Chapitre 1A - Neven

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— Prince ! Prince Neven ! M'écoutez-vous ?

Je lève la tête de mes parchemins et pose mon regard sur l'homme qui se trouve face à moi. Lyrae Vega m'observe de toute sa hauteur, droit, posture parfaite, il n'est pas le garde assigné à ma protection pour rien.

— Je vous écoute Lyrae. Comme toujours.

Le soupir que je retiens doit être visible sur mon visage, car ses sourcils bruns se froncent sur son visage marqué d'une cicatrice barrant son œil droit, souvenir qui me rappelle à quel point je ne peux me passer de lui. Chassant de mon esprit toute réminiscence de ce moment que je ne souhaite qu'oublier, je me concentre sur lui.

— Votre père souhaite s'entretenir avec vous. Il vous attend dans son bureau.

Je pensais avoir un peu de répit une fois que j'aurais terminé mes devoirs, c'était apparemment trop en demander.

— D'accord. J'y vais. Est-ce que mère est au courant ?

— Votre mère est au courant. Elle est avec lui, actuellement.

Surpris, je me lève rapidement, attrapant mon épée posée contre le bureau, pour l'attacher à ma ceinture. Une fois ma cape revêtue sur mes épaules, je passe devant Lyrae qui prend ma suite comme une ombre. Nous quittons la salle d'étude pour traverser les couloirs du palais de Lacertae. Plusieurs domestiques me saluent au passage et je leur réponds rapidement d'un signe de la main. Dehors, le jour décline petit à petit, je peux voir les zébrures orangées sillonner le ciel. La nuit sera belle, ce soir encore. Peut-être ferais-je un détour par la fontaine, après dîner.

Mes pensées reviennent à l'instant présent.

— Lyrae, t'ont-ils dit pourquoi cet empressement ?

— Aucunement, mon prince.

Étrange. Je ne vois rien dans notre emploi du temps qui aurait pu nécessiter ce rendez-vous inopiné. Et je ne pense pas que le bal en l'honneur de mon anniversaire, le mois prochain, soit déjà au cœur des conversations urgentes. Tellement futile. Même si j'en comprends l'utilité. Après tout, c'est à dix-huit que notre magie se stabilise et que notre affinité à un élément est révélée. Comme si nous avions besoin d'une telle mascarade. Ma magie est la même depuis mes dix ans. Elle n'a jamais montré un signe de changement. La seule chose qu'il me manque, c'est mon familier.

— Mon prince, nous sommes arrivés.

Deux coups contre la porte, et Lyrae l'ouvre pour m'annoncer. Le bureau de mon père, le roi de Lacertae, est spacieux et toujours parfaitement rangé. Cette fois, il est en désordre, de nombreux livres sont éparpillés un peu partout, ainsi que des plans d'Astérisme. Cela n'augure rien de bon.

L'envie de me tourner vers ma garde personnelle pour savoir si lui aussi trouve tout cela étrange me démange, je reste cependant dans mon rôle.

— Père, mère.

Je salue mes parents avant de remarquer deux autres personnes en leur compagnie. L'une est complètement recouverte d'une cape noire brodée de fils doré. L'écusson en forme d'étoile à quatre branches qui orne sa poitrine me donne tout de suite son identité : un apprenti de la plus grande magicienne d'Astérisme. Malheureusement, son accoutrement ne me permet pas d'identifier quoi que ce soit d'autre. Je remarque juste que son emplacement, debout près de la plus grande fenêtre est idéal pour observer aussi bien l'extérieur que la pièce où nous nous trouvons.

Grâce à son écusson, j'identifie aisément la femme qui tient dans ses mains un des ouvrages de la bibliothèque personnelle de mon père. Contrairement à son apprenti, sa cape argentée repose sur une chaise, me laissant la possibilité de la détailler. C'est la première fois que je rencontre Arae. Elle ne quitte que très rarement son île en mer du sud. Personne ne l'a vraiment vue depuis la guerre élémentaire, il y a de cela soixante-trois ans. C'est mon grand-père qui était sur le trône, à cette époque trouble. Je n'ai donc eu le droit qu'à des récits historiques. Cette guerre a marqué l'histoire d'Astérisme et unifié les royaumes du continent. On dit qu'Arae a été un des piliers de la paix et qu'on lui doit beaucoup. Sa pratique de la magie est admirable et beaucoup la craigne comme la vénère.

Quand je la vois devant moi, elle semble bien plus jeune qu'il n'y paraît. Est-ce vraiment la personne dont on raconte les exploits dans les livres ? Elle donne l'impression d'avoir le même âge que mère.

— Neven, approche que je te présente à nos invités.

Lyrae reste contre la porte et je les rejoins. Le regard de l'apprenti ne me quitte pas, bien que je ne puisse voir ses yeux. Alors, je porte toute mon attention sur la femme, qui me sourit plutôt chaleureusement.

— Voici Arae, Haut Mage d'Astérisme.

— Je vous salue, prince Neven.

Ses longs cheveux dorés maintenus en une haute queue de cheval balayent ses hanches. Lorsqu'elle se redresse, je peux croiser son regard translucide. Un moment, je me demande si elle est aveugle. Sauf qu'elle lisait, à mon arrivée. Je lui rends son salut, une main sur le cœur, l'autre sur le pommeau de mon épée.

— Haut Mage, c'est un honneur de vous rencontrer.

— Je vous présente aussi mon apprenti, il n'est là qu'en observateur, le temps de son instruction. Vous comprendrez que pour sa sécurité, je ne peux dévoiler son identité.

J'acquiesce, les apprentis du Haut Mage ne sont jamais connus durant leurs études. C'est une chose que j'ai entendue plusieurs fois. Une question de sécurité pour eux, tout comme pour l'île d'Hera où réside Arae. Un sanctuaire caché que seuls quelques rares initiés peuvent trouver. Il y a beaucoup d'histoires autour de traversées dangereuses, de tempêtes dévastatrices, de monstres gigantesques protégeant les alentours. Il m'arrive souvent d'aller écouter quelques racontars des domestiques. Après tout, il n'y a rien de mieux pour apprendre et connaître son peuple que les bruits de couloirs.

— Père, mère, que puis-je faire pour vous ?

Je me tourne vers eux, attendant qu'on m'informe du pourquoi de ma présence. Et surtout, du pourquoi de celle du Haut Mage.

— Neven, te souviens-tu de la légende des dragons ?

Mère s'approche de moi et me prend mes mains pour me tirer vers une chaise.

— La légende que vous me racontiez quand j'étais enfant ?

— Oui. Celle-ci même.

En quoi cette vieille histoire met-elle tout le monde dans cet état ?

— L'un des trois artefacts a été activé, lors de la dernière lune ronde.

De quoi ?!


***

Les chapitres sont courts car il s'agit de chapitres Fyctia ne pouvant dépasser 7000 caractères. 

Je poste exactement à l'identique.

Belle lecture

LE CHANT DES DRAGONS - NEVEN & ALTAÏSOù les histoires vivent. Découvrez maintenant