Dans un craquement, l'allumette s'enflamma, puis s'approcha de la bougie.
Un halo lumineux éclaira la pièce de ses reflets chauds et dorés. Les meubles évoquaient une salle de travail : le bureau de bois brut trônait au milieu de la pièce sur un tapis de laine rouge ; la bibliothèque débordait de livres anciens et de parchemins.
Sous une lampe à huile, le confort d'une banquette garnie de coussins invitait quiconque entrait dans la pièce à s'installer pour y lire jusqu'au matin. Une fenêtre au panneau de bois quadrillé s'ouvrait sur la fraîcheur de la nuit.
La clarté de la Lune pleuvait sur les murs de cette ville perdue dans le désert.
La lumière fantomatique donnait à la ville un caractère irréel, accentué par les bâtiments clairs qui s'élevaient en escaliers jusqu'à atteindre une grande bâtisse grise surmontée d'un dôme doré. Tout était ordre et netteté, au goût des habitants de ces murs.
Pour l'heure, ceux-ci dormaient, et rien ne venait troubler le silence.
Une gerboise attentive n'aurait entendu que le léger grattement d'une plume sur le papier. Un homme noircissait de son écriture un long parchemin déjà à moitié rempli. Une légère nervosité s'emparait par moment du porte-plume lorsque celui-ci effectuait le tracé final avant de se détacher du papier pour venir puiser dans un encrier de corne, ou pour passer à la ligne suivante.
Soudain, un souffle s'engouffra par la fenêtre et fit vaciller la flamme de la bougie posée sur le bureau. Le tressaillement de la lumière accrocha l'œil vide d'une statuette de marbre ; et la plume arrêta sa course.
Elle resta en suspend quelques instants, tandis que l'homme dévisageait la statuette. Il reposa son stylo, poussa les parchemins et s'adossa contre le dossier de sa chaise, prenant la figurine pour mieux l'observer.
Sans pouvoir se l'expliquer, cet objet l'avait toujours fasciné.
Il représentait une jeune fille vêtue d'une toge ornée de broches, et d'une traîne. Ses cheveux libres étaient couverts d'un voile retenu par une couronne de fleurs.
Elle retenait d'une main la lourde traîne de sa robe tandis que l'autre main était élégamment posée sur l'agrafe ciselée qui attachait le tissu au niveau de son épaule.
L'homme fit courir son pouce sur les traits finement sculptés de la statue, admirant pour la millième fois la délicatesse des traits, passant son doigt sur chaque détail.
Les broches arboraient des gravures précises, évoquant la richesse des parures.
Mais le plus impressionnant était le travail réalisé sur le tissu.
Celui-ci se déposait avec grâce sur le corps de la jeune fille, recouvrant sa silhouette d'un rideau semblant pouvoir onduler au moindre de ses mouvements. Le voile décorant sa tête recouvrait également son visage, et pourtant on était en mesure de voir au travers comme s'il s'était agi d'un véritable voile de tissu diaphane, et non de marbre.
On pouvait en effet deviner les traits délicats : son front dégagé duquel partait un nez étroit et ses yeux tournés vers le vide qui semblaient toujours regarder derrière vous quel que soit l'angle duquel vous l'observiez.
Un air rêveur se dégageait de ce regard à moitié dissimulé par les plis du voile, accentué par la moue pensive qui donnait à l'ensemble un accent un rien mélancolique.
Quelles pensées se cachaient derrière ces yeux ? Que se passerait-il si soudain le voile se soulevait, libérant la bouche de la jeune fille et lui permettant de s'exprimer ? Il brûlait de le savoir depuis qu'il était rentré en possession de l'objet, mais la statuette ne lui renvoyait toujours qu'un regard absent.
Ce soir-là pourtant, sous la lumière tremblotante de la flamme, il lui semblait plein d'ennui et étrangement dédaigneux.
VOUS LISEZ
Keidas
General FictionSeule au milieu du désert brûlant se tient la cité de Keidas. Ses habitants vivent en autonomie totale, ignorants de l'existence d'autres monde au-delà du désert. Sans repère, ils admirent une ancienne civilisation dont ils tirent leurs mythes fon...