Aïla

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Ça pue.

L'odeur suffocante qui plane dans l'air lui agresse les narines. Il doit être réveillé. Merde. Elle aurait aimé pouvoir filer sans avoir à discuter. Tant pis. Elle ouvre les yeux, résignée, et la lumière lui brûle les rétines. Après plusieurs secondes laborieuses, elle parvient enfin à apercevoir la pièce. La lumière est tamisée, dans les tons rougeâtres. C'est elle qui avait choisi la couleur. La fumée qui plane à hauteur de son visage lui confirme que de l'encens brûle. Ca, elle ne l'a pas choisi.

Face à elle, un miroir lui renvoie son reflet. Aïla est rayonnante. Sa peau halée brille de la sueur que sa nuit presque sans sommeil lui a offerte. Ses cheveux sombres cascadent librement sur ses épaules nues. Ses yeux d'émeraude aux mille nuances recèlent tout le mystère de son esprit. Elle est unique, et ça n'est pas de l'arrogance : il n'existe plus d'autre humain qu'elle dans l'univers peuplé, à sa connaissance. Elle se redresse pour sortir du lit, mais une voix la stoppe nette.

— Ah, tu es réveillée !

Elle grimace. Ce ton chantant l'agace. La bonne humeur au réveil, très peu pour elle. C'est peut-être propre aux brachanéens ? Elle force malgré tout un sourire et répond d'une voix exagérément douce.

— J'ai dormi longtemps ?

— Je ne sais pas. Je ne connais pas les besoins des tiens.

Il s'assoit au bord du lit et Aïla tourne enfin le regard vers lui. Ses yeux bleu électrique font décidément tout son charme. Surtout le troisième. Sa peau laiteuse est en parfaite harmonie avec eux. Il ne lui manque qu'une chose pour qu'il lui plaise réellement, mais qu'est-ce ? Elle y réfléchira plus tard. Elle pose ses paumes sur le matelas afin de se lever, mais un plateau tombe lourdement sur ses cuisses et l'emprisonne dans ses draps poisseux. Un petit-déjeuner.

— Tu manges des œufs, hein ? s'inquiète-t-il.

Ce ton suave et rythmé la tend de plus en plus. Ça doit définitivement être un truc de brachanéen. Elle baisse les yeux et découvre une omelette sur une tranche de pain grillé. Elle a faim, mais pas suffisamment. Secouant la tête de droite à gauche, elle attrape le plateau avec douceur et le pose devant elle sans se défaire de son sourire.

— Bedelia...

Il ne la quitte pas des yeux et ne semble pas tiquer. Elle ne s'est donc pas trompé dans son nom. Ouf !

— C'est très gentil, enchaîne-t-elle, mais je dois y aller.

Elle se lève et il fait de même, surpris. Battant un peu ridiculement de ses quatre bras, il tente d'argumenter, mais ses phrases perdent de leur musicalité.

— Déjà ? Tu ne veux pas manger, d'accord, mais on peut discuter ? Hier, c'était... Enfin, tu l'as ressenti comme moi, non ? On peut...

— Oui, je l'ai ressenti, le coupe-t-elle en posant une main sur sa joue blanche comme la neige. Mais je ne comprends pas bien pourquoi ça devrait me retenir.

— Quoi ? balbutie-t-il.

Elle hausse les épaules et son sourire se fait plus franc face à l'incompréhension qui envahit son interlocuteur. C'est donc ça qui lui manquait. Du caractère.

— Oui, on a passé un moment unique. Oui, c'était vachement bien. Sauf l'encens. Maintenant, je dois y aller, et je ne comprends pas où est le problème ?

Le dénommé Bedelia reste sans voix et elle en profite pour déposer ses lèvres sur sa joue douce et lisse. Sans attendre de réaction, elle entreprend de se glisser dans ses vêtements et de récupérer l'ensemble de ses affaires, pour enfin quitter cette pièce enfumée.

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