MÉLANCOLIE

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Souvent nos cordes vocales se figent et l'on reste là, muets et statiques, la voix écrasée et les mots mourant dans nos gorges étranglées par ce spleen incessant.

Lui qui nous étouffe à en perdre notre phrasé, nous fait suffoquer à priver notre raison de son oxygène et emporte notre conscience logique au fin fond des ténèbres de notre esprit. Lui qui participe à nous éloigner de ceux qui nous sont proches, lui qui nous malmène sans raisons. Nous l'aimons autant que nous le détestons.

Il est cet état morose dans lequel l'on se sent vivant tout en désirant la mort, cet état où ce n'est pas la vie elle-même le problème mais l'absence de volonté à la rendre douce et heureuse.

Dans ces instants chagrins où l'on erre dans les dédales tortueux de notre esprit, la malice de cet envoûtement personnel nous offre une représentation de notre existence où celle-ci nous apparait comme gaspillée. L'on se projette en notre ressenti et l'on se rend compte alors que nous nous sentons vides, sans but, sans chemin, sans vision à long terme. Nous apparaît cette impression de ne pas avancer dans la vie, d'être juste une âme errante se bousculant elle-même et vagabondant en peine sur les chemins de l'existence. Il y a alors en nous cette conception étrange et si pesante que rien n'est utile. Les loisirs, la famille, les amis, les relations virtuelles, le travail, le sexe. Rien ne sert hormis nous maintenir dans cet état végétatif qu'est la vie. Végéter. C'est probablement un terme un peu fort mais ô combien représentatif de la vision perfide de ces moments. Nous, conscient du monde défilant devant nos yeux mais impassibles. Rien en ces instants n'a d'importance si ce n'est aimer cette torpeur qui nous assaille.

L'on sobserve dans le miroir et trouvons notre regard insipide, inoccupé de ce feu ardant que l'on peut voir brûler dans les yeux de ceux qui rêvent la vie au lieu de la subir tel un cauchemar. Nous nous laissons emporter par ce vide et plongeons jusquà l'errance. Les gestes deviennent automatiques, les tâches obligatoires et la saveur du labeur n'a de goût que celui de l'amertume. Certes la plupart de ceux qui nous entourent ne savent distinguer à quel point nous nous enfonçons car bien souvent des ténèbres jaillit un clown, au moins aussi tristement misérable que nous mais sachant avec habileté jouer de son nez rouge et ses rires guillerets pour tromper la vigilance. Si d'aventure la façade ne masquait pas entièrement l'aspect pitoyable, le clown triste sortirait son énorme marteau sur lequel est inscrit en énormes caractère le mot « MENSONGES ». Cette arme redoutable, pour qui sait la manier, permet à coup presque sûr d'éloigner les quelques irréductibles ne se laissant guère duper par quelques pitreries.

Quand enfin l'on arrive à éloigner l'inquiétude alors l'on s'en retourne sans fierté à notre divagation. Elle qui se fait présente en permanence, elle qui depuis toujours nous accompagne, nous la détestons et pourtant lui vouons un véritable culte. Elle qui se fait le moteur de notre créativité lugubre, l'illusion parfaite que le bonheur nous rend moins inventif dans l'art que la noirceur tapissant notre esprit. Elle, elle sait se faire aussi désirable que la succube et nous happe à la moindre secousse. Il lui en faut si peu pour bouleverser un moment de plénitude ou un instant de joie. Elle connait notre caractère et se nourri de nos rancœurs, nos colères, nos non-dits. Il suffit d'un mot de travers ou d'une mauvaise interprétation pour que la lueur despoir naissante se retrouve étouffée et que les ténèbres nous envahissent à nouveau.

Quand elle part, même pour longtemps, elle ne disparait jamais vraiment.

La mélancolie est toujours là, elle attend juste son heure !

La poésie selon CaïnWhere stories live. Discover now