2 - ELLE

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Lorsque je vis son regard empli de panique, je ressentis une certaine satisfaction. J'avais enfin enfoncé mon couteau dans ses entrailles. Le bien que cela me faisait n'égalait aucun autre.

J'observai la vie quitter peu à peu ses yeux écarquillés. L'expression de surprise sur son visage s'effaça lentement.

Un léger fil de sang s'échappait des lèvres que j'embrassais quelques secondes auparavant. Cela me rendit légèrement nostalgique. Mais cela me passa vite ; j'allais apprendre à faire face.

J'approchai mon oreille de sa bouche entrouverte, et lorsque je fus sûre qu'aucun souffle n'en sortait, je retirai l'arme de son corps d'un mouvement sec et brusque. Elle ne sentait plus rien de toute façon.

Son corps léger s'affaissa dans mes bras, et j'eus le réflexe de l'attraper juste avant qu'elle ne touche le sol.

Le sang coulait à flots sur le sol. Sa robe était tâchée rapidement, et je ne pris pas la peine d'essuyer mes mains sur mes propres vêtements.

J'étais satisfaite. Enfin. Je ne pus empêcher un sourire de s'installer sur mon visage. C'était fini.

Je sentis le vent s'écraser sur mon visage lorsque je sortis de la ruelle sombre dans laquelle nous étions.

Il faisait nuit. Personne n'allait nous voir. Enfin, me voir.

Ses baisers n'étaient pas si mauvais, en réalité. J'aurais peut-être dû essayer d'en profiter un peu plus avant de passer à l'acte. Dommage. J'en trouverai une autre.

Un soupir d'excitation me monta à la gorge.

J'allais pouvoir exhiber ma prouesse.

Je baissai les yeux pour regarder son visage, juste un instant.

Une larme avait coulé le long de sa joue. Je ne l'avais pas remarquée.

Ses yeux dépourvus de vie fixaient le ciel.

Je la tenais dans mes bras, son corps devenu fébrile et encore plus léger qu'il l'était avant. Le sang qui maculait mes vêtements semblait maintenant beaucoup plus vif que quelques minutes auparavant.

Je sentis mon sourire s'effacer petit à petit, et ma démarche ralentir.

Je m'arrêtai complètement, mes yeux plongés dans les siens.

Je m'accroupis sur le béton. Je sentis mes genoux s'ouvrir sous mon poids, mais cela m'était égal. Je déposai son corps doucement sur le sol. Je plaçai ses mains sur sa poitrine, et je passai mes doigts sur ses paupières pour les fermer délicatement. Ressentais-je de la pitié, du regret ou seulement un peu de peine ? Je me repris sauvagement, me forçant à détourner le regard. Mais mes yeux ne voulaient pas quitter ses yeux angéliques. Ses cheveux étaient disposés autour de son visage de manière à ce qu'on puisse avoir l'impression qu'il lui reste un souffle de vie. L'éclat doré de sa peau avait disparu ; comme s'il s'était envolé avec son âme. Ses lèvres, couvertes de sang, paraissaient plus pulpeuses, ou alors cela était peut-être seulement dû au fait que je ne les avais jamais vraiment observées.

Je la regardais simplement, admirant le fruit de mes actions.

Un grand silence m'entourait. C'était juste moi, et ce qu'il restait d'elle.

Je ne sentis pas la première larme couler sur mon visage. J'essayai sans succès de me convaincre que c'était la pluie.

La pluie, seulement la pluie...

Je déposai mes mains délicatement sur son corps inerte, et fermai les yeux quelques secondes. Rien n'était plus fort que ce moment. Tout défilait dans ma tête, au fur et à mesure que je réalisai mon erreur.

Je sentis ma peau soudainement commencer à s'embraser.

Puis je me rappelai soudain mon tragique destin.

Si jamais je ressentais une simple émotion, ce serait ma fin.

Et le moment était venu. Inexorablement. C'était comme si, d'une manière ou d'une autre, le temps m'avait rattrapée, et me faisait payer les conséquences de mes actes.

Je levai la tête vers le ciel, les joues inondées de larmes, en guise de pardon. Mais c'était trop tard.

Je criai, mais aucun son ne pouvait sortir de ma bouche. La douleur paralysait mon corps.

Je sentis mon cœur exploser dans ma poitrine.

Et ma dernière pensée fut pour elle.  

My womanOù les histoires vivent. Découvrez maintenant