Un soir d'automne

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Parce que je trouvais cette relation belle, j'ai imaginé ce moment à part...

Bonne lecture.

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Une brise soufflait doucement, faisant vaciller les feuilles sur les branches du chêne qui la surplombait. Un instant de quiétude en cet automne entaché par les conflits et le sang. Autant par celui de leurs victimes que de sa propre famille. Enfin... peut-être plus par celui de leurs adversaires pour être honnête. Les détonations des armes à feu avaient résonné pendant des jours et des jours. Les médecins avaient passé leurs nuits dans les blocs opératoires à tenter l'impossible pour sauver tout le monde, sans distinction. Les douilles avaient été retrouvées par plusieurs dizaines sur les lieux des affrontements. La taule froissée des véhicules accidentés... les impacts de balles sur la carrosserie. L'odeur d'essence et de plastique brûlé...

Le sang, ce liquide rouge, précieux et source de vie, avait coulé durant les dernières semaines. Sa couleur vermeille s'était mariée aux feuilles mortes qui jonchaient le sol des quartiers sud de Los Santos. Mais elle avait aussi épousé la terre du nord de la ville. C'étaient des affrontements plus ou moins brefs mais sanglants. La ville n'avait pas connu ça depuis des années. Elle n'était pas prête au déploiement d'une telle violence dans ses rues.

Allongée sur un transat à quelques mètres de Marc, l'intermédiaire du Cartel auprès de qui ils pouvaient passer différentes commandes d'armes, Jade regardait le ciel se teinter de différentes nuances d'orange et de rose à mesure que le soleil se couchait derrière les montagnes. Quelques mèches de ses cheveux ébènes, retenus dans une queue-de-cheval, flottaient au gré du vent, caressant son visage marqué par la fatigue. Les cernes sous ses yeux, qu'elle tentait de camoufler avec du maquillage, restaient tout de même visibles. L'accalmie demandée par les Vagos lui permettait de baisser un peu sa garde, de relâcher la pression. Pour elle, la sentinelle nocturne de la Villa, qui passait la plupart de ses nuits à faire des rondes autour de la propriété avec d'autres gardes, et ses journées en opérations à bord de son hélicoptère, la fatigue s'était accumulée. Elle avait besoin de repos. Sa blessure à la cuisse la lançait encore. La balle qui s'était logée à l'intérieur avait fait quelques dégâts qui, heureusement, étaient en bonne voie de guérison. À condition qu'elle ne force pas trop.

Le chant des oiseaux rompait le silence qui s'était installé en ce début de soirée. Elle pouvait aussi entendre quelques lapins dans les buissons et des cervidés se balader de l'autre côté du mur d'enceinte, ainsi que le rugissement d'un puma dans les montagnes aux alentours. Quant aux employés de la Société Collins Import/Export, ils prenaient une pause bien méritée au niveau du jardin Zen. Ils venaient de terminer leur rapport et s'apprêtaient à rentrer chez eux. D'ailleurs, la plupart des gens pensaient qu'il s'agissait d'une blague que leur boss faisait en citant le nom de cette entreprise. Cependant, cette société existait bel et bien. Et surtout, elle était complètement légale. Elle était simplement gérée par des personnes de confiance, fidèles, et seuls quelques employés privilégiés pouvaient s'entretenir avec Monsieur Collins. Les autres étaient dans des locaux en ville, à la vue de tous. La Mano avait réussi à bâtir un petit royaume à l'insu de tout le monde et à asseoir son autorité. L'ensemble de la population de l'île craignait ses membres, à quelques exceptions près.

Charles Collins, Miguel Rodriguez de son vrai nom, avait instauré la peur de par son instabilité et son intelligence. Il était capable de planter un Shérif et son adjoint pour un mot plus haut que l'autre comme ces derniers l'avaient appris à leurs dépens. Et ce n'était que la partie émergée de l'iceberg. Il avait ouvertement manipulé le gouvernement et les flics au sein même du commissariat. Alors qu'il était convoqué pour répondre à des actes de la Mano, il avait assuré ses arrières en organisant une prise d'otages parfaitement gérée par ses « enfants ». Il avait également menacé le gouverneur adjoint, Mike Martin, de rendre publiques certaines informations sensibles le concernant. Notamment le fait qu'il ait proposé un contrat à la Mano. Contrat qui n'avait rien de très légal bien sûr... Finalement, il avait pu ressortir complètement blanchi des actes dont on accusait sa famille. Il avait même gagné plus que ce qu'il espérait. Techniquement, toutes les actions, du simple braquage à l'assassinat, qui auraient pu se produire ce soir-là, n'auraient abouti qu'à un non-lieu.

Frère et sœur Où les histoires vivent. Découvrez maintenant