Priorité [yoonmin]

11

Il avait stationné sa Mini un peu avant le rétrécissement. Il était 17h15, pour une fois Jimin n'était pas en retard. Il avait quand même pris l'après-midi pour se préparer : deux heures dans la salle de bain puis une éternité à choisir ce qu'il allait mettre. Il avait finalement préféré rester simple, un jean noir serré, un T-shirt blanc et une chemise courte cintrée, à carreaux jaune et noire. Elle mettait bien son fessier en valeur, et l'encolure du T-shirt montrait juste ce qu'il fallait de peau pour donner envie. Jimin espérait que ça fonctionnerait sur Yoongi.

Au bout de cinq minutes à attendre dans sa voiture, Jimin commença à en avoir assez et sortit se dégourdir les jambes. Il n'était qu'à quelques mètres du passage et avait une vue parfaite sur les voitures qui arrivaient de la forêt, Yoongi ne pourrait pas le rater.

Jimin se souvint de ce que le jeune homme lui avait dit au restaurant, que le rétrécissement était un pont. Curieux, il fit quelques pas sur le trottoir et, effectivement, découvrit ce qu'il n'avait jamais pris le temps de voir avant : le passage étroit était en fait un pont qui surplombait un ruisseau un peu plus bas. La pluie, qui venait à peine de s'arrêter, avait mouillé les berges, elles apparaissaient d'un vert brillant, emplies de fleurs. Et les quelques rayons de soleil qui avaient percé les nuages éclairaient le ruisseau, créant un spectacle de lumières dansantes. C'était beau. Accoudé au parapet, Jimin s'était perdu dans la contemplation du courant, laissant son esprit vagabonder. Il était devenu sourd aux bruits de moteurs derrière lui, son esprit ne captait plus que le murmure de l'eau et les gazouillis de quelques oiseaux invisibles.

Un bref coup de klaxon le fit sursauter. Jimin se retourna et aperçut la Peugeot blanche de Yoongi, arrêtée au milieu du passage. La vitre s'abaissa et le visage de Yoongi apparut. Sérieux. Un peu intimidé, Jimin tenta un « Bonjour » en souriant. L'autre ouvrit la bouche comme pour répondre mais rien ne sortit. Finalement Jimin fit un geste vers le ruisseau. « C'est bien un pont!»

Cela sembla détendre l'atmosphère, le visage de Yoongi s'éclaira et il eut un petit rire. « Je vous l'avais bien dit. » Un coup de klaxon vint les interrompre, c'était le conducteur derrière Yoongi qui s'impatientait. Celui-ci lui fit un geste d'excuses puis, se retournant vers Jimin : « Viens. Prends ta voiture et suis-moi. » Il démarra et alla se mettre en double file un peu plus loin, pendant que Jimin courait rejoindre sa Mini.

Clé dans le contact, frein à main desserré, marche arrière pour sortir du stationnement. Jimin était prêt, il fit un appel de phares à Yoongi pour lui indiquer qu'il pouvait démarrer. La Peugeot s'ébroua et commença à rouler vers la sortie du village, Jimin juste derrière.

Il roula d'abord un peu crispé, se demandant où Yoongi allait l'emmener. Mais, au fur et à mesure qu'il roulait, attentif à bien suivre la Peugeot, il commença à se détendre, se laissant prendre par le plaisir qu'il ressentait toujours à conduire. Il aimait conduire, et il aimait surtout conduire sa Mini. Elle était parfaite : nerveuse, comme lui, et rouge, bien voyante. Comme lui. Ici, dans cette région paumée où il avait atterri il y a quelques mois, sa Mini faisait sensation, bien plus qu'à la capitale où il habitait avant. C'était drôle. Il aimait le regard étonné des gens, parfois choqué, quand il passait à toute vitesse. Il en rajoutait même parfois, baissait la fenêtre et augmentait le volume de la musique. Tout pour sortir de la grisaille de cette campagne, de l'uniformité de ses habitants.

C'était drôle, d'être regardé comme un extra-terrestre, mais c'était aussi pesant parfois. Les moqueries étaient douloureuses même s'il en riait. Il se sentait trop souvent renvoyé à sa différence, sa voiture, son style, ses gestes, ses goûts, si bien qu'il préférait accentuer cette différence pour être celui qui se mettait à part, volontairement.

Jimin secoua la tête vigoureusement, essayant de chasser les pensées qui s'étaient une fois de plus invitées sans son consentement. Il regarda devant lui, la Peugeot blanche était toujours là. Cela ramena un sourire sur ses lèvres. Ils avaient traversé plusieurs villages et montaient maintenant une côte qui lui semblait interminable. Jimin se demandait bien où ils allaient, ils s'étaient éloignés de la grande ville, qu'est-ce qu'il pouvait bien y avoir d'intéressant ailleurs ? Il ne connaissait pas du tout cette route, mais en vérité il ne pouvait pas dire qu'il connaissait quelle que route que ce soit de la région. Certes, il connaissait plutôt bien la grande ville, il y habitait et était un habitué des quelques bars et boîtes. Mais en dehors de cette ville, le seul chemin qu'il faisait c'était celui pour aller au restaurant où il travaillait. La campagne et ses champs, très peu pour lui.