Clèves x Nemours

partie 1

     Madame de Clèves et son mari étaient tous deux invités chez la dauphine, mais monsieur de Clèves étant souffrant, il pria sa femme de l'excuser auprès de la reine et l'encouragea à y aller sans se soucier de lui, et à bien se divertir en compagnie de ses amis (s'il avait su ce qui arriverait cette après-midi-là, il se serait bien garder de prononcer ces paroles).
     Lorsqu'elle arriva dans le salon de la dauphine, toutes les têtes se tournèrent vers elle, comme à son habitude, mais elle fût prise de stupeur en voyant quelqu'un qu'elle n'attendait pas, en effet, monsieur de Nemours était là, et son regard se fit plus insistant quand il vit que monsieur de Clèves n'était pas aux cotés de la femme pour laquelle il avait une inclination particulière.
     Madame de Clèves tenta comme elle put de rester impassible, et elle y parvint pour la plupart des personnes présentes, mais elle ne parvint pas à dissimuler son trouble à la personne qui en était la cause. Elle évitait soigneusement le regard de monsieur de Nemours, mais elle ne pouvait s'empêcher de jeter quelques coups d'œil dans sa direction de temps en temps, et il apparaissait alors une légère teinte rouge sur ses joues, quand leur regard se croisaient et qu'elle comprenait que monsieur de Nemours ne regardait qu'elle parmi toutes les personnes autour de la dauphine. Les regards et le sourire en coin du duc ne passèrent pas inaperçu à la dauphine, mais elle se garda bien d'en dire quoi que ce soit, car elle pensait que ces regards étaient pour elle, en effet, madame de Clèves était assise à sa droite, car elle était sa favorite, et elle voulait toujours l'avoir à ses côtés.
     Une fois la réunion terminée, alors que chacun rentrait chez soi, le duc de Nemours ne put s'empêcher d'aller saluer la princesse.

"Comment pourrais-je m'accoutumer à une telle beauté ? Je suis bien heureux de pouvoir seulement vous approcher, mais sachez bien, madame, que je vous porte une admiration sans égale dans toute la cour, et que je serais d'autant plus heureux si vous me laissiez vous en faire la démonstration."

     La jeunesse de madame de Clèves ne l'empêchait pas de comprendre le sous-entendu du duc, et cette idée la fit rougir. Elle ne pouvait nier l'inclination qu'elle ressentait pour le bel homme qui se trouvait en face d'elle, son charme, sa grâce, son rang, il n'y avait aucune ombre au tableau, il était le plus parfait de tous, bien au-dessus de son mari pour qui elle ne parvenait à ressentir que de l'amitié.
     Elle se surprit à penser à ces choses là, et son rougissement s'accentua. Elle ne pouvait pas trahir son mari, l'idée de lui être infidèle, de le trahir lui, mais aussi sa mère et son éducation, de salir son rang et sa réputation, lui était insupportable.

"Ne dites pas de sottises, bonne soirée monsieur."

     Elle lui tendit la main, et le duc s'en empara aussitôt pour la baiser.

"Bonne soirée, madame."

     Il partit, en laissant la princesse de Clèves confuse, perdue dans ses pensées, tiraillée entre sa passion naissante, et sa vertu, qu'elle ne voulait pas voir perdue à jamais.