne pas y avoir pensé plus tôt. Pour tenter de réchauffer leurs mains, ils gardèrent une paire enlacée et l'autre profondément enfoui dans la poche de leur durumagi (manteau traditionnel qui se portait par-dessus le hanbok et que Changbin avait encore emprunté à un cousin).

Après s'être attardé encore un peu la famille sortit du cimetière et prit la direction de chez eux. Changbin évitait d'être impoli en regardant tout le temps son portable mais comme ils marchaient et que personne ne lui parlait directement, il regarda s'il avait reçu un message ou manqué un appel de sa famille. Il savait au fond de lui qu'ils ne lui donneraient pas un signe de vie mais il espérait tout de même se tromper. Il souhaitait très fort que ses parents et sa sœur soient de meilleures personnes que celles qu'il avait découvert qu'ils étaient.