Sur l'un des quais de métro les plus fréquentés de Tokyo, il n'y avait que deux personnes. Ce n'était pas étonnant, vue l'heure à laquelle s'étaient pointés ces deux inconnus pour attraper le dernier métro qui ne tarderait pas à arriver.
La jeune femme, qui avait toujours froid dans le bordel où Izana était venue la chercher, avait aujourd'hui froid sur le quai de la station Shinagawa, un manteau trop grand pour elle sur les épaules, et les pieds nus pointant vers les rails.
Agenouillé à ses pieds, suppliant de toute son âme la femme d'exaucer le moindre de ses voeux, un homme particulièrement éméché bavait sur le sol de la rame de métro.
Elle gardait les yeux grands ouverts, essayant de ne pas le regarder pour éviter de lui donner une autre raison de continuer à la supplier. Fatiguée, même exténuée, elle n'aurait pas la force de le repousser. En fait, elle n'aurait même pas la force de fuir.
Ne pouvait-il pas se dépêcher un peu ?
— Écrase-moi avec tes pieds, s'il-te-plaît, suppliait-il.
La jeune femme pensait avoir tout vu sur Terre. Elle pensait également que les demandes les plus lugubres émaneraient du bordel où elle était retenue, et pas d'une simple station de métro au beau milieu de Tokyo.
— Est-ce que je peux au moins en sentir l'odeur ? reprit-il, d'une voix plaintive. Je t'en supplie.
De quoi est-ce qu'il parle, au juste ?
— Je veux les lécher, je peux les léch-
Ses paroles se brisèrent soudain. Car ses supplications étaient fragiles, au moins autant que le cristal.
L'homme qui suppliait la jeune femme se trouvait maintenant à terre, écrasé sous des pieds qui ne lui appartenaient pourtant pas. Izana était arrivé sans un bruit et matraquait le porc qui s'agitait de douleur à ses pieds. Frappant le talon de sa chaussure de ville contre sa face, comme il écraserait sa cigarette dans un cendrier avant une partie de jambes en l'air.
La jeune femme garda la tête droite et son regard ne vacilla pas, même lorsque des bruits visqueux et cassants se faisaient entendre en même temps que des cris, à sa gauche.
Izana glissa une boisson au gingembre dans la main de la jeune châtaine qui n'en but qu'une seule gorgée. Car sa gorge était serrée par le froid, la fatigue, l'angoisse, tout simplement par la présence d'Izana.
Et ils prirent le dernier métro, laissant l'homme aux penchants singuliers se noyer dans une flaque de sang.
Izana avait choisi de l'emmener vers le quartier de Ginza car il serait plus facile de la ramener au bordel de là-bas. Soudoyer le gardien ne leur donnait qu'une ouverture de deux à trois heures pour la sortir puis la déposer à nouveau dans sa chambre.
Sortie terrible pour sa compagne qui, une fois dehors, reprenait goût à l'espoir et à la liberté, et qui pleurait chaque fois sur le chemin du retour, tandis qu'Izana lui tenait les épaules et la cajolait pour essayer de la rassurer. Plaisir égoïste de la part du bandit plus qu'un quelconque présent pour la jeune femme.
Le couple se trouvait dans une ruelle peu fréquentée par les hommes mais noyée par les néons qui, morts le jour, s'amusaient à briller comme des fous à la nuit tombée. La jeune châtaine s'était soudain arrêtée au milieu de ces étoiles artificielles et crasseuses, frappée par la peine incommensurable qui touche les fous qui comprennent qui sont fous.
— Comment est-ce que je m'appelle, déjà ? demanda-t-elle, la bouche en halo.
Elle fixait les néons et ils la fixaient aussi.
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les vulgaires bijoux vulgaires | tokyo revengers
FanficÇa faisait quatre jours que Kaho n'avait pas mangé. Mais, lui, lui rapporta un collier qu'elle n'avait pas demandé et qu'il n'avait pas acheté. Elle mangea ses propres larmes, en l'attente de son prochain client. Izana les observe, à travers une fen...