Père

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Le père de Thibaut bien qu'ingénieur de formation, était un passionné d'astronomie. Il avait mis au point une théorie selon laquelle l'univers n'avait ni origine ni fin. Selon lui, après sa phase d'expansion, l'univers se contractait jusqu'à se ramasser sur lui-même; puis après avoir atteint la taille d'un point infinitésimal, il explosait de nouveau pour s'étendre infiniment, ce cycle étant perpétuel comme un cœur qui bat. Ces phases de contraction et d'expansion s'expliquaient du fait que l'univers décrivait une rotation autour de la matière noire. En effet, comme la terre avec le soleil ou comme un électron autour d'un noyau d'atome, l'univers "gravitait" autour de la matière noire, et c'est la raison pour laquelle l'univers ressentait son effet sans que celle-ci ne soit observable ou plus exactement appréhendable. Selon le modèle qu'il avait élaboré et en conflit avec les connaissances de son époque, la matière noire ne faisait pas partie de l'univers, elle était une force qui agissait sur lui.
On pourrait se figurer ce père comme un scientifique à la limite de l'autisme, affublé d'un physique ingrat. Or il était un fort bel homme et sans correspondre réellement aux canons de beauté, il avait quelque chose d'indéfinissable qui valait mieux. Il attirait l'amour des femmes aussi sûrement que l'aimant attire le fer. D'un coup d'œil, il réveillait leurs désirs et elles sentaient en lui la lave qui coulait dans ses veines. Elles étaient fascinées par sa singularité et n'arrivaient plus à raisonner en sa présence. Néanmoins, d'une nature phlegmatique, il n'en joua jamais et fut heureux de trouver dans ses jeunes années la femme qui lui correspondait et qui le suivait dans ses fantaisies. Et le fait de s'installer au Maroc sans autre projet que de s'abandonner au mirage oriental en était une. Il se voyait en Lawrence d'Arabie, apportant la lumière à un peuple qui de toutes façons n'en avait cure.
Seule sa femme et donc la mère de Thibaut semblait échapper à ce pouvoir ou du moins, elle fut assez intriguante, pour ne rien en laisser paraître.

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