Ô toi, lointaine amie, ombre noire et sacrée :
Ma vie, mon point d'honneur, mon vœu, ma destinée ;
Dis-moi : qui est l'enfant qui tète ton sein chaud ?
Promets-moi qu'il pourrisse au creux de ton berceau.
Qui transportes-tu donc sous ta cape d'ivoire ?
Est-ce un cœur déchiré ? Le feu de ma mémoire ?
Une silhouette blonde enflammée dans tes bras ?
Dis-moi, sombre déesse, emmène-le là-bas ;
Là-bas où les grands cerfs dans des forêts sans arbres
Brament le chant des morts sous des piliers de marbre ;
Où Chaos a vu naître, en son flanc déchiré,
Les rayons du soleil et de l'éternité.
Fuis, loin, va-t'en aurore obscure et décharnée,
Dans les cieux aux couleurs de l'opale gelée.