Prologue

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Quinze heures, c'est l'heure qu'affiche ma montre lorsque je me dirige vers le cimetière de Philadelphie. Vêtue d'un tailleur de couleur noire, mes lunettes de soleil cachent mes yeux injectés de sang. Je regarde autour de moi, je n'ai jamais vu un enterrement avec si peu de monde. Un enterrement... je ne m'en étais pas encore rendu compte jusqu'à ce que je prononce ce mot. J'étais sans doute dans le déni total, c'est la seule explication. Je ferme brusquement les yeux puis les ouvrent comme pour me réveiller d'un mauvais rêve. Mais non, je suis encore là, devant les cercueils des personnes qui m'étaient le plus cher au monde. L'officier de la cérémonie commence par dire quelques mots, surement les phrases officielles qu'il se doit de prononcer, je ne sais pas... Je n'arrive pas à écouter, c'est à peine si j'arrive à tenir sur mes jambes. Je n'entends plus que quelques sons par-ci par-là. Quelques secondes plus tard, l'officier semble s'être tu.

- Alexandra, c'est à toi courage, me dit doucement ma meilleure amie d'une voix triste.

Rebecca me ramène alors à la réalité qu'est ma vie en ce moment, tout en me donnant un petit coup de coude. Je lâche délicatement sa main. C'est là, maintenant, à cet instant précis, que je dois dire quelques mots sur la mort de mes parents mais aussi de mon frère. Je me retrouve devant la tombe commune qui comporte les noms de mes parents et celle d'à côté, plus petite où est censé reposer le corps de mon frère. Qu'est-ce que je vais bien pouvoir dire ? Cela fait à peine quelques jours que j'ai appris leur disparition dans un terrible accident de voiture. Mes parents déposaient mon frère dans son nouvel appartement avec ses affaires restantes. Je n'arrive pas à comprendre ce qui a pu se passer, mon père était toujours tellement prudent et attentif au volant. C'est incompréhensible. J'aperçois les quelques personnes présentes debout devant moi, attendant surement que je commence mon discours. Mais je n'ai rien préparé et rien n'arrive à sortir de ma gorge complètement nouée. Un soupçon de voix sort enfin de mes lèvres mais à peine commencer, les larmes remontent et je sanglote à nouveau. Rebecca s'avance vers moi et m'entoure de ses bras tremblants puis me susurre à l'oreille « tu peux y arriver, fais-le pour eux ». Je prends alors un grand soupire et débute mon minuscule monologue.

- Marie et Nike, mes parents, ont toujours été là... pour moi... Grâce à eux, j'ai... réussi ma vie. Scott... a été le meilleur frère qu'on puisse avoir. Aujourd'hui, ils ne sont ... plus là. Je ne sais pas ce que... je vais devenir.

Je marque un temps de pause, mais je n'arrive pas à faire revenir ma voix. Je chuchote un petit « désolé » puis me retire. Ma meilleure amie s'avance à son tour, je comprends alors qu'elle souhaite dire quelques mots. Elle essuie ses larmes et commence à parler doucement. Je n'écoute pas... si j'écoute ne serait-ce qu'une bride de phrase, je pourrais me remettre à pleurer encore et encore. Je pense à ce qu'elle doit endurer depuis quelques jours, Scott n'était pas seulement mon frère, c'était également son fiancé. L'homme avec qui elle voulait passer le restant de sa vie. Elle venait d'emménager dans le nouvel appartement que mon frère avait pris. Scott était une personne tellement généreuse. Autant de bonheur dans une seule vie, je n'avais jamais vu ça mais je m'en réjouissais pour lui. Il avait réussi à rendre heureuse Rebecca, ma plus ancienne amie.

Les obsèques se terminent et nous rentrons chez moi. Je m'affale sur le canapé et pleure toutes les larmes de mon corps.

- On va s'en sortir, me dit Rebecca en me prenant la main.

- J'ai tout perdu... Comment ça pourrait aller ?

- Je sais que tu ne voudras pas, mais tu devrais partir quelques temps, le temps de te reconstruire.

- Pour tout te dire, j'y avais songé, mais seule ?

Evidemment, cette hypothèse m'est passée par la tête, ce serai le seul moyen pour éviter de ruminer pendant des mois. Mais seule ? Est-ce vraiment une bonne idée ? Où aller ? Et surtout pour combien de temps ? Je ne peux pas tout abandonner, j'ai mon travail ici, même si à cet instant c'est la dernière chose qui me préoccupe, je me rends compte que ce serait la seule chose qui m'empêcherait de partir. Il ne me reste plus rien ici, alors à quoi bon s'obstiner à rester ?

- On pourrait très bien partir toutes les deux ? Plus rien ne nous retient ici, répondit-elle les larmes aux yeux.

- Tu penses que c'est une bonne idée ? Partir et oublier ?

- Alexandra, tu sais très bien qu'on ne les oubliera jamais ! Jamais, tu m'entends ? Mais tes parents ne voudraient pas te voir dans cet état, et Scott souhaiterai qu'on continue à vivre. Tu le sais aussi bien que moi.

- Je suppose que tu as raison.

Je sais qu'elle a raison. J'en suis même persuadée. Scott m'a toujours appris à vivre au jour le jour et de profiter de la vie. Je me rappelle d'une de ses phrases qu'il aimait bien me répéter : la vie est courte, n'oublie pas de vivre. Je n'imaginais pas qu'il pouvait avoir raison et que la vie serait aussi courte pour lui. Vingt-cinq ans, il aurait dû les avoir dans un mois. Il n'aura profité de sa vie qu'un quart de siècle et n'aura pas eu le temps de fonder une famille.

La journée se termine et je m'allonge sur mon lit. Je demande à Rebecca de rester avec moi cette nuit, j'ai besoin de sa présence. Alors qu'elle réussit à s'endormir, je continue à penser à cet accident. Une chose me tracasse depuis ce matin, était-ce vraiment un accident ? Je veux dire, c'était volontaire ? Ou c'était réellement un accident inévitable ? Je ferai tout pour le découvrir. Un jour, je le saurai...


 


 


 

New failed lifeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant