PROLOGUE

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LA VEUVE ET LE ROI

PROLOGUE

Moi (criant) : mè... mère pour... pourquoi tu les laisses faire...

Elle détourne son regard pour fixer ailleurs, je sens mes forces m'abandonner, mais je ne dois pas arrêter de me battre.

Ma Guissaly (hurlant): qu'est-ce que vous attendez ? Nous devons sortir du village avant la tombée de la nuit.

Je suis horrifiée de voir qu'aucune des personnes ici présentes ne va faire quelque chose pour épargner ma vie.

Est-ce de ma faute ce qu'il s'est passé ?

Ai-je le droit de vie ou de mort sur mes semblables ?

Pourquoi doit-on rejeter la faute sur l'épouse lorsque son époux décède en premier ?

Je ne veux pas subir ce sort, c'est une injustice qui demeure déjà depuis plusieurs générations.

Ici, être veuve est une tare, ils disent que notre présence porte malheur aux autres. Ils pensent tous que si nous avions été des femmes pures et fidèles, nous aurions pu protéger nos maris de la mort.

Donc lors du décès de l'époux, nous sommes implicitement rendues coupables.

On veut nous imposer de porter le deuil jusqu'à la fin de notre vie. Nous sommes forcés de nous réfugier dans une ville lointaine pour purger notre "peine".

Mais je souhaite résister, je refuse de porter les marques du veuvage. Je ne me considère pas impure comme on le sous-entend. J'ai aimé mon mari à un moment donné et je n'ai jamais fauté avec un autre homme alors pourquoi devrais-je être puni pour sa mort ?

La tradition domine, je sais que je ne pourrais compter que sur ma personne, pour me libérer de ces chaînes.

Moi (de toutes mes forces) : jamais je n'accepterai ce sort, je vais me battre...

Ma Guissaly : faites la taire.

On me bâillonne la bouche avec le foulard qui se trouvait sur ma tête et c'est la dernière chose dont je me souvienne avant de sombrer dans le néant.

*********

Je dois faire vite, en entendant les branches craquer sous mes pas, je m'arrête un instant et prends une profonde inspiration. Il est tard dans l'après-midi et tante Sany fait certainement la sieste, mais mieux vaut rester prudente.

A présent, le moment était venu pour moi d'agir, car si je reste encore un seul instant ici. Je risque de commettre l'irréparable. J'avais mis ce plan à exécution depuis plusieurs mois.

Heureusement qu'aujourd'hui le village se trouve particulièrement silencieux. Elles sont parties prendre d'autres veuves, je n'ai aucun scrupule pour ces "femmes", pour moi, elles n'ont pas de cœur.

Je viens d'avoir dix-huit ans et ces deux dernières années ont été les pires de mon existence. Bientôt je serai assez loin de ce maudit village des Veuves. J'espère ne jamais y revenir, le seul pincement au cœur que j'ai, c'est de laisser Koumba derrière moi. Mais pour elle, il n'était pas question de partir donc je n'avais pas le choix, même si elle va me manquer.

Je serai bientôt libre.

Cette pensée déclenche en moi un frisson de plaisir. Pour une fois, ce serait moi qui mènerais la danse, car s'il y avait une chose que la maîtresse de ce village détestait plus encore que l'insoumission, c'était bien le scandale.

Quand je serai à des milliers de kilomètres d'ici, je déciderai de l'endroit où j'irai trouver refuge. Je chasse de mon esprit les ennuis que je laisserai derrière moi pour me consacrer sur ma vie et mes rêves.

La Veuve et le RoiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant