IV. Paternité - Ademo / Tarik

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Tarik observait la salle de concert, vide, s'étendant devant lui. Le moindre bruit résonnait à travers les vingts milles places occupant les gradins et la fosse. Tout était différent d'hier et tout le serait de ce soir. Aujourd'hui, lui et son frère, donc PNL, se produirait pour la dernière fois de la semaine à l'Accor Arena. C'était leur quatrième fois de cette tournée, et la sixième en tout.

Son regard glissa le long des couloirs en verre suspendus dans le vide, un de chaque côté, le sien à droite et celui de Nabil à gauche. Puis, il observa le cube noir en lévitation au-dessus d'une petite scène dans la fosse, cube qui descendait et remontait à volonté, tel un ascenseur, pour leur permettre de se déplacer en hauteur. En comptant la grande scène où il se trouvait actuellement, toute personne dans le public pouvait les voir se déplacer au grès de leurs chansons sans perdre une miette du spectacle.

Si on lui avait dit qu'un jour il remplirait quatre Bercy d'affilés, il aurait répondu qu'il aurait bien plus de risques qu'il prenne la perpétuité. Et pourtant, l'histoire, son histoire, s'était écrite ainsi. Le voilà en tant qu'un des plus grands rappeurs français de l'époque actuelle, accompagné de son frère. PNL raflait tout. PNL inventait tout, bien avant que n'importe qui d'autre ne le fasse.

Tarik appréciait donc sa nouvelle vie, même si sa popularité se trouvait en opposition avec son envie de paix et d'intimité. Tout ses faits et gestes étaient épiés, malheureusement. Il ne pouvait vivre tranquillement avec sa famille. Il était même prit en photo à la sortie des mosquées.

Ce fut une main se glissant dans la sienne qui le fit revenir sur terre. Il baissa les yeux sur cette petite personne venue le déranger ; et quelle personne, puisqu'elle se trouvait être la plus belle chose qu'il ait créée sur cette terre : Tayem, son fils. Des cheveux longs et bouclés encadraient un visage aux traits enfantins, où deux iris verts pétillaient de malice.

« Dis, papa ! s'exclama Tayem, sa main droite dans celle bien plus grande et abîmée de son père, l'autre jouant avec la fermeture éclair de sa veste en jean.

- Hum ? Tarik l'interrogea du regard. Il se retenait de le prendre dans ses bras et de le dévorer de baisers ; il appelait ça l'attaque de bisous et en était devenu un professionnel. Cependant, Tayem ne voulait plus que son père lui en fasse en public, prétextant qu'il n'était plus un bébé. Mais ce que Tarik ne lui disait pas, c'est que, peu importe son âge, il resterait son bébé à lui.

- J'ai une super mega trop bonne idée, continua-t-il, sûr de lui.

- Ah ouai ? La dernière fois que tu as dis ça, tu as failli te casser le bras je te rappelle.

- C'est le vent qui m'a fait tomber ! se justifia Tayem en secouant la main de son père.

- A d'autre, gloussa Tarik, attendri par son garçon de 4 ans. Il ne pensait pas qu'un jour il pourrait aimer si fort quelqu'un, qu'il aimerait à ce que ça lui en fasse mal au ventre. Bon alors, ta super mega trop bonne idée ?

- J'avais pensé que Naynay et moi on pourrait monter sur scène, avec parrain et toi ? proposa sérieusement Tayem, sous le regard surpris de son père.

- Quoi ? Mais... pourquoi ?

- Ben parce qu'on est vos fils ! sourit le petit brun. Des Andrieu, quoi !

- Ah ça... Tarik secoua la tête avant de s'accroupir pour être à la hauteur de Tayem. Ça c'est clair que vous êtes des Andrieu, des vrais têtes de mules doublés d'un caractère de cochon.

- Eh ! râla Tayem. Il fit la moue pour montrer son mécontentement.

- Mais c'est aussi pour ça qu'on vous aime, rajouta Tarik. Il glissa une main dans les cheveux épais de son fils. Et on vous aime tellement qu'on veut vous...

- Protéger, oui je sais, soupira doucement Tayem. Tarik eu l'impression de se retrouver dans le Roi Lion, où Mufasa faisait la moral à Simba. Sauf que cette fois-ci, il était Mufasa et Tayem, Simba.

- Tayem, ce n'est pas contre toi, tu le sais. Mais tant que je continue le rap, que je suis connu et, surtout, que ce monde n'est pas en paix, je t'éloignerais de tout ça. Et c'est pareil pour Nahïl. Les humains sont capables de choses terribles et on ne veut pas ça pour vous, expliqua Tarik avec toute la douceur dont il était capable, douceur qui ne cessait de s'accroître au rythme de sa paternité. Être père avait fait de lui un nouvel homme, un homme heureux, plein, apaisé.

- Mais... Moi je veux dire à tout le monde que tu es un papa extraordinaire ! Et que je suis ton fils !

- Les personnes les plus importantes pour nous le savent déjà, et c'est ce qui compte le plus. Et je n'ai besoin de prouver à personne d'autre qu'à toi, mon fils, que je suis un père extraordinaire. C'est pas vrai ? Tarik se pencha et déposa un baiser paternel, aimant, sur le front de Tayem.

- Moui... Tayem acquiesça avant de se blottir contre son père. Je t'aime, papa.

- Je t'aime tellement, Tayem, murmura le rappeur. Ce soir, écoute bien ce que je dis. Ce soir, regarde bien ma veste. »

Le soir même, lorsque Tarik et Nabil, ou plutôt Ademo et NOS montèrent sur scène, Tayem se souvint de la demande son père. Alors, il détailla sa veste sous toutes les coutures, perché dans les bras de son grand-père René. Tarik portait une veste en jean, sans manche, où à l'arrière se détachait un coeur rouge composé de deux empreintes de main, une petite d'enfant et une grande d'adulte. De plus. on pouvait y lire le numéro « 15 » brodé.

« Pourquoi 15 ?! cria Tayem dans l'oreille de René, couvrant comme il le pouvait le bruit de la musique.

- Tu es né quel jour, Tayem ?! répondit la voix bourru de son grand-père.

- Bah... le 15 ! OH ! » Le garçon écarquilla les yeux, comprenant alors que cette veste lui était destiné.

Au cours du concert de PNL, personne ne manqua les modifications de paroles de la part d'Ademo. Ainsi, pendant À l'ammoniaque, un « Tayem, je t'aime » résonna dans la salle pleine, faisant pétiller d'amour les yeux du concerné.

Tayem n'en avait jamais douté, à ses yeux son père était extraordinaire.


Un petit OS qui me trottait dans la tête depuis le concert, et écrit dans le train (merci la SNCF pour le retard).

En espérant qu'il vous ait plu 💚

Un peu d'amour - Recueil d'OS sur PNL Où les histoires vivent. Découvrez maintenant