2 : Lui

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 Nous nous approchons de la table légèrement gênés, je regarde du coin de l'œil Dae intrigué et je sens la honte m'envahir comprenant pas vraiment pourquoi ce mec nous appelle alors qu'on ne s'est jamais parlé, ce genre de chose m'angoisse, ce genre de situation où tout m'échappe, où je ne contrôle rien. Une fois à la table le garçon s'assit et nous invite de sa main pour qu'on s'installe également, mon ami me regarde du coin de l'œil et je lui fais un signe approbateur, on s'assoit. Le visage de l'inconnue de ce matin révèle un sourire qui transparaît toute sa joie, il nous adresse la parole.

« - Vous allez bien ?

- Hum, oui. Lui répondit-je avec étonnement, le fait qu'il soit aussi à l'aise me perturbe.

- Oui ça va ! C'est super qu'on mange tous ensemble.

- Mais, qui es tu ? Rétorque Dae.

- Oh ? Je suis Sacha ! Vous ne le saviez pas ?

- Comment aurait- on pu le savoir ? Répondis-je perplexe.

- Et bien comme je suis dans ta classe...Je me suis dis que vous le saviez. »

Je sentis mes joues rougir de honte, je ne connaissais pas son nom, il faisait partie de la moitié de la classe dont je ne connaissais même pas le nom. Je baisse la tête et me concentre sur mon assiette de pâtes. Sacha essaye de démarrer des conversations et nous nous parlons entre nous, je ne connais pas ce garçon et il ne m'inspire pas forcément confiance, il paraît trop à l'aise et décalé avec ses amis qui, eux, discutent ensemble.

Je mange mes pâtes et déglutit avec difficulté, manger est pour moi une difficulté, je prends pas particulièrement plaisir à manger, j'ai même une boule au ventre à chaque repas mais comme je suis avec Dae je me force à manger un peu, j'imagine que s'il n'était pas là je ne ressemblerais plus qu'à une méduse séchée sur le sable à l'heure qu'il est. Je fini la dernière pâte de mon plat et Dae, lui, fini son dessert, on quitte la table, les yeux de Sacha rivés sur nous.

Une fois sortis du self on échange un regard complice et un sourire moqueur, on ne se moque pas de Sacha mais de la situation plus que particulière, comme notre eyes contact dure plus que quelques secondes on commence à éclater de rire. On monte les escaliers pour aller dans le couloir qui rejoint nos deux classes respectives. On s'assoit par terre et Dae pose sa tête contre ses genoux. D'une voix pas des plus assurées il me demande.

« - On restera toujours amis quoi qu'il arrive, pas vrai ?

- Qu'est ce qui te prend tout à coup ?

- Réponds moi s'il te plaît.

- Évidemment qu'on restera toujours amis.»

Dae rigole un peu gêné et puis il relève sa tête pour me regarder, il reste comme ça quelques secondes puis tourne cette dernière vers la porte de sa salle de classe. Évidemment j'ai compris ce qu'il voulait dire, je n'ai pas continué sur le sujet mais il a peur que Sacha prenne sa place alors qu'évidemment ce ne sera jamais le cas. Dae est une partie de moi que personne ne pourra enlever, il m'est nécessaire à ma vie, sans lui je ne serais rien. Je ne lui dirais jamais mais c'est ce que je pense, j'aime mon ami et ne le quitterais jamais. Nous sommes seuls dans les couloirs avant que la sonnerie retentisse et qu'une foule d'élèves atterrisse devant et à côté de nous.

Encore une fois une routine habituelle, dessin, écouter deux ou trois fois et puis me perdre dans mes pensées mais aujourd'hui il y eu encore quelque chose de différent. La sonnerie sonne la fin des cours et un jeune homme approche ma table, je lève péniblement les yeux et c'est lui, Sacha. Je le regarde avec incrédulité afin de lui dire "pourquoi tu es encore là toi ?", il ne sourit pas vraiment mais il n'a pas l'air en colère ou autre, il ne sourit juste pas. Après un bref moment de silence et que la salle soit quasiment vide, il me demande.

« - Est ce que tu peux sortir la nuit ?

- Qu'est ce que tu veux dire par là ?

- J'aimerais t'emmener quelque part.

- Je suis pas ce genre de personne.

- Comment ça ?

- Je couche pas.

- Quoi ?! Nan ! Je- Je ne voulais pas dire ça ! Il bégaye et je sens rien qu'au regard la chaleur de ses joues augmenter.

- Comment ? Tu voulais dire quoi ? Dis-je aussi gêné par ce malentendu.

- J'aimerais juste te faire découvrir un endroit.

- Un endroit ?

- Tu veux bien ? »

Je réfléchis un instant et comme je sais que personne ne m'attends chez moi je hoche la tête positivement. Sacha sourit et commence à marcher, je le suis. Je ne suis pas habitué à ça, et surtout je ne connais pas Sacha, j'ai peur, mais je décide de me laisser, je veux du nouveau, des sensations. On sort du lycée, descend les marches et sort de ce dernier. On commence à marcher dans les rues.

On marche dans le crépuscule, nous sommes en fin d'hiver alors le soleil tombe vite, quand je ne regarde pas le dos de Sacha c'est pour regarder le dégradé des couleurs qui se fend une place dans le ciel, je trouve cela particulièrement beau. Je sens qu'une distance commence à se créer entre Sacha et moi, je ne marche pas très vite à cause de ma santé désastreuse, j'essaie de le rattraper mais n'y parvient pas. Et puis finalement l'écart se réduit, je suis d'abord étonné et, mon regard qui était d'origine posé sur nos pieds est maintenant sur la silhouette du jeune homme. Il marche lentement, remarquant que je n'ai pas le même rythme que lui, ça me fait plaisir qu'il l'ait remarqué, à moins que je me fasses des idées et que tout cela n'est que le fruit de mon imagination, cependant j'ai envie de me bercer dans mes pensées, rêver éveillée, penser à autre chose. On marche longtemps, je dirais qu'on a déjà marché 40 minutes, mais mon envie de vérifier sur mon téléphone est estompée par l'ambiance actuelle, c'est calme, reposant, avec seulement quelques insectes comme bruit de fond, la chorale des criquets nous offre une symphonie, je n'ose pas briser ce silence apaisant.

Nous continuons de marcher jusqu'à passer devant un observatoire abandonné, j'admire la vieille bâtisse et mon cœur s'arrête de battre, une terreur sans pareil puis une douleur survenue, je me suis cogné contre Sacha et suis tombé par terre. Ce dernier se moque un peu de moi, un rire doux et gentil qui me fait baisser la tête de honte. Il me tend sa main et me dit.

« - On est arrivé !

- Un observatoire ? Je me relève en me laissant tirer par la main qu'il m'avait tendu puis me frotte les fesses imaginant que la douleur disparaîtrait comme par magie, il aurait au moins pu me rattraper !

- Abandonné, et la vue est sublime.

- Il n'y a personne dedans ?

- Depuis que je viens il n'y a jamais eu personne.

- Comment on entre?

- Suis moi. »

Je le suis jusqu'à un trou, certainement fait à la cisaille, dans la barrière métallique, on passe l'un après l'autre dans le trou pour arriver dans l'immense cour du bâtiment, si je devais comparer cet endroit ce serait avec un milieu féerique, les fleurs, mauvaises herbes, ronces et racines ont repris leurs droits créant un jardin sauvage à couper le souffle. Les arbres formaient des haies et les hautes herbes des parois. Le sol était recouvert de petites fleurs bleu, roses, jaunes et orange. Rien de tout cela n'était artificiel et ça se voyait.

Dans la peau d'une méduseOù les histoires vivent. Découvrez maintenant