5 - Le garçon perdu

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Habillé d’un vieux jogging gris sous son manteau noir, ses pieds glissés en toute hâte dans des baskets, Maewon arpentait son quartier résidentiel. D’une voix qui cachait mal son désarroi, il appelait son invité par le seul surnom qui lui était venu.

— Merle ! Merle, vous êtes là ? Merle !

Le cœur battant, il augmenta la longueur de ses pas. Il contourna un coin. À l’entrée d’un parc délaissé par les familles qui dormaient encore, le diplomate ralentit. Il soupira de soulagement. Son jeune fugueur n’était parti qu’à deux cents mètres de la maison. Encore en pyjama, le garçon était assis sur un banc, ses orteils nus contre le rebord du siège. Les bras autour de ses genoux repliés contre son torse, il grelottait de froid, tête baissée.

En silence, Maewon enleva son manteau. Il le posa sur les épaules de « Merle », qui sursauta à ce contact. Le garçon tourna le visage vers le nouveau venu et reconnut l'homme de la veille. Soulagé, il se leva du banc avec précipitation. Il enroula ses bras autour de la taille de son sauveur. Sans retenue, il colla son visage contre le torse de celui-ci. Une bouffée du parfum de Maewon, imprégné dans le vêtement, accompagna le geste de Merle. L’espace d’un instant, les jeunes gens furent entourés d'herbes fraîchement coupées, dans un jardin d’agrumes.

Le semi-elfe plaça une main douce sur la tête du petit être si désemparé. Subir la démonstration d'une telle innocence était plus émouvante qu'embarrassante ! Maewon caressa distraitement les cheveux bruns. Son instinct protecteur le fit préférer le tutoiement au vouvoiement.

— Tu vas bien ?

— Oui.

— L’univers soit loué ! soupira Maewon. Il ne t'est rien arrivé de grave…

Vaguement honteux, le garçon leva vers son hôte de grands yeux désolés.

— Je ne voulais pas partir. Pardon de t’avoir inquiété !

— Ce n’est rien. Pourquoi es-tu sorti tout seul, habillé comme ça ? J’aurais pu te déposer où tu voulais, en voiture.

— J’ai…  cru avoir retrouvé la mémoire. J’ai essayé… de refaire le chemin d’hier. Je me suis perdu.

— Tu t’es… perdu… à deux cents mètres ? Ton sens de l’orientation est perfectible !

Le garçon rougit un peu et acquiesça. Maewon se mordit les lèvres pour ne pas éclater de rire. Puis, rassuré de voir son invité indemne, il prit enfin le temps de passer les mains dans ses propres cheveux, pour les discipliner. Non coiffées, ses mèches rebelles menaçaient de friser d'une façon affreuse ! Même au coin de sa rue, le diplomate n’avait pas pour habitude de montrer en public une façade aussi négligée. Par chance, le quartier était désert, à cause de l’heure prématurée, de la fraîcheur de cette matinée automnale, et de la date. On était psukhé, jour de congé hebdomadaire pour la plupart des centraliens.

— Enfile tes bras dans les manches, Merle.

Adoptant ce surnom avec reconnaissance, le garçon obéit. Maewon se baissa pour fermer le manteau en laine.

— Rentrons maintenant. Tu as faim ?

— Oui ! approuva Merle avec vigueur pendant le trajet à pas tranquilles.

— Tu te souviens s'il y a un aliment que tu dois éviter en particulier ? Une allergie ? Une médication quelconque ?

— Euh…

— Mangeons des choses simples alors. Ce sera plus prudent pour le moment. J’attends la livraison de ma voiture. Quand nous serons motorisés, je t’emmènerai voir un médecin. On te fera des analyses.

Mon oiseau blessé (Conte de faits Tome 1 : Extrait)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant