Quelques heures plus tard, vers minuit, je n'arrive toujours pas à trouver le sommeil alors je traîne sur mon téléphone. Je regarde vaguement qui a vu mes stories, j'ai quelques personnes ayant répondu en me donnant leur propre avis sur le livre en question. Échanger avec eux sur cette passion me détend. C'est un moment qui m'appartient, dans lequel je me sens dans mon élément, je sais de quoi je parle et je n'ai pas peur d'être jugée.J'ai une invitation par message, ce qui signifie que je n'ai encore jamais parlé à cette personne. Je clique pour voir le contenu de son petit paragraphe, et décider si j'accepte de lancer la conversation ou non. Le pseudo m'interpelle. Avant même de lire ce qu'elle a écrit, je passe sur le compte que je viens de créer pour être vérifier mon doute.
Il s'agit bien de @ila_ qui n'a qu'une photo de profil avec la chevelure blonde. Le dernier profil de la liste. Est-ce qu'elle sait que c'est moi, ou est-elle ici par hasard ? Mon cœur s'emballe, soit c'est un cauchemar et la personne sait que je suis là chroniqueuse, soir c'est super parce qu'un membre du Therapy Club est susceptible de partager la même passion de la lecture que moi.
Je m'empresse de retourner lire son message.
Salut, je partage vraiment ton avis sur cette lecture. Je viens de la terminer, malgré qu'on la voit passer partout sur les réseaux, je suis déçue. Je m'attendais à un truc grandiose. Et je n'ai pas ressenti grand chose. Tu es la première à avoir un avis mitigé dessus, alors merci pour ta sincérité. J'en conclus que nous avons sans doute des goûts de lecture en commun et je vais te suivre, et surtout suivre tes chroniques à partir de maintenant.
Ce n'est pas la première fois que je reçois un message comme ça. Il est vrai que je suis une des seules à ne pas mâcher mes mots sur les avis que je donne, mais c'est la première fois qu'un message comme celui-ci m'angoisse. Habituellement ça me fait plaisir. C'est sans doute parce que cette personne est aussi dans le groupe du Therapy Club. Pourtant elle n'a pas l'air d'avoir compris que c'était moi. Après tout, je vais peut être me faire une amie grâce à la lecture.
Je reste face à ce message, avec toutes ces pensées qui se bousculent dans ma tête. Si je réponds, je prends le risque de dévoiler mon identité. Mais parler à des personnes comme elles, n'est-ce pas ce pourquoi le Therapy Club existe ?
Mes doigts restent en suspension sur le clavier.
Contente que tu partages mon avis. Merci pour ton abonnement :)
C'est une réponse bateau mais je ne préfère pas en dire davantage. Elle répond avant que je ne quitte la conversation.
J'ai aussi suivi l'histoire avec My Lesbian Romance, ce livre m'a terriblement déçu et je suis heureuse que tu en ai parlé car personne ne l'avait fait avant toi.
Cette fois je ne réponds rien et bascule sur mon compte anonyme afin de vérifier si elle a accepté ma demande d'abonnement. C'est le cas, mais malheureusement son compte est aussi vide que le mien, je ne peux donc pas me faire une idée de son identité.
*
Cameron et moi nous nous préparons pour la deuxième réunion du Thérapie Club. J'enfile un crop-top marron, avec un bas de smoking noir, et enfin des Doc Martens. Je rejoins mon amie dans sa chambre et me laisse tomber sur son lit, les mains dans les poches.
– Ça va ?
– Ça ira quand j'aurais constaté l'absence de...
– La blonde, me coupe-t-elle en finissant de s'habiller.
Je fixe le plafond en me disant que je n'aurais pas été aussi stressée si je ne l'avais jamais vue. Et je lui en veux. Ça ne devait pas se passer comme ça. Ça devait être simple, pour une fois.
– Tu ne connais même pas son nom, dit Cameron. Laisse-lui une chance.
– Tu as la phobie des araignées je crois.
Elle m'interroge du regard.
– Le rapport ?
– C'est comme si tu venais te réfugier dans ma chambre parce qu'il y a une araignée sur ton mur et que je te répondais « Tu ne connais même pas son nom, laisse-lui une chance. »
Elle pouffe.
