11 FAKE DATES

Chapitre 6

Vendredi soir.

Conduite dangereuse. Voiture en mauvais état. Enlevez-lui son permis carrément. Je finis d'écrire l'appréciation de ma dernière course Uber. Malgré ma piètre expérience, je retente le coup, et me revoici, assise à l'arrière du véhicule de l'un de ces chauffeurs aléatoires. En réalité, ce n'est pas comme si j'avais le choix. C'était ça ou accepter qu'Eliott m'amène jusqu'au restaurant. Et ça, c'était hors de question. Une fois venu, il n'en partirait plus, et risquerait même d'y rester pour dîner avec nous. Je souris en imaginant la scène.

Hier soir, après avoir eu la réponse positive de @Surfguy, je l'ai laissé choisir le lieu de la rencontre, comme les colocs me l'avaient demandé. Une première mission qui semblait facile jusqu'à ce qu'il m'envoie l'adresse. Quand j'ai vu le nom du restaurant, je me suis dit que c'était sans doute un complot du destin.

Mais non ! C'est vraiment son endroit préféré pour manger des fruits de mer.

Tous les pescétariens de Paris doivent être clients du Al Mare. Espérons que ce n'est pas aussi le cas de tous les escrocs de la ville. Aucune envie de me faire arnaquer une deuxième fois dans la même semaine.

Je regarde le plan sur le téléphone pour m'assurer que je suis près d'arriver. Tout à coup, je reçois une notification de l'appli de rencontres, et je me rends compte que nous n'avons pas échangé nos numéros de portable. Quand on a discuté hier, on s'est mis d'accord pour garder un certain mystère jusqu'au premier date. Nous n'avons rien partagé de trop personnel et nous sommes contentés de rester en surface.

@Surfguy : J'y suis.

Il est huit heures pile. Sa ponctualité est déconcertante, mais étonnamment, elle ne m'agace pas plus que ça.

@Looking4Mr.Right : J'arrive dans 5 minutes.

En réalité, c'est dix minutes, mais il vaut mieux ne pas être trop précise. Contrairement à sa ponctualité, mon retard peut être agaçant.

⁂

La voiture s'arrête devant le restau. Je sens aussitôt des palpitations rapides, qui ne me sont pas étranges pour autant. Cela m'arrive en général aux premiers rendez-vous. Et le fait de me retrouver ici après la soirée catastrophique de mercredi n'aide pas non plus. Je vérifie ma tenue dès que je sors du véhicule. J'ai choisi une robe noire, assez moulante pour mettre en valeur mes courbes. J'ai toujours pensé que la première impression est celle qui restera gravée à jamais dans la mémoire de celui qui te voit pour la première fois. Alors si tu veux qu'elle soit mémorable, dans le bon sens, il ne faut absolument pas se contenter du strict minimum. Je prends mon miroir de poche afin de me remettre une couche de rouge sur les lèvres. Je le range et inspire un coup avant de passer la porte du restau, où je suis immédiatement accueillie par une hôtesse. Avec un sourire statique, elle me salue.

— Bonsoir madame, puis-je vous aider ?

— Bonsoir, réponds-je en balayant l'espace du regard. Il y a déjà quelqu'un qui m'att...

Le nœud qui vient de se coincer dans ma gorge m'empêche de finir ma phrase. Ce ne sont plus des palpitations rapides que je ressens, mais carrément une explosion. Je continue à observer s'il n'y a pas quelqu'un d'autre, mais c'est le seul homme qui n'est pas accompagné.

— Madame, m'interpelle l'hôtesse. Voulez-vous que je vous conduise à votre table ?

Je secoue la tête tout en tenant fermement ma pochette. Elle s'écarte aussitôt et n'insiste pas. Il faut que je réfléchisse vite. Quelle est la probabilité que ce soit lui ?

Très petite. Infime. Presque nulle.

En psychologie, on appelle ça le déni. C'est ce que me dirait Eliott.