★★★
Susan Bones n'arrivait pas à dormir.
Ça n'était pas inhabituel, la jeune fille étant sujette à de grandes insomnies à chaque événement qui se présentait, anniversaire, examen scolaire ou grande soirée où se réunissaient ses parents et leurs innombrables prestigieux collègues, et la veille de la rentrée en cinquième année à l'École de Sorcellerie Poudlard n'y faisait guère exception.
Dans ce dortoir qu'elle partageait depuis dès lors plusieurs longues années avec Hannah Abbott, Megan Jones, Lily Moon et Sally-Anne Perks, Susan fixait inlassablement du regard les teintures jaune citron agrémentées de rubans couleur ébène du baldaquin de son lit, les yeux secs et l'esprit vif. Cette nuit-là, en plus de ses camarades qui gémissaient dans leur sommeil ou ronflaient, il y avait bien trop de pensées qui bourdonnaient dans sa tête.
Susan songeait au retour de Celui-Dont-On-Ne-Doit-Pas-Prononcer-Le-Nom, rumeur ou non, selon la bouche d'où cela sortait.
Le Ministère faisait tout pour le décrier par les plus viles méthodes, bien sûr, par peur d'affronter une terrifiante perspective ou de l'incrédulité, c'était indéterminé, David et Evelyn Bones, ainsi que la tante Amelia, étaient perplexes par la relative absence de preuves mais refusaient de rejeter les dires de Harry Potter et du professeur Dumbledore du plat de la main, pas après avoir vu le cadavre d'un élève de Poudlard sous leurs yeux et apprit qu'un Mangemort, Susan frissonnait encore des bribes de conversation à ce sujet qu'elle avait surprit entre ces parents au cours du mois de juillet dernier, avait ravit l'identité de l'un des plus éminents Aurors de tous les temps pour s'introduire à Poudlard en toute impunité. Elle avait été entraînée, non, manipulée, par un monstre féru de Magie Noire. Il avait utilisé des sorts impardonnables sur eux, se souvint-elle avec effroi. Le sortilège de l'Imperium... Comment n'avaient-ils pas pu comprendre que quelque chose ne tournait pas rond...
Ernie et Hannah croyaient dur comme fer aux paroles de Harry, mais Sally-Anne, Zacharias et Sally, l'aînée de ce dernier, demeuraient sceptiques. Ce n'était pas qu'ils pensaient qu'Harry et Dumbledore étaient retardés mentalement, avaient-ils affirmé plus tôt dans la journée, à bord du Poudlard Express, mais bien qu'ils considéraient la mort de Cédric comme un meurtre, ils ne parvenaient pas à le lier au retour apparent de l'un des plus terribles mages noirs du siècle. Les autres ne se prononçaient pas.
Susan, quant à elle, ne savait que penser.
D'un côté, le récit des évènements fait par Dumbledore et Harry était bancal, manquait de preuves. Tout comme les autres, Susan n'avait rien vu de ce qu'il s'était passé dans le labyrinthe, elle avait été assise dans les gradins tout au long de la soirée, avait vu les corps inconscients de Fleur et Viktor revenir avec fracas, avant que ne surgisse de nulle part Harry, secoué de sanglots et l'air tétanisé, cramponné à Cédric, au cadavre de Cédric. Il était impossible que Cédric ait été tué au cours d'un malheureux accident. Cela sonnait trop faux aux oreilles de Susan. Cédric avait toujours été un élève talentueux, brillant, juste, sincère, loyal, tolérant, profondément gentil, la fierté des Poufsouffle. La Coupe de feu, considérée comme une sélection des plus impartiales, avait choisi Cédric parmi les centaines de candidats de Poudlard. Il avait brillamment, ou presque, réussi les deux premières tâches, et semblait très bien parti pour la troisième et dernière épreuve. Mais Cédric n'en était jamais revenu. Sans que personne ne sache pourquoi, sous leurs yeux éberlués et leurs hurlements horrifiés, Cédric Diggory était revenu vers eux, immobile, les yeux grands ouverts, le corps intact, mais mort. Cédric était revenu mort.
Cédric était parti et le Ministère osait dénigrer son décès dans leur quête pour contrer Harry et Dumbledore. C'était aberrant, écœurant, aucun adjectif ne pouvait qualifier le dégoût de cette initiative. En prime de cela, ils expédiaient l'une de leurs vipères dans le corps professoral de Poudlard, Dolores Ombrage.