– Je ne parle pas le langage des araignées ! Donc, je ne peux pas faire connaissance avec !
Je secoue la tête.
– Eh bien moi c'est pareil.
– Tu es en train de dire que cette fille que tu ne connais pas te fait peur ?
– Je n'ai pas dit ça ! me défendé-je.
– Si, tu l'as comparée à une araignée !
– J'aime bien Spider-Woman, je réponds du tac au tac.
– Tu dis vraiment n'importe quoi !
Elle sourit et m'offre son bras. Je me lève pour passer le mien autour.
– Je crois qu'il est temps qu'on prenne l'air, conclut-elle.
Nous prenons le bus en direction de l'université et pressons le pas dans les couloirs pour arriver avant les membres. La salle est telle que nous l'avions laissée la semaine dernière. Je joue avec mes bagues, trop préoccupée pour pouvoir me plonger dans un roman.
Ils arrivent tous petit à petit. Je fais le compte, au bout du huitième je prie pour que ce soit le dernier. Deux personnes en moins ça fait deux fois moins de problèmes. Malheureusement la blonde entre en saluant Cameron poliment et en affichant un sourire assuré. La colère bout dans mes veines. Rien que sa présence m'horripile. Je ne la regarde pas. Je n'ai pas envie qu'elle pense que son petit effet fonctionne sur moi.
– Il est temps que je vous dévoile le programme du club, commence Cameron. Vous savez, des fois nous avons juste besoin de changer d'air. De souffler. De rire aux éclats sans se soucier de l'endroit. Du contexte. Des personnes autour. Et quoi de mieux que de prendre des vacances pour ça ?
Je suis suspendue à ses lèvres pour comprendre où elle veut en venir.
– Nous allons donc prendre une semaine de vacances quelque part, je ne sais pas encore où, nous aurons le temps de choisir la destination plus tard. Mais avant le réconfort, il y a l'effort. Prendre des vacances a un coût, et pour qu'on puisse se les payer il va falloir organiser des petites choses dans nos compétences afin d'économiser jusqu'à la fin de l'année scolaire.
Elle prend une pause. Je guette la réaction de la blonde, qui doit être riche et qui n'a pas besoin d'en passer par la case effort, mais elle ne cille pas. Qu'est-ce qu'il lui faut pour partir ? Elle n'a pas sa place ici. Je me sens comme étrangère à ma propre idée. C'est comme si elle avait pris le dessus sur le club et qu'il ne m'appartenait déjà plus. Comme si elle l'avait dénaturé rien qu'en étant assise autour de la table. C'est comme si elle était là depuis toujours et que j'étais la petite nouvelle. Et je déteste que sa seule présence me fasse sentir aussi mal.
– Pour cela nous devons mettre nos compétences au service du club. Que vous ayez des passions, des domaines de prédilections, des opportunités, il faudrait en faire part au groupe pour que nous puissions les utiliser. Par exemple si l'un d'entre vous fait la meilleure confiture de la terre, il nous partagera son secret et nous pourrions vendre des pots. Le but de tout cela étant d'apprendre à se connaître, de se donner des objectifs et de se pousser vers le haut. Et aussi que je me dore la pilule au soleil, à la fin. Je vous laisse quelques minutes pour y réfléchir, ensuite nous mettrons toutes les idées en commun. Ça peut être tout et n'importe quoi, que ça touche à la psycho ou à la confiture, peu importe.
Je me dis d'abord qu'elle est complètement folle. C'est beaucoup trop ambitieux. Cameron distribue des feuilles vierges et des stylos. Tout cela était une mauvaise idée. Je m'en veux. J'attrape une feuille, un stylo et glisse une main dans ma poche. Comment je vais me sortir de là ? Finalement la blonde a gagné, je lui laisse volontiers tout l'espace et j'abandonne le groupe que j'ai moi-même crée. Ce serait gênant mais le ridicule ne tue pas. Sauf qu'il y a Cameron. Après tout ce qu'elle fait je lui dois au minimum ma présence.
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THERAPY CLUB
RomanceAmélia est étudiante en troisième année de psychologie. Elle se dit qu'il serait temps d'aller bien avant de vouloir aider les autres. Le problème, comme beaucoup d'étudiants, elle n'a pas les moyens financiers de consulter un psychologue. Elle dé...