<Akileis s'effondre> par terre

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Ce soir, il a envie de se détruire juste pour ressentir. Se buter pour la rejoindre. L'embrasser, lui hurler son amour meurtrier. Un joint au bec, odeur presque putride imprégnant ses vêtements, son regard croise une bouteille d'alcool. Elle lui semble murmurer ses bienfaits, qu'il n'a d'autres choix que la boire maintenant que tout a commencé. Pour la cinquième fois de la semaine, et ce n'est même pas le weekend ; le jour de mercure semble rire de sa souffrance.

Et comme si la boîte de Pandore venait d'être ouverte, de ses lèvres s'échappent un gémissement de douleur, réveillant les multiples supplices de la lune. Le garçon est seul. Infiniment seul, dans cette vie qu'il ne partage plus depuis des mois. Comme en plein hiver il est gelé, il a chaud de la même manière que sous l'astre doré quand tout va bien. Tout à coup chaque sensation de ses seins qui frottent contre sa peau lui paraît insurmontable, sa voix trop aiguë lui donne envie de se pendre avec ses cordes vocales. Son regard croise celui de la jeune fille du miroir dans une douleur suicidaire. Chacune des nouvelles cicatrices violacées qui habillent le bras nu du reflet prouve sa peine à l'insensible soleil.

Des milliers de pensées douloureuses habillent sa tête, dansent une lente agonie avec sa raison. il se jette sur la bouteille comme un tigre affamé. Il n'en peut plus. Il boit par épuisement, par manque de réponses. c'est ce que ce grand enfant essaie de se persuader du moins. S'il avait eu les réponses, tout irait mieux, il aurait pris en maturité et aurait su faire une force du traumatisme. S'il savait pourquoi elle était parti sans prévenir-

Il avale une première gorgée brûlante de rhum. Akileis sent le liquide narquois de sa faiblesse descendre lentement dans sa gorge, serpenter jusqu'à son foie.
Il hait définitivement le goût fort de l'alcool, ce sondeur d'âme qui lui chuchote tant de belles promesses. Puis, assis au sol, il enchaîne les verres sans plus les compter, se réfugie dans un effacement de la réalité assuré, où le temps ne fait plus de lui son prisonnier.

Et il se sent enfin bien, maintenant que tout son corps s'étrangle à lui faire parvenir un sos, ses failles qu'il n'a pas l'énergie de panser. Celui-ci oublie seulement trop vite qu'Akileis gère d'une main de fer les appels à l'aide à l'univers qui peuvent s'évader de son esprit suicidaire.

Soudainement, sa belle Athem le regarde au milieu de la pièce, chacun de ses gestes sont figés dans le sablier, comme statufiée. Elle est grande, vêtue de son halo éclairée, illuminant ses boucles dorés. Il se lève précipitamment pour l'enserrer. Combien de temps depuis qu'elle n'était plus venu le rencontrer ? Au moins des mois, des années ! En se levant, il vacille, tombe sur les tibias ; pluie de bleus qui s'abattra sur son corps, l'habillera et le dessinera. Seulement Athem ne rit pas avec lui quand elle le voit se rétamer par terre. Elle est céleste, même fâchée. Son visage ne rit pas mais tout son être semblait se tordre de culpabilité. Elle regrette n'est-ce-pas ? Ciel, Univers, si sa déesse souhaitait tant le voir heureux, si cette muse de compassion l'aimait, elle allait retourner dans cette vie, conjuguée leur passé, leurs promesses, ce bonheur oublié ?
Tout allait redevenir comme avant.
Mais sa nymphe a certainement d'autres projets. Elle commence à hurler des mots aussi aiguisés que ses acides larmes. Les rires s'arrêtent, remplacé par un hymne qu'il connait sur le bout des doigts, hallucinations perpétuées.

‹‹ T'ES QU'UNE MERDE AKILEIS. TU T'EN SORTIRA JAMAIS ! ››

Il est terrifié, les larmes épousant les contours de ses cils. Le spectacle qu'il fuyait recommence sous ses pupilles marronés, sans qu'il puisse le contrer. Les gouttes de pluie sur ses joues noient son cœur d'une peine irréparable.

Elle lui dit en boucle que ce n'est pas de cette manière que l'on se soigne. ‹‹ EN PLUS DE TE FAIRE MOURIR LENTEMENT, TU TUES TOUT CE QUI POUSSE AUX ALENTOURS, À FORCE DE T'ARROSER QUOTIDIENNEMENT AVEC DE LA LIQUEUR, À NE MÊME PLUS TENIR DEBOUT ! ››

Il sait. Toutes les paroles cruelles de sa défunte, il les connait.

Mais pour se rassurer, il se chuchote que leur amour pour ce qu'il était s'évapore aussi simplement  que la fumée qui s'échappe de son joint [estompant les souvenirs] ; pour trouver le chemin de la vraie liberté.

Akileis l'observe souvent s'envoler, danser elle seule avec les nuages, tiser avec les étoiles, rejoindre la divine Athem. Il n'y a qu'elle qui parvient à s'éloigner de la Terre en comprenant sa fatalité. elle insuffle la mort dans les poumons, court se réfugier dans l'immensité éveillée.
Elle est [la mort, ] le désir de s'émanciper. Comme si tout était aussi simple que le souffle de mort qui s'échappe d'une bouche abîmée par la vie.

Comme s'il n'était pas bloqué au sol, l'alcool, les drogues et les cicatrices pleins le corps. Comme s'il ne souhaitait pas devenir cette fumée, quitte à condamner les gens autour de lui à souffrir.

‹‹ Dommage. Tu n'es qu'une vermine qui vit, rampe au sol de la souffrance en espérant un jour avoir ta place dans la mort. Oui, tu te rassures ainsi, lame à la main : ainsi, tu es plus proche de la mort. C'est plus rassurant, plus joli et apaisant. La douleur prend un autre sens : celle de la fin. Oiseau prémonitoire d'un repos éternel. Pourtant, dommage, tu vis encore. Enchaîné par la culpabilité de telles pensées. Ça devient ton seul échappatoire. Ton temps est compté maintenant. C'est fini. Tu as perdu la vie. ›› clame-t-elle calmement. Ses pupilles ne se détachent des iris mouillées d'Akileis, comme si elle cherchait sa béante supplication.

Il déclare défaite, hurle sa peine à travers l'appartement en se recroquevillant sur lui, à s'en arracher les cheveux. Il supplie son plus grand amour d'une voix haletée par les pleurs de revenir à ses côtés. De l'aimer comme elle savait si bien le faire, lui donner cette force et cet espoir qui lui manque tant.

‹‹ je n'en peux plus de ton corps, de cette vie. quand viens-tu le récupérer ? me récupérer ? ››

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assonance en é :

[i], [e], [ɛ̃] sont des sons aigus, strident qui peuvent évoquer un grincement, un cri, une plainte, une douleur, et même la clarté, la vérité.

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⏰ Dernière mise à jour : Feb 11, 2023 ⏰

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La lune ne brille pas en EnferOù les histoires vivent. Découvrez maintenant