Chapitre 3 : Première secousse

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Deux semaines avaient passées depuis la réunion nocturne du petit groupe. Markin s'était arrangé pour organiser çà et là quelques petites retrouvailles, au QG ou sur un terrain vague dans la périphérie de la ville, afin de garder le moral des troupes au beau fixe malgré les restrictions imposées par lui-même. Cela avait eu pour effet de calmer ses camarades qui se contentaient de ces petits moments entre eux et s'assagissaient bon gré mal gré, le temps que « l'épée de Damoclès » qui pendaient au-dessus de leur tête se dissipe.

Mais Roanne n'était pas dupe. Elle se doutait bien que ce calme et ce repos n'était qu'un simulacre qui, s'il était apparemment destiné à apaiser les tensions avec la police, n'aurait aucune efficacité sur le long terme. Elle avait vu le nouveau policier, elle avait lu dans ses yeux la détermination, la ténacité et surtout l'assurance. Pour la première fois depuis longtemps, elle sentait au fond d'elle-même que sa propre assurance s'amenuisait, s'affaiblissait, et cela la rendait furieuse. Ok, ils emmerdaient un peu les gens autour d'eux, mais alors ? Ils avaient bien le droit de s'amuser... ! Et ce n'étaient pas leur faute s'ils étaient comme ça... Quand on a pas la vie facile, comment peut-on vivre normalement ? Chacun faisait comme il pouvait pour faire face aux coups durs, non ? Eux, c'était ça, leur exutoire. Ils avaient besoin de bouger, de s'exprimer, de faire savoir aux gens qu'ils étaient là, d'une certaine manière.

Beaucoup de pensées amères tournaient dans la tête de Roanne et de ses amis. L'appréhension les rongeait, ils avaient du mal à concevoir comme les choses avaient pu tourner aussi mal. Mais la première bombe tomba réellement quelques jours plus tard. Mathys, l'un des membres, débarqua en catastrophe au QG :

- Les gars, c'est la merde... ! Les flics sont venus chez moi... !

A ces mots, les autres membres présents sur les lieux, dont Markin et Roanne, se tournèrent vers lui et se levèrent vivement tandis que les questions fusaient :

- Quoi, t'es sérieux... ?

- Comment c'est possible... ???

- Tu les as pas mené jusqu'ici, j'espère !

- Non, non... Les gars, je vous jure, je suis seul, j'ai couru jusqu'ici, je...

Mathys ployait sous les remarques des uns et des autres. Mais ce fut Markin qui nota le premier ses yeux rouges, ses mains tremblantes et la manche de son sweat qui était déchirée. Fronçant les sourcils, il imposa le silence d'une voix forte :

- Bouclez-la ! Vous voyez pas qu'il est pas bien ?!

Tout le monde se tu et il posa une main sur l'épaule de son camarade, le conduisant à l'un des bancs.

- Calmes-toi, mec. Et dis-nous ce qui se passe.

Le pauvre garçon était visiblement bouleversé. Le souffle court, il triturait ses doigts et tapait nerveusement du bout du pied. Après plusieurs secondes, il finit par bredouiller fébrilement :

- Deux flics se sont pointés chez moi... Ils ont dû réussir à trouver mon identité... Jusque-là, i-ils avaient que des infos pas claires sur moi m-mais...

- Mathys, respires, mec, intervint doucement Markin. Prends ton temps.

- Du coup, ils se sont pointés chez moi pour, ch'ais pas, me demander des comptes, j'imagine... continua le jeune garçon sans l'écouter. Mais je vis chez ma grand-mère... Elle est pas au courant de mes conneries... Elle a rien compris quand ils ont frappé à la porte et qu'ils ont montré leur badge... Ils ont dit qu'ils devaient me voir et m'emmener au poste pour me poser des questions, e-et elle, je voyais qu'elle était perdue, elle arrivait pas à placer un mot... Eux, quand ils m'ont vu, ils m'ont interpelé et là, j'ai flippé et je me suis tiré en courant... L'un d'eux m'a agrippé par la manche, j-j'ai cru qu'il allait réussir à me retenir... Je me suis dégagé et j'ai couru pour pas qu'ils me rattrapent... Là, ils sont sûrement avec ma grand-mère à lui poser un tas de questions... P*tain, qu'est-ce que j'ai fait... ? acheva Mathys en enfouissant sa tête dans ses mains. Pourquoi j'ai foutu la merde chez elle comme ça, pourquoi je me suis barré... ? Je l'ai laissée toute seule...

Le silence retomba sur le groupe pendant qu'il laissait échapper un sanglot d'émotion. Personne ne prononça le moindre mot, restant résolument muet face à ces révélations. Aucun d'eux n'en voulait à Mathys d'avoir accouru en catastrophe au QG malgré le risque qu'il y mène la police sans faire exprès. Tout d'abord parce qu'au fond d'eux-mêmes, chacun d'entre eux savait qu'ils auraient probablement tous fait la même chose, mais surtout, ils connaissaient leur camarade. Sous ses airs bravaches, Mathys était celui d'entre eux qui possédait une grande sensibilité. Logé chez sa grand-mère depuis que ses parents étaient en pleine procédure de divorce, il avait joint le groupe avec une volonté de s'amuser et d'échanger avec des gens de son âge sans s'imposer de limites et avait rapidement pris le pli d'un comportement somme toute à risque, mais faisait sans conteste partie des quelques-uns qui plaçaient leurs familles avant tout le reste, ce que le gang respectait. Le voir aussi perdu et déboussolé n'était donc pas une surprise pour ses amis. Ils n'étaient pas non plus vraiment étonnés qu'il ait été le premier que la police ait réussi à appréhender. Markin lui laissa quelques instants avant de lui tapoter l'épaule dans un geste de réconfort. Mathys renifla et inspira un bon coup avant de reprendre :

- Je les ai entendu dire qu'ils voulaient me demander des noms...

- C'est plutôt bon signe, déclara le chef du groupe. Ça veut dire qu'ils n'ont qu'un nombre d'informations limitées sur chacun d'entre nous. Ils connaissent nos visages mais sans fichiers préalables dans leur base de données, les flics vont mettre un peu de temps pour trouver tout ce qui nous concerne individuellement. Noms, adresses, familles, et tout le toutim.

Plusieurs membres hochèrent la tête tandis que d'autres échangeaient des messes basses. Markin donna une dernière tape rassurante sur l'épaule de Mathys avant de lui tendre un paquet de cigarettes. Face au refus qui lui fut donné, il le rangea avant de lui proposer cette fois-ci des chewing-gums que le jeune homme accepta. Il le laissa reprendre son calme, rejoignant le reste des membres du groupe pour échanger à mi-voix :

- Ça devient sérieux. Je ne vais pas vous mentir, je ne pensais pas que ce serait aussi rapide, mais le fait est là. Ça fait aucun doute que c'est le petit nouveau qui est derrière ce zèle.

Roanne serra les poings tandis qu'une veine pulsait sur sa tempe.

- Y en a marre, siffla-t-elle. Pourquoi ils ne nous laissent pas tranquilles ?

La jeune fille revoyait encore le regard du policier lors de leur course-poursuite. Si la première fois, elle leur avait trouvé un certain charme, la vision de ces deux orbes verts exacerbaient aujourd'hui sa rage. Elle se redressa et adressa un regard décidé au reste de la bande.

- Qu'ils viennent, ils trouveront à qui parler. Ils savent rien de nous et de ce qu'on a pu subir les uns et les autres, alors ils peuvent aller se faire voir.

Markin garda le silence mais un murmure approbateur fit écho à ces mots remplis de colère pendant qu'elle concluait dans un sifflement amer :

- Si c'est la guerre qu'ils veulent, ils vont l'avoir.


Le chapitre 3 enfin arrivé ! Vous êtes de plus en plus nombreux à aimer cette histoire et à manifester votre intérêt, vous ne pouvez pas savoir à quel point ça me fait plaisir et ça me donne confiance en moi pour la suite du récit :)

N'hésitez pas à cocher la petite étoile si le chapitre vous plaît, les deux suivants sont en cours de rédaction, je vais essayer de vous les poster courant juillet pour me faire pardonner l'attente de ce chapitre.

Portez-vous bien :)


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⏰ Dernière mise à jour : Jul 05, 2022 ⏰

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