Mouvement Zéro

23 3 0
                                    

Je ressentais tout.

Mes parents se disputaient à longueur de journées, cris à s'en déchirer les cordes, verres qui se brisent, portes qui claquent.
Que je sois présent à la maison, que j'aille jouer avec mes copains, que je rentre après cette dite absence.
Toujours, tout le temps, à chaques occasions, éternellement, sans fin.

Je ne ressentais que la peur.

J'étais effrayé, effrayé de devoir de nouveau assister à ça, effrayé quand je devais m'amuser, effrayé à l'idée de rentrer.
Finalement, comme un papillon qui atteint le terme de sa vie, la relation de mes parents qui dura bien plus longtemps qu'on ne l'aurait prédit arriva à son terme.
Je suis parti avec ma mère, sans d'autres choix que d'abandonner mes seuls amis et mon papa, pour vivre chez sa propre mère à elle.

Mais rien ne s'arrêta, plus aigrie, plus nerveuse, cette mère que je ne considérais que par son rôle avait juste été lâchée sans rien pour la catalyser, alors je suis devenu ce catalyseur.
Tout le monde était conscient de la situation dans laquelle j'étais.
Mais évidemment tout le monde l'a laissée agir sous prétexte que "c'est sa mère" et qu'ils "n'avaient pas leurs mots à dire".
Après quelques années, ma mère trouva un appartement à deux pas de la où on vivait. Le calvaire s'amplifia alors de façon exponentielle.

Alcool, je dois tenir.
Colère, je dois tenir.
Haine, je dois tenir.
Reproche, je dois tenir.
Vivre, Je. Dois. Tenir.

Fuir chez ma grand mère ? Quelques heures de répis;
Garde de mon père le week-end ? Crise d'angoisses, pleures, vomissement le dimanche soir;
Ma sœur aînée ? Trop "occupée" pour éventuellement s'occuper de son petit frère;
Ma sœur cadette ? Je veux surtout pas l'encombrer de mon fardeau pendant ses études.

Je ne ressentais que la tristesse.

Un soir de novembre, j'accompagnais mon grand père faire des courses au magasin non loin de la. Celui-ci étant malade et affaibli, c'était une bonne occasion de le faire sortir prendre l'air. Il y eu quelques pertes d'équilibre sur le chemin mais rien de bien grave. Puis on arriva à la supérette, on acheta nos quelques articles en réalité futiles et on reparta. Rentré à la résidence, je décide de le laissé rentré seul dans l'appartement où mes grands parents vivaient, il lui reste une centaine de mètres à faire, rien ne peut se passer. Je surveille de loin qu'il monte certaines marches dehors sans encombres et je continue mon chemin.
Rentré, le temps passe, aucun coup de fil de ma grand mère, anodin au premier abord mais crucial étant donné que c'était quelque chose qu'elle avait l'habitude de faire quand on rentrait d'une sortie.
Je me suis alors mis à ressentir un malaise sans trop comprendre pourquoi, ajouté à ça le coup de téléphone absent de ma grand mère, j'étais persuadé d'avoir fais une erreur, je remis alors ma veste et m'empressa dans le second appartement familial.
Une silhouette assise ? J'approchais de plus en plus et au fur et à mesure que la distance qui nous séparait se réduisit, la silhouette devenait des plus nette malgré l'obscurité. De plus, je distinguais alors que la petite marche en pierre était bien plus foncé qu'habituellement mais impossible de savoir pourquoi sans une lumière pour m'éclairer, notre écart ne devenait alors bientôt qu'une formalité lorsque je me rendis compte que la personne assise était en réalité mon grand père que j'avais quitté plus tôt.
son visage était ensanglanté et la peau de son nez déchirée, le sol en pierre lui, était assombri par tout le sang qui le recouvrait. De sa couleur vermillon on ne distinguait plus sa teinte originelle.
Mon cœur fit un bon énorme et alors que mon rythme cardiaque dépassait des records, mon cerveau lui, se posait les mêmes questions encore et encore :
"il c'est passé quoi ?"
"Il va bien ?"
"Je suis désolé"
"Pourquoi je l'ai laissé ? Je savais qu'il était très faible et pourtant je l'ai laissé"
"Qu'est-ce que j'ai fait"

Mais ce spectacle traumatisant n'était en réalité dû qu'à une blessure superficiel, le visage, ca saigne énormément vous savez.