Certes, Susan n'avait encore jamais vu ou entendu la petite bonne femme au visage de crapaud et vêtue de rose bonbon avant le festin de la rentrée, mais l'opinion de son père, Auror qui avait fait ses marques durant les terribles années de la Première Guerre des sorciers, et de sa tante, qui dirigeait le département de la Justice Magique depuis le changement de voie de Barty Croupton Senior, paix à son âme, près d'une quinzaine d'années auparavant, avait toujours été des plus acides à l'encontre de la Sous-secrétaire d'État auprès du Ministre, et désormais professeure de Défense Contre les Forces du Mal à Poudlard. De ce que Susan avait pu entendre à la maison, Dolores Ombrage était d'une ambition crasse, dans le style qui ne se contentait pas simplement d'accomplir les objectifs menant à une vie professionnelle riche et épanouie, mais aussi à écraser avec perfidie quiconque osait passer trop près de son chemin, persuadée qu'ils cherchaient tous à la faire échoir. Ombrage voulait être la personnalité la plus imposante qui suivait le Ministre de la Magie, et était déterminée à user de tous moyens pour parvenir à ses fins. David et Amelia Bones esquivaient ses coups-bas sans trop de difficultés grâce à leurs positions, Ombrage ne jugeant pas un Auror parmi tant d'autres comme une menace sérieuse et la tante Amelia étant une personnalité bien trop estimée pour être victime de menaces, mais ils avaient des yeux et des oreilles. Le frère et la soeur Bones avaient été témoins des cris et des pleurs, des menaces à peine voilées, des rétrogradations soudaines et inexpliquées, des licenciements, ils entendaient la voix doucereuse de petite-fille d'Ombrage mais ne pouvaient manquer son regard froid et cruel. Dolores Ombrage faisait bien évidemment partie de ceux qui n'étaient pas convaincus du retour de Celui-Dont-On-Ne-Doit-Pas-Prononcer-Le-Nom mais qui soutenaient tous les moyens dont le Ministère faisait usage pour décrédibiliser Harry et Dumbledore, dont le bafouement de la mort de Cédric. Et c'était sans mentionner les rapports sur son intolérance envers les hybrides et les nés-moldus. Au banquet de la veille, Susan avait donc pu observer par elle-même ce spécimen démoniaque et force avait été de constater, bien qu'elle n'en eût pas douté, que les propos de son père et de sa tante semblaient se justifier à travers le ton qu'Ombrage avait usé pour leur parler comme à des enfants de trois ans, ses yeux calculateurs et les regards sombres que s'étaient échangé entre eux les professeurs et quelques rares étudiants suffisamment concentrés pour suivre son long, très long discours.
Susan espérait que ce ne serait pas Ombrage qui l'empêcherait de réussir sa cinquième année d'études. Non pas qu'elle soit une mauvaise élève, car sans chercher à se vanter, Susan se débrouillait dans la plupart de ses cours, sauf en Potions, sa bête noire, mais les BUSEs approchaient à grands pas. Ses résultats auraient un rôle prédominant dans son avenir professionnel, et bien qu'elle ne sache encore vers quelle voie se tourner à la sortie de Poudlard, Susan ne pouvait décemment pas rater ses examens, d'autant plus que la plupart des matières exigeaient au moins un Effort Exceptionnel pour être poursuivies dans la préparation aux ASPICs. Il fallait croiser quelques orteils pour que Dolores Ombrage soit au moins une enseignante un tant soit peu compétente, et les premières impressions ne tendaient pas à rassurer.
Susan roula sur le ventre, à la recherche d'une position plus confortable, et étouffa avec surprise une série de bâillements. Incroyable ! Cette nuit-là, se ressasser toutes ses pensées du moment avaient fait venir le sommeil bien plus tôt qu'auparavant.
Quelques instants plus tard, elle s'effondrait dans les bras du dieu Morphée.
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LYS À LA CANNELLE - SUSAN BONES
Fanfiction" Poudlard, oh mon beau Pou-du-lard ! On t'a connu sous les yeux des Gryffondor, mais qu'en est-il des autres maisons ? Susan Bones a connu des années de BUSEs et d'ASPICs secouées de rebondissements pas toujours agréables et vous voilà invités à dé...