Lundi après-midi

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Chaque bribe de conversation, suspendue dans l'atmosphère, paraissait aux oreilles d'Ally. Agité, le réfectoire se confondait en une joyeuse cacophonie. Ne doutant plus de la véracité de la situation, cette dernière se sentait vivre parmi les mots, et dizaines d'autres élèves. Clara, son plateau entre les mains, vint s'asseoir à ses côtés.

L'accueillant le sourire aux lèvres, Ally engagea la conversation. Guettant la file d'attente, elle aperçut Martin et Sébastien qui ne tardèrent pas à la rejoindre. Suivis d'un garçonnet aux cheveux crépus et au teint chocolat, ils s'attablèrent à leur tour.

<<-Robin est venu avec nous ! Déclara Martin, enjoué.
-Salut, les filles.
-Je vous attendais ! S'exclama Ally. Sans trop vous mentir, je commence vraiment à avoir faim.
-Hihi, c'est pareil pour moi.>>, ajouta Clara, avant de saisir sa fourchette.

Entamant ainsi leur repas, ils conversèrent dynamiquement. Les prochaines vacances, autant que les ragots des professeurs, accompagnaient presque dignement leur festin. Un quart d'heure s'écoula avant qu'Ally, le ventre plein, n'affirme avoir une envie pressante. Quittant à contrecœur ses compagnons, elle débarrassa son plateau, et quitta rapidement le réfectoire.

Tandis qu'Ally, cloîtrée dans son étroite cabine, s'adonnait à son dur labeur, elle perçut les contours d'un mince objet à travers la poche de son manteau. Encombrée, celle-ci le sortit de suite.

Surprise, elle découvrit son ancien téléphone, intact. Admirant le mobile sous chaque angle, elle l'alluma sans plus attendre. Saisissant son mot de passe, inchangé depuis, elle vérifia instinctivement le calendrier numérique de l'objet.

La date correspondant, Ally contempla le mois dans son entièreté. Or, un détail captiva son attention, et la stupéfia. Les yeux écarquillés, elle fixa, bouche bée, l'écran aveuglant de longues secondes durant. Sans ne comprendre, son calendrier cessait le vendredi. Abasourdie, elle ne sut qu'en penser, et quitta la pièce.

Une heure de l'après-midi sonna. Se joignant à ses camarades, elle s'en alla au gymnase, son cours d'EPS prêt à commencer. Arrivée au vestiaire, ses pensées divaguèrent. Une forte essence florale flottant dans la pièce, elle se remémora ce qui, pour l'instant, n'était que son futur. Prise de solitude, elle envia toutes ces jeunes filles dont le présent n'était que source d'amusement ; enfin, elle sortit de sa torpeur et se joignit aux autres.

Sans grande surprise, plus de la moitié des garçons manquaient à l'appel. Leur professeur, agacée, prit la parole sans plus attendre.

<<-Lucien ? S'enquit-elle, dévisageant le maigre garçonnet. Qu'est-ce qui leur prend autant de temps ?

D'habitude timide, celui-ci bredouilla quelques paroles.

-Euh... Ils font un lance-flammes avec du déo', madame.

Ses pairs s'exclaffèrent de toutes leurs forces.

-Sérieusement ? Je jure que je vais...>>

À peine eut-elle le temps de finir, que les bambins arrivèrent le sourire aux lèvres, fiers de leur pitrerie. Leur amusement contagieux ne dura guère plus longtemps.

<<Ça vous amuse, les mecs ? Allez, chez la CPE !>>

Ces derniers maugréèrent avant de disposer, embarrassés.

Ce maigre imprévu n'empêcha point le cours de commencer. Au programme cette journée : hand-ball pour tous. Ally constata son équipe, presque découragée.

<<-Ben voyons, fallait qu'il y ait Tristan dans le tas ? S'indigna l'une des filles. Sans lui, on est fichus !

-C'est clair, t'as vu ? Autant pas jouer du tout, hein...>>

Constatant, dépitées, leurs sportifs adversaires, elles se turent en croisant les bras. Au  retentissement du sifflet assourdissant, les jeux commencèrent.

Les ballons, fous, volaient çà et là précipitamment. Toujours abasourdie par sa mystérieuse transformation, Ally ne sut bouger. À-demi consciente, son monde s'estompait peu à peu tandis qu'elle tentait de remettre en ordre tous ces évènements renversants. Or, en une fraction de secondes, une douleur colossale vint l'ébranler ; un ballon l'avait violemment frappée au visage.

<<Bah alors, tu dors ?>> Hurla l'un de ses adversaires. Ses compagnons ricanèrent. Quelque peu chancelante, Ally prit congé et s'assit sur le banc.

<<-T'as un sacré bleu, lui fit remarquer son professeur. T'es sûre de pas vouloir aller à l'infirmerie ? Je sais bien que des fois, un coup de pommade suffit, mais là...

-Ne vous en faites pas, la rassura la jeune fille. En fait, je pense que ce coup sur la tête m'a remis les idées en place. Elle baissa le ton, pensive. Je sais ce qu'il me reste à faire...

L'enseignante la dévisagea, confuse.

-J'vous jure, les mômes, de nos jours...>>

Le temps passa tandis qu'Ally réfléchissait précautionneusement à ses prochains jours. Se remémorant son calendrier, elle établit à la volée des plans, de quoi s'occuper avec ses amis.

Désormais, rien d'autre ne comptait plus à ses yeux d'enfant. Chaque seconde lui était chère, et à cette pensée, ses petits pieds remuaient d'excitation. L'inquiétude fit battre son cœur de plus belle, mais elle souhaitait plus que tout être à leurs côtés avant de les quitter. Cela occupa son esprit jusqu'à la fin des cours.

Empruntant le même chemin qu'à l'accoutumée en courant de toutes ses forces, elle se précipita de rentrer chez elle. Ouvrant subitement la porte du salon, elle jeta presque ses chaussures au sol.

<<-Coucou, maman !

-Ah, déjà rentrée ? Il y a Jimmy Fallon à la télé !

-Super, je viendrai après ! Là, j'ai des trucs super importants à faire !>>

Elle disparut, dévalant les escaliers à une vitesse phénoménale.

Se munissant de son téléphone, elle s'empressa d'envoyer un message à
ses deux amis.

À : Martin et Sébastien

Demain soir après les cours, on se rejoint ? 5h-5h30 ?

De : Martin

Carrément !

De : Sébastien

🙂✌ Ça roule

<<Génial ! S'exclama-t-elle. Cette semaine va être... Elle contempla la photographie.

...Vraiment super !>>

Dans Les Souvenirs D'AllyOù les histoires vivent. Découvrez maintenant