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RYLAN SE RÉVEILLA DANS UN BOND ET inspira un grand bol d'air frais, comme s'il en avait été privé durant des jours. La respiration haletante, le regard fiévreux et le corps tremblant, il passa brutalement sa main droite sur son front, le dégageant ainsi d'une fine pellicule de sueur qui était venue coller quelques mèches de cheveux sur sa peau. Ses yeux verts firent le tour du lieu où il était : un logis assez rudimentaire – et qui pourtant était déjà plus accueillant que la grotte où il habitait – constitué d'une tente plantée à la va-vite et un sol recouvert de paille, ainsi qu'une couverture qui cachait son corps partiellement dénudé.
Alors qu'il comprenait qu'il n'avait aucune idée d'où il se trouvait, les battements de son cœur se mirent à s'accélérer suite au stress que causait cette situation. Rylan tentait à la fois de calmer sa respiration frénétique, mais aussi de se remémorer la manière dont il s'était retrouvé ici. Après avoir été mordu par cet être à la forme incertaine qui lui avait probablement injecté un poison soporifique, Rylan se souvenait avoir pris conscience d'une réalité : s'il avait déjà enclenché la stupide malédiction qui le forçait à rester à Dosdragon, plus rien ne le retenait de suivre des obligations désormais. Il se souvenait avoir puisé dans ses dernières forces pour se relever, et s'approcher de la belle créature au loin pour lui demander de l'aide. Après cela, tout était flou.
Une certaine inquiétude commençait à peser sur les épaules du bleuté. Il se rappelait encore des mots qu'il avait cru entendre – même s'il se demandait plus s'il ne s'agissait pas de son imagination – : qu'allait-il faire, maintenant qu'il avait délibérément fui son destin suite à son erreur? Est-ce que le monde allait lui faire payer pour ce qu'il avait fait, alors qu'il n'avait jamais pensé à mal?
— Ah, il est enfin réveillé, le petit gars!
Plongé dans ses pensées, Rylan sursauta : il n'avait pas remarqué qu'un homme barbu à la carrure imposante était entré dans l'abri. Légèrement penché en avant pour éviter d'endommager les branches qui maintenaient le tissu, il tenait un drôle d'objet en fer où trônait un généreux morceau de viande, qu'il posa au sol alors qu'il se laissait tomber lourdement sur la paille sèche.
— T'as faim?, demanda-t-il de sa voix grave. T'es tout maigre, prends un peu de steak, ça te fera gagner un peu de muscle.
Il poussa du bout des doigts l'assiette en direction du garçon, tandis que celui-ci dévisagea son interlocuteur avec des yeux d'enfant. Il s'agissait de la première fois qu'un être humain lui adressait la parole de lui-même, et aussi de la première fois qu'on l'approchait autant. Encore une fois, quelque chose de nouveau venait à lui et Rylan ne savait comment réagir. Son pauvre coeur se mettait à battre plus ardemment, et son cerveau se mettait à surchauffer. Les mains tremblotantes, il se décida tout de même à récupérer l'objet de fer et l'attirer vers lui.
Il s'agissait de la première fois que le garçon aux cheveux bleus s'emparait d'une assiette. Et s'il devait être franc, il ne comprenait pas tellement l'utilité d'un tel objet. Cependant, Rylan tenta de ne rien faire paraître et attrapa de ses doigts élancés le gros morceau de viande cuit à point qui y traînait. Sans prendre le temps de ne serait-ce que remercier l'homme en face de lui, il planta ses crocs dedans, et y arracha un joli morceau de viande.
— J'en étais sûr, t'étais mort de faim, mon pauvre!, s'exclama l'homme à la carrure imposante avant de lâcher un ricanement prononcé. Comment tu t'appelles? Ça faisait longtemps que tu étais perdu dans les monts?
Aucune réponse de la part du plus petit, qui semblait plus intéressé à l'idée de récupérer des protéines plutôt que de discuter avec cet inconnu aux cheveux blonds. Celui-ci d'ailleurs semblait un poil vexé par tant de nonchalance.
— Eh, tu pourrais me répondre, fit-il remarquer. À moins que tu ne me comprennes pas? ... Tu comprends quand je te parle? Toi... comprendre... mes... mots..?!
Mais l'homme n'obtint aucune autre réponse. Décontenancé, il gratta l'arrière de sa tête puis se releva, avant de lâcher un soupir plutôt prononcé.
— Rien à faire, il répondra pas... Bon, tu sais quoi? Je vais appeler ta sauveuse, elle est bien mieux placée pour s'occuper des gens que moi. Ganyu?, dit-il ensuite d'une voix bien plus forte. Ganyu! Le petit bonhomme est réveillé!
Les orbites de Rylan s'étaient discrètement levées vers l'homme qui avait quitté la tente. Si ce dernier pensait qu'aucun de ses mots n'avaient été compris par le garçon aux cheveux bleutés, il avait totalement tort ; celui-ci avait très bien entendu, en particulier lorsqu'il avait prononcé les mots « ta sauveuse ». Parlait-il là de la splendide créature qu'il désirait voir depuis si longtemps?
Mais Rylan ne put se questionner très longtemps : à peine quelques secondes plus tard, il vit une paire de jambes vêtues d'un collant semi-opaque cacher la petite entrée de la tente, qui se plia lentement, laissant apparaître un corps vêtu d'un drôle d'uniforme. Puis rapidement, le garçon aux oreilles pointues put distinguer un visage qui lui semblait à la fois inconnu et particulièrement familier. Cette tenue, ces cornes trônant fièrement sur le sommet de son crâne, cette chevelure qui tombait en cascade sur son dos et la chute de ses reins...
Il n'y avait pas de doute possible : c'était elle. Celle pour qui il aurait tout donné pour ne serait-ce que l'admirer il y a quelques semaines. Et maintenant, elle se tenait devant lui, à moins d'un mètre de distance.