Je ne ressentais que de la tristesse et de la culpabilité.

Un mois plus tard, à l'approche des fêtes de Noël mon grand père mourut. Emporté par sa maladie qui s'était aggravée à cause d'un traitement foireux prescrit par le service hospitalier.
Quand j'eu appris la nouvelle, le choque qui était mêlée à de l'incompréhension l'a emporté sur la tristesse : je n'étais pas capable de pleurer.
Moins d'une semaine plus tard, réunion au funérarium pour le "voir" une dernière fois. Cette fois il n'y a plus l'excuse du choque, pourtant, impossible de pleurer malgré l'imposante boule au ventre que je ressens tous le long de la séance.
Enfin vint l'enterrement. Cette fois finalement j'eu les larmes, des flots et des flots que j'extirepais de moi pour me libérer de toute la douleur qui m'habitait. Paradoxalement, j'étais heureux d'être toujours capable de pleurer et d'exprimer mes émotions négatives.
Mais ce n'était qu'un avant goût de ce que je vie aujourd'hui.

Énorme bon dans le temps, nous sommes maintenant au printemps 2021.
Mon chien, du haut de ces 13 ans semble subir les effets de son âge en souffrant d'arthrose et comme tout être vivant sur terre sa vie arriva à son terme. J'étais présent ce soir là, à ses côtés tout ce temps car je savais au fond de moi que ça allait arrivé mais c'était impossible pour moi de s'y résoudre, au point où rien que de me l'imaginer me rendait angoissé.
Pourtant, lorsque l'inévitable arriva : rien. Je n'ai absolument rien ressenti, rien du tout, j'ai juste accueilli sa mort comme un fait, une vérité intangible dans laquelle il n'y avait rien à en ressortir si ce n'est que nos habitudes allaient changer. Je me suis dégouté de mes propres émotions, ma propre indifférence me répugnait à un point inimaginable et pourtant, jusqu'à aujourd'hui, pas une seule fois mon animal ne m'a manqué.
Mais cet "événement" ne fut pas un cas isolé.
Dans la même année, en août, fraîchement rentré de vacances. Mon père et moi avont retrouvé notre chat, blessé à la patte, blessure évidemment infecté et infesté de vers. Notre chat, que nous avions depuis plus de 18 ans allait mourir, nous le savions.
Cette fois ci l'impact serait encore plus grand, ce chat que je côtoie depuis que je suis bébé va mourir et pourtant, contrairement à l'événement précédent, je n'appréhende rien. Je n'ai ni peur, ni angoisse, je ne suis même pas triste à l'idée de perdre cet être chère qui m'est plus proche que d'autres membres de ma familles.
Ainsi, ce qui devait arrivé arriva, mon chat mourut dans la nuit après de longues heures probablement douloureuses.

Encore une fois comme je m'y attendait au fond de moi, je n'ai rien ressenti. La vue du cadavre de mon chat ne m'a fait ni chaud ni froid, comme je l'avais pressenti plus tôt, ni tristesse ni angoisse.

J'ai maintenant accepté cette part de moi, je ne ressens plus la majorité des émotions négatives humaines.

Je ne suis plus capable de pleurer,
Je ne ressens rien.

Suis-je encore humain?

Vous avez atteint le dernier des chapitres publiés.

⏰ Dernière mise à jour : Oct 27 ⏰

Ajoutez cette histoire à votre Bibliothèque pour être informé des nouveaux chapitres !

Rien qu'une genèseOù les histoires vivent. Découvrez maintenant