Julien sortait de son dernier cours. Il était 15 heures et il voulait très vite rejoindre sa salle de travail au conservatoire. Il eut un appel de sa mère, qui se souvenait toujours de son emploi du temps, lui demandant de l'accompagner à un vernissage dans une petite galerie. Son père étant absent pour une réunion qui devait se terminer tard, elle ne souhaitait pas y aller seule. Il ne voulait pas y aller mais elle ne lui laissa pas le choix, lui ordonnant d'être à la maison pour 18 heures. Julien rouspétait. Il en avait assez de cette vie de "bourges" avec leur sortie pour voir des choses qui n'intéressaient pas grand monde à part les amis de ses parents. Il se dépêcha de chercher son violoncelle chez lui et de retrouver la salle 209. Toujours la même salle. C'était l'une des rares disponibles tout le temps car elle était petite et que grand nombre de musiciens jouaient ensemble. Julien préférait être seul. Lorsqu'il travaillait il n'avait pas besoin de l'avis de ses amis. Il appréciait le silence, pouvoir se parler à lui-même et se faire des remarques. Il était toujours dur envers lui-même et attendait toujours mieux. Il était un perfectionniste. Tout devait être rangé, tout devait être propre. C'était pareil dans la pratique de l'instrument. Tout devait être bien à sa place. Il commença ce jour-là par la gamme de do mineur, la tonalité de l'œuvre de Fauré qu'il jouait. La gamme, les arpèges c'étaient le travail de tous musiciens consciencieux. Il s'appliquait et usait de toutes sortes de rythmes pour se mettre en difficultés. Il s'attaqua ensuite à décomposer les doubles croches dans la partie au milieu du morceau. Il voulait qu'elles soient les plus propres possibles et chaque petite fausse note signifiait cinq minutes de plus à travailler ce passage. On toqua. Julien cria :
- Entrez.
Une jeune femme blonde ouvrit la porte et la referma derrière elle.
- Je savais que c'était toi Julien.
- Bonjour à vous aussi Mia.
Mia était sa professeur de violoncelle depuis le début. C'était une petite femme maigrichonne qui prenait force dès qu'elle tenait un violoncelle dans les mains. Elle était malicieuse mais aussi réservée. C'était une petite douceur qui rimait avec rigueur. Elle poussait toujours plus ses élèves au travail, leur rappelant que c'était cela la notion de base pour progresser en musique et pas le talent. Cette petite allemande blonde, avait déjà la quarantaine mais était restée célibataire et sans enfants trop débordée entre ses cours et ses concerts. C'était une grande concertiste de talent et elle tournait dans tous le pays pour des concerts. Elle était invitée par de nombreux orchestres. Malgré cela, elle restait humble, accessible. Elle se souciait parfois plus de ses élèves que de sa carrière, déclinant certaines offres de concerts pour s'occuper de d'eux.
- Alors Fauré, demanda-t-elle, pas trop difficile ?
- Techniquement ça va, niveau expression, je ne pense pas encore réussir.
- L'audition est dans trois semaines, il va bien falloir, rétorqua-t-elle, je t'ai dit parfois il faut lâcher la technique et puiser dans ses émotions. Ce morceau doit nous faire pleurer.
Julien commença à tourner nerveusement ses pages et se frotta le nez. Il chuchota :
- J'en ai marre.
- Pardon ? fut interpellée Mia, cette partition est faite pour toi. Il est temps d'abandonner les concertos trop techniques et que tu me sortes ta personnalité.
- Je l'ai pris comme une punition, répondit-il alors qu'elle venait poser sa main sur son épaule.
- D'une certaine manière, c'en est une. Je veux un musicien, pas une machine.
Le sentant s'agiter, elle ajouta :
- Je vais te laisser travailler. N'oublie pas que je sais que tu maîtrises ta technique. Laisse-toi aller. On se voit demain en cours ?
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Vies d'artistes
RomanceLorsque Julien, un garçon très timide, rencontre Amalia, une fille solaire, c'est l'alliance entre deux artistes aux styles bien différents. Une histoire entre un musicien et une peintre, dévorés tout deux par l'ambition. Lorsque leur carrière comm...