Tiens voilà <cette acide> pluie

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La musique défile, mais il y a bien longtemps qu'il a arrêté de danser légèrement. Ses jambes ne portent plus cette euphorie mélodique, ses pensées sont parties loin de cet instant créé par son cerveau endorphiné.

Non, Akileis n'est pas non plus en sueur, prenant un verre d'eau pour mieux repartir. Le soleil s'en allant dormir sûrement ne s'égare plus à travers ses cheveux d'écrin.
La cuisine et le salon partagés par les deux colocataires sont aussi rempli qu'une nuit nuageuse l'est d'espoir. Peut être est-il dans sa chambre, riant encore de sa honteuse danse ? Mais si on pousse la porte, poussières et déchets en guise de tapis, aucune silhouette pense, éclat d'astre aux lèvres, prise d'une douce nostalgie.

Tout à coup, un bruit retentit dans la salle de bain. Un corps vacille avant de s'écraser sur le sol. Comment Akileis s'est retrouvé par terre, là ?
Les souvenirs reviennent quasiment instantanément, se déchaînant dans sa tête. Il prend les pensées, essait de les remettre dans l'ordre.

Il était dans la salle de bain, la lumière artificielle lui brûlait les ailes. Et après ? Ensuite, contraint d'apprendre à vivre sans bonheur, il avait saisit sa béquille cachée dans une doublure. Oui, c'était ça, le début de tout...

Recroquevillé dans un coin, en face de la glace, il la sert de toutes ses forces dans sa paume déjà abîmée par la vie. Elle est la seule chose qui lui reste de son ancien monde sur lequel il était roi. Sur le sol, le joueur de masque pleure.

Il pense soudainement à Athem, sa muse endormie, rappelée par le Ciel. Son amour brûlant pour elle le tue avec une lente douceur. Akileis se laisse posséder par la flamme, sans jamais trouver la force de faire face aux souvenirs. D'y mettre une fin.
Elle est encore là, il la sent au fond de son cœur, essuyant pour lui sa peine. Non... S'il plisse les yeux il peut apercevoir son magnifique corps au milieu de la pièce.

Elle lui parle même ! Chaque mot qui se détache de ses lèvres forme une symphonie qu'aurait envié Apollon. Pourquoi ses joues sont recouvertes d'une pluie acide ? Pourquoi ses iris marrons reflètent toute la douleur de ce monde ?

Son corps élancé se tourne vers le grand miroir. Akileis essaie avec peine d'articuler son prénom. De comprendre pourquoi sa main s'empare des médicaments posés en équilibre sur le lavabo, comme une morsure brutale de la Mort qu'il s'inflige tous les matins, à les laisser traîner là.

Que fait-elle ? Pourquoi les ouvre-t-elle, si déterminée ?
Sans qu'il ait le temps de respirer, tétanisé par l'orage qui frappe son cœur, elle avale ce qui tenait dans sa poignée.

Il hurle. Pour la première fois de toute sa vie, voyant son corps entouré d'un halo tomber au sol. Il hurle de tous ses poumons, bouche ses oreilles pour couvrir le bruit des râles, ferme les yeux pour ne plus voir les sirènes bleues danser sur les murs.

Akileis lâche dans la précipitation le seul objet qui le maintient dans la réalité. Au milieu du bordel de ses pensées, du vacarme des souvenirs, de l'épais voile que forment ses larmes, il cherche à tâtons sa lame.

Il n'en peut plus.
Du deuil, de l'amour, de la douleur, de la peine, de la Vie, d'attendre, de perdre l'espoir, du traumatisme, de la destruction.
Il n'en peut juste plus.

Alors quand il la trouve, son seul soutient s'enfonce dans sa chair pour la première fois depuis sa mort. Il avait seulement l'habitude de la garder près de lui lorsque le garçon sentait l'angoisse monter.

Akileis craque, s'acharnant sur sa peau et les gouttes rougeâtres qu'elle lui offre. Il ne veut plus vivre seul, supplie des pupilles les médicaments touchés par Athem. Mais il ne peut pas mourir maintenant.

Alors il se relève et vacille, dans un grand bruit qui réveillerait les démons de son esprit à nouveau. La musique reprend. Un morceau de pop s'élève dans l'appartement vide, pour faire chantonner les murs. Il se questionne un instant. Que vient-il de se passer ?
Mais le battement d'œil suivant, il n'est déjà plus là. Quand ses yeux ont croisé la lame qui sommeillait encore dans sa paume, perdu dans le monde de la douleur physique pour effacer les traumatismes. Une douleur contre une douleur, pacte sinistre avec le diable.

Ses yeux se noient de souffrance, il a brisé sa promesse. Alors Akileis lui écrit :
‹‹ ton corps a pris une cicatrice. peut être deux, ou plus. je ne sais plus. pardon. reviens. ››

La lune ne brille pas en EnferOù les histoires vivent. Découvrez maintenant