ANGÉLIA

CHAPITRE 1

CHAPITRE 1

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Wrecked - Imagine Dragons

« My mind is a place that I can't escape your ghost
Sometimes I wish that I could wish it all away
One more rainy day without you »

(« Mon esprit est un endroit où je ne peux pas échapper à ton fantôme
Parfois, je souhaite pouvoir faire le souhait que tout s'en aille
Un jour de pluie en plus sans toi »)

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- Angélia -

Est-ce à quoi ma vie ressemblera jusqu'à la fin de mes jours ? Portée par les acclamations d'un public hystérique ? À jamais nourrit par la sensation que me procure de monter sur scène, le sang coulant dans mes veines, oxygéné par l'euphorie qui comble le vide. Et mon corps épuisé, fonctionnant tel un robot, au bon vouloir de mon cerveau qui s'applique à vouloir oublier ? Est-ce qu'il était écrit que chaque cellule de mon être transpirera le désespoir, que la douleur labourera mes chairs jusqu'à y semer ses graines ? À ma mort, deviendrais-je un saule pleureur ? Pourvu qu'il puisse être majestueux...

– Ta mère a essayé de te joindre à plusieurs reprises aujourd'hui.

Sur l'autoroute qui relie Anaheim à Los Angeles, Isya m'observe d'un air inquiet qui ne la quitte plus depuis des années. Je l'inquiète, fais les choses dans leur sens contraire, me montre souvent désagréable, mais sa loyauté est infaillible. Elle reste près de moi et persiste à me maintenir debout. Il y a cinq ans, lorsque tout à basculé, c'est elle qui a pris ma carrière en main. Elle a passé un sacré coup de ballet devant ma porte, m'a pris la main et, sans un regard en arrière, nous nous sommes retournées pour regarder vers l'avenir. 

Dans ma vie, j'ai mené des luttes. Mais celle-ci est de loin la plus difficile. Tout reconstruire sur des fondations fragilisées me paraît si risqué que je refuse d'y penser. Je préfère foncer les yeux fermés, tant pis si c'est un mur que je me prends à l'arrivée. Ce ne serait pas la première fois.

– Je la rappellerai en rentrant.

Je tourne la tête pour me plonger dans le paysage qui défile à vive allure, plongé dans la pénombre. En levant les yeux vers le ciel, mon regard s'arrime à la pleine lune qui nous honore de sa présence cette nuit. S'il est dix heures du matin en France, il est alors deux heures du matin en Californie. Ce n'est pas toujours évident d'être en contact avec ma famille. D'une part car le décalage horaire nous laisse peu de moments où nous appeler, mais aussi à cause de mon manque d'investissement ces dernières années. Chaque coup de fil me fout le bourdon. J'aime ma famille, mais prendre des nouvelles me renvoie à chaque fois à tout ce que j'ai perdu. À comment je me suis semée dans le labyrinthe de cette vie à laquelle j'ai tant aspiré et qui n'était pas compatible avec celle qui me rendait déjà heureuse. J'aurais voulu réussir à faire concorder les deux, mais j'ai échoué.

Je secoue vivement la tête pour chasser mes pensées, puis me tourne vers Isya qui a le nez plongé dans son portable. Ses doigts pianotent à une vitesse impressionnante sur son écran. Il le faut bien lorsqu'on doit répondre à des centaines de mails par jour.

– Est-ce que tu crois qu'on peut ajouter des dates à la tournée ?

– C'est la troisième fois, Angélia...

– Je sais bien, mais les gens en redemandent.

– Les gens ou toi ?

Ses yeux, qu'elle n'avait pas pris la peine de relever dans ma direction jusque-là, rencontrent cette fois, les miens.