La Flamme du Bonheur

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          L'histoire se déroule dans une petite ville envahie par la neige, perdue au milieu des montagnes. Une jeune fille aux longs cheveux de feu se promène gaiment parmi la foule de passants pressés, aux visages fermés, qui déambulent dans les rues animées. Nous sommes en période de Noël et chacun s'empresse de terminer ses achats de cadeaux pour être prêt avant les fêtes. Les allées sont illuminées, les magasins éclairés et il y a même un bonhomme de neige qui trône fièrement devant une maison décorée. Pourtant, on ne peut lire aucun sourire sur les visages. La tête levée vers les cieux, quelques enfants observent les alignements de guirlandes lumineuses accrochées d'un bout à l'autre de la rue. Cela crée comme un ciel d'étoiles ordonnées au-dessus de leur tête. Les parents tirent les enfants vers l'avant. Il est tard, il faut rentrer...

          Bien que pleine à craquer, la ville semble triste et maussade, comme dans un film en noir et blanc. Les yeux des habitants sont voilés, fatigués par la routine de la vie. La magie de Noël s'est mystérieusement estompée...

          La belle rousse quant à elle, semble comme détonner au milieu de toute cette activité. Elle se promène lentement, presque au ralenti et sa démarche est si gracieuse que l'on dirait presque qu'elle ne fait qu'effleurer le sol de ses bottes. Elle observe chaque devanture de boutique sans exception. S'arrêtant parfois si longtemps que le moindre détail de la façade qu'elle regarde doit être imprimé à la perfection dans son esprit. Le vent souffle dans ses cheveux lâchés, de quoi faire grelotter n'importe qui. La jeune fille ne porte d'ailleurs presque rien sur elle, seule une robe bleu turquoise d'époque vient draper ses épaules tandis que des collants noirs, des bottes et un bonnet tricoté au pompon bleu viennent compléter l'ensemble de sa tenue. Cela est d'autant plus étonnant que tous les autres habitants, eux, ont couvert leur bedaine de pulls et manteaux en plus de bonnets, gants et longues écharpes... Mais la fille aux cheveux brûlants n'a pas l'air de souffrir du froid, bien au contraire. Elle s'amuse même du petit nuage de vapeur blanche qui s'échappe de sa bouche à la moindre expiration. Le suivant d'un regard amusé jusqu'à ce qu'il se dissipe totalement. La mystérieuse enfant, paisible, se détache de tous les autres. Elle semble venir d'un tout autre monde. Seule tâche de couleur au milieu du désespoir ambiant.

          Elle continue son chemin, arrivant au niveau de la boulangerie où elle avait pour habitude de s'arrêter écouter les nombreuses calembredaines du vieux boulanger pendant un temps indéterminé. Mais celui-ci ne pipe mots. Il est assis seul à une table, les yeux perdus dans sa tasse de café qu'il ne cesse de remuer.

          La jeune fille penche la tête sur le côté et se retourne, ses sublimes yeux couleur chocolat scrutent le boulevard d'un regard étonné. Elle hausse un sourcil, intriguée, les enfants n'ont même pas fait la moindre entourloupe pendant cette matinée. Tout est calme, même les oiseaux ont arrêté leurs chants. Les quelques passants restant encore dans les rues paraissent vidés de toute forme d'énergie. Ils restent droit sans bouger, au sol leurs yeux vides sont fixés. La ville toute entière est comme... Figée.

        La rouquine se dit que pendant trop longtemps, ce lieu est resté triste et désolé. Malgré l'enthousiasme surprenant des enfants, l'isolement et la routine installés ont plongés le peuple tout entier dans un programme d'inactivité. Soudain un point de couleur attire le regard de la principale intéressée, la sortant instantanément de ses pensées. Là, juste devant la grande fontaine en pierre où l'eau a gelé, se trouve un magnifique pissenlit aux fleurs jaunes bénies. Les yeux de la jeune fille s'illuminent et elle se dirige vers la plante téméraire qui a osé affronter l'hiver. Elle se penche et inspire le parfum délicate, se plongeant dans le réconfort des souvenirs heureux qui viennent envahir son esprit.

          Elle bat des paupières et tend la main vers le pappus* de la plante pour le cueillir, à contre cœur. Elle s'excuse mentalement auprès de la fleur pour son acte et se redresse élégamment. Le monde autour d'elle disparaît, la rouquine est tellement absorbée par ce si beau cadeau que lui a fait la vie, qu'elle en oublie le reste. Après tout cette fleur n'était là rien que pour elle, elle l'a ressenti.

          Telle une danseuse aérienne, la jeune fille se hisse sur le bord de la fontaine et brandit son trésor à deux mains devant elle. Elle ferme les yeux un instant, savourant le calme ambiant. Des flocons de neiges viennent s'accrocher sur ses longs cils roux, d'autres tombent sur ses joues rougies par le froid. Elle expire profondément et fait un vœu. Une rafale la secoue, faisant s'envoler son bonnet dans les airs. Ses longs cheveux de feu désormais entièrement libérés, flottent autour d'elle comme pour dessiner une couronne de flammes ardentes et chaleureuses autour de sa tête.

          Emerveillée par ce spectacle, la jeune fille se met à rire. Elle rit comme elle n'a jamais rit et sa voix résonne contre tous les murs, se propage dans chaque rue, chaque maison, chaque esprit. Son rire, si sincère et emplie de joie réchauffe tous les cœurs et redonne miraculeusement vie à la ville endormie. Les passants relèvent la tête et sourient, les fenêtres s'ouvrent, des visages s'illuminent, les enfants sortent des maisons et se courent après, des boules de neige à la main, les familles se réunissent et se serrent dans les bras. Toute la ville semble s'être éveillée comme par magie. Les chants des oiseaux inondent de nouveau les allées de sa douce mélodie et même le ciel semble se dégager.

          La mystérieuse enfant ouvre les yeux et souffle sur l'aigrette*, les petites particules de pollen se dispersent dans les airs et virevoltent dans toutes les directions.

        Observant la vie et la joie à nouveau retrouvées, l'humble jeune fille qui n'a fait qu'être elle-même tout le long du trajet, reste en retrait. Un sourire se dessine sur son visage tandis qu'elle voit le monde se colorer. Elle comprend que parfois,

Un simple rire peut tout changer...

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*Lexique : Les termes "Aigrette" et "Pappus" font référence à la boule de pollen qui est une partie du pissenlit, sur laquelle on souffle pour faire un veu.

La Flamme du BonheurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant