Chapitre 1

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Jordan

 La nuit commençait à tomber, peignant le ciel d'un ton noirâtre, parsemé de petites étoiles blanches, au-dessus de la ville et de la clairière de pins qui entourait l'Académie, une école vieille de plusieurs siècles, ou plutôt, une usine dont le seul but était de façonner les dirigeants de demain. Dans cette usine, aux murs en béton couverts de mousse, au fond d'une salle de classe froide et grise, se trouvait Jordan qui, en écoutant sa professeur dictée sa leçon d'une voix lasse et chevrotante, regardait la fenêtre recouverte d'une fine pellicule de verglas. Son menton reposait dans la paume de sa main gauche pendant qu'il faisait tourner son stylo dans sa main droite. Celui-ci finit par atteindre le sol en laissant échapper un petit « clic », ce qui fit taire sa professeur. Elle se retourna, le fixa de ses yeux vitreux et perçants en remontant ses fines lunettes sur son petit nez tordu et s'approcha de lui, ses talons roses cramoisis claquant sur le sol carrelé. D'une main tremblante, elle lui assena un petit coup de livre sur la tête et couina:

— Monsieur Maverick, puis-je savoir en quoi la fenêtre est-elle plus intéressante que mon cours? demanda-t-elle énervée alors que le jeune homme la regardait avec ennui en se redressant sur sa chaise et en soupirant. Visiblement, vous vous croyez plus intelligent que vos collègues au point de vous dispenser d'écouter la leçon, vous m'écrirez donc un essai sur la Guerre de Lumière que vous me rendrez à notre prochain cour.


  Jordan la regarda s'éloigner, ses talons claquant de plus belle, en faisait mine d'ignorer les regards foudroyant de ses camarades de classe, qui se retournaient à présent que le spectacle était fini. Il se baissa pour attraper son stylo tandis que la professeur reprenait son cours. Il fit semblant de prendre des notes jusqu'à ce que la sonnerie retentisse enfin, le libérant. Il fut le premier à sortir de la salle et à courir vers les escaliers, qu'il descendit quatre à quatre. Le jeune homme était tellement pressé de quitter cet enfer pour aller trainer dans la rue, qu'il percuta violemment une jeune fille.

— C'est bon, t'as fini de me regarder?! lança l'adolescente d'un ton tranchant, en ramenant ses cheveux sur son visage pour couvrir un trou qui s'était formé sur sa joue.

— Je...pardon, bégaya Jordan.

— Ouais c'est ça! répondit la jeune rousse en s'éloignant d'un pas rapide. 

  Le jeune homme reprit son chemin vers la sortie, surpris par ce qu'il venait de voir. Il franchit les doubles portes de l'Académie et traversa les jardins et la clairière qui bordaient cette usine à cerveaux, jusqu'au portail en or, où s'agglutinait un troupeau d'élèves pressé d'aller à leurs cours du soir ou bien pour rentrer chez eux et réviser. Il joua des coudes pour se frayer un passage dans cette foule étouffante et enfin atteindre le trottoir d'en face, où il tourna à l'angle d'une pâtisserie, d'où s'échappaient d'alléchantes odeurs de brioches chaudes fourrées à la crème et de gâteaux recouverts de fruits et de sucres. 

  Il marcha pendant une dizaine de minutes, passant devant des bureaux, des magasins, des restaurants bondés et des sorties de métros, avant de pénétrer dans une salle d'arcade, dont la façade était recouverte d'enseignes néons et d'affiches publicitaires colorées.

  La salle d'arcade s'étendait sur six étages, dont un destiné à un café. À l'intérieur, des jeunes s'agitaient autour de bornes d'arcade et de simulateurs en tous genres, pendant que des serveuses en patins à roulettes roulaient entre les bornes, plus légères que l'air, pour servir des boissons glacées et des hamburgers dégoulinants de sauces et de fromages. C'était ici, au Midnight Heaven, que se regroupaient les jeunes comme Jordan, des jeunes fêtards insouciants, qui préféraient vivre leur vie pleinement au lieu de bosser comme les autres. Car cette salle d'arcade ne s'en cachait pas, préférant même se vanter d'avoir une réputation de repère pour marginaux, seul endroit de la ville où l'alcool coulait à flots et que la drogue envoutait les jeunes dépravés qui rêvaient d'une vie sans contrainte, dans laquelle tout n'est que rigolade et amusement.

Projet Moon GateOù les histoires vivent. Découvrez maintenant