Je relève la tête si brusquement que des étoiles parsèment l'intérieur de mes paupières.
Ai-je rêvé ?
Je cligne des yeux à plusieurs reprises et vois se dessiner les contours d'un visage qui est loin de m'être inconnu.
Asher.
— Hé, tu m'as entendu ?
Je me redresse avant de hocher vigoureusement la tête, par réflexe. Ce geste me vaut un rire moqueur qui me foudroie sur place. Pourquoi faut-il que mon instinct s'avère si mauvais dans des situations aussi périlleuses ?
— Cinq Camden Hells, c'est noté, bougonné-je.
Je ne sais pas comment protéger le peu de dignité qu'il me reste... Je me contente donc de prendre la commande. Lui tournant le dos, je m'empare des verres et des bouteilles, que je décapsule sur un comptoir. Pour la cinquième fois de la soirée, ma paume rappe contre les bords aiguisés du bouchon, réveillant une douleur qui devient familière.
J'articule un juron avant de plaquer un sourire factice sur mes lèvres et de me tourner, Camden Hells en mains. Je sens le regard attentif d'Asher peser sur moi. Cela me met mal à l'aise. Je sais qu'il me juge, tout du moins, j'en suis presque certaine : avec son ton condescendant et ses remarques acerbes, difficile de penser autre chose...
Arrivée à sa hauteur, je lui tends ses boissons et décide de lutter contre l'intimidation qu'il ose me faire subir en répondant :
— Ça fera cinq livres cinquante, Eurêka !
Enfin, je lève les yeux pour rencontrer ses iris sombres. Je les vois pétiller d'amusement. Un large sourire vient étirer ses lèvres et il éclate de rire. De nouveau, les pans de ma bouche se redressent sans que je puisse le contrôler et je fais de mon mieux pour le cacher en m'attelant à essuyer le bar alors que Marco l'a déjà fait il y a moins d'une minute.
— O.K., je vais payer par carte, reprend-il après s'être calmé.
J'acquiesce sobrement et lui ramène le terminal. Sa main frôle la mienne, provoquant une nuée de picotements qui remonte le long de mon bras, et je suis persuadée qu'il l'a fait exprès. Aussi, je fais comme si c'était tout naturel, j'ignore mes sensations, refusant de lui donner une énième raison de se moquer de moi. Je crois qu'il le sait, car il ne se départit pas de son sourire en coin, ses iris suivant le moindre de mes mouvements.
Une fois qu'il a réglé, il prend ses verres et s'éloigne. Je pousse un long soupir, évacuant le stress qui s'était accumulé encore une fois dans ma poitrine. Je m'apprête à m'adresser à un autre client lorsqu'il m'interpelle :
— Au fait Tinky Winky !
Je pivote sur moi-même, réagissant à ce surnom ridicule sans même le vouloir. Je me sens immédiatement trahie par mon propre corps. Voyant qu'il a toute mon attention, Asher revient sur ses pas. Sa démarche féline est toujours aussi séduisante. Ses yeux charbonneux se plongent dans les miens, le rideau fourni de ses cils apparaissant comme seul barrage à notre contact visuel.
— Mignon, ce petit haut transparent. Le style poisseux, ça fait fureur en ce moment.
Puis il me décoche un clin d'œil et finit par se fondre dans la foule, me laissant étourdie par sa remarque.
Qu'est-ce qu'il raconte ?
Je baisse alors les yeux... et comprends instantanément. Mes joues se mettent à me brûler tandis que je fais volte-face, tournant le dos à la clientèle. Il faut croire que la pinte que j'ai fait tomber un peu plus tôt m'a éclaboussée bien plus que je ne le pensais : mon débardeur blanc s'en est imprégné et laisse entrevoir une grande partie de mes seins qui pointent fièrement sous le tissu. Ajoutez à cela une jolie nuance brunâtre et une odeur âcre, et vous pouvez brosser le parfait tableau de mon portrait actuel. J'ai envie de disparaître. Mon moral ne pourrait pas tomber plus bas.
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Free Woman in London
ChickLitQuand Asher rencontre Joni Il est temps pour Joni de partir de chez elle. Une soirée déchaînée, une teinture ratée et une cuite carabinée plus tard, elle saute dans son train direction Londres pour vivre une vie de folie. Son Erasmus ne fait que com...