[...]Il met en garde son fils, lui interdisant de s'approcher trop près de la mer, à cause de l'humidité, et du Soleil, à cause de la chaleur. Mais Icare, appréciait la vue et voulut en voir plus grisé par le vol, oublia l'interdit et prit de plus en plus d'altitude. La chaleur fait fondre la cire jusqu'à ce que ses ailes finissent par le trahir. Il meurt précipité dans la mer qui porte désormais son nom : la mer Icarienne.
Je relisais pour la énième fois l'histoire tragique de Icare. J'aimais cette histoire. Je n'aurais pas su t'en expliquer la raison mais elle me permettait d'avancer. Même si chaques jours de ma misérable existence étaient douloureux, j'avançais en ressassant sans cesse les mots du mythe. Mes jambes me faisaient vivre un supplice à chaque pas. Sans doute parce que j'étais gros, enfin c'est ce qu'ils disent tous. Je suis gros. Il n'y a qu'a me voir : Un adolescent banal et sans histoire gros comme un porc, comme ils le disent, essoufflé et transpirant après seulement cinq minutes de course, joufflu comme un bœuf, gras comme une dinde... C'est comme ça qu'ils me voient alors j'ai finis par me voir comme ça, moi aussi. Je suis la grosse bouffe de service, le déchet de la classe.
Puis un jour, tu es arrivée. Aussi rayonnante que le soleil, tu es entrée dans ma vie. Toi, la nouvelle de fin de trimestre, tu es venue me parler. Tu as osée rester avec moi. Tu as même pris ma défense lorsqu'ils m'ont insulté de gros, comme toujours. Tu m'as racontée des blagues pour me redonner le sourire. Ce sourire qui avait quitté mon visage depuis si longtemps. Tu me choisissais pour binôme de travail. Tu t'asseyais à côté de moi. Tu me rassurais quand j'étais à deux doigts du craquage. Tu m'as assuré que je n'étais pas gros. Tu m'as dit qu'ils avaient tort et que toutes ces insultes ne me représentaient pas. Tu avais ajoutée la bonne humeur qui avait disparue de ma vie. Tu étais devenue ma confidente.
Tu t'es aussi confié à moi. Tu m'as raconté la violence que ton père te faisait subir. Tu m'as montré les marques qu'il laissait sur ton corps. Tu m'as expliqué qu'il n'avait pas toujours été comme ça. Le départ de ta mère l'avait rendu fou. Il n'était plus lui-même. Son regard était vide et il regardait sans cesse son téléphone. "Il doit penser que ma mère va revenir..." M'as-tu dit un jour. Toi aussi tu espérais qu'elle revienne même si tu ne me l'as jamais avoué.
Les gens ne reviennent pas. Ils ne reviennent jamais.
Tu m'as redonné goût à la vie. Mes jambes n'étaient soudainement plus aussi lourde que ça. Mon reflet dans le miroir de ma chambre n'était plus aussi hideux que je le croyais. Mon poids n'était pas si élevé que ça au final. J'avais enfin une raison d'exister. Une personne dans ce monde sans couleur m'aimait.
Evidemment, c'était trop beau pour être vrai. Les brimades et les insultes ont aussi commencé sur toi. Les petits mots accrochés sur ton casier se multipliaient. J'ai eu peur que tu partes. Tu ne l'as pas fait. Je t'ai demandé pourquoi tu restais avec moi. Tu as ris. Tu m'as adressé ton plus beau sourire, celui qui illumine ton visage, puis tu m'as répondu simplement : "Parce que le ciel est plus beau à regarder à deux..." Je t'avais alors conté mon mythe. Tu l'avais adoré, toi qui ne le connaissais pas.
Les semaines passaient et la vie n'avait jamais autant été aussi merveilleuse. Parfois, on se rejoignait dans le parc de la ville, le soir, pour admirer les étoiles ensemble. Tu avais raison, le ciel est plus beau à regarder à deux. Je profitais de ces moments qu'on passait ensemble comme si c'était le dernier. J'ai pensé que tu étais un ange tombé du ciel et que ce monde ne te méritais pas, que je ne te méritais pas. Au fond, je pressentais que tout cela n'était qu'une illusion, un rêve.
Le monde s'est écroulé lorsque tu n'es pas venue, un matin. Une boule dans mon estomac s'était formé me donnant la nausée. Ils m'ont insulté comme chaque fois mais pourtant rien ne m'a atteins. Mes pensées étaient toutes dirigées vers une seule chose : Toi. Et si ton père avait finalement donné le coup de trop ? Et si tu en avais marre de subir toute ces brimades à cause de moi ? Et si en vérité tu me détestais ? Et si, finalement, c'était simplement mon esprit qui t'avait inventé ?
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Coupe moi les ailes, Icare
LosoweLui, le souffle-douleur de la classe. Elle,la nouvelle de fin de trimestre. Le destin les fit se rencontrer. Ils feront un bout du long chemin de la vie ensemble. Ils se suffiront l'un l'autre pendant ces quelques instants de vie. Mais, même si le...