Beaucoup de choses n'ont aucun sens, des choses absurdes qui sont abstraites. L'espèce humaine en fait partie. L'identité du voleur que nous devions protéger, nous l'avions découverte trop tard. Nous ne cherchions pas au bon endroit. Juliette avait avoué au loup son nom, et tous les efforts que nous avions faits pour préserver Laura d'un sort funeste étaient vains. Nous avions aussi perdu la confiance de Juliette, si considérer que nous l'eûmes un temps, elle avait changé de camp. La cerise sur la crème, c'est que nous avions aussi perdu toute foi en nos capacités à protéger autrui, si encore une fois, considéré que nous l'eûmes un temps. C'est sûrement pour ça que nous nous tenions droit comme des pics devant les corps gisant de Sarah et Agathe Carvanaugt. Il avait compris trop tard...
Ça sentait la verveine.
Lorsque nous sommes sortis, à travers vents, en pleine nuit, nous nous attendions à tout. J'étais rassuré, rassuré de voir qu'un certain ranch-rover avait disparu, et que les cadavres de deux certains touristes n'étaient pas à traîner sur les chemins pavés du village le torse déchiqueté. J'étais tétanisé, tétanisé à l'idée que deux personnes à qui nous avions adressé la parole la matinée même se retrouvaient ainsi dépourvu du souffle de vie dont sont dotés les êtres humains et ceux qui en ont la forme. Des animaux qui, eux, ne devraient pas se voir insuffler de ce don, des monstres. Dans ce village, la vie ne tient qu'à un fil. Comment Lenny avait-il su ? Que m'avait-il dit lorsqu'il s'était réveillé en sursaut, le front couvert de sueur ? « Je sais qui est le voleur, ce n'est pas un voleur » Dès lors, il m'avait fait part de sa théorie cohérente, et nous avions foncé chez les Carvanaugt emportant dans notre course Prismane et Lemarchal. Évidemment, nous avions un train de retard. Nous avons toujours un train de retard. Ni l'une ni l'autre n'avaient eu l'intention de vendre un pareil objet. Selon Lenny, Le mariage de Ruth et Boaz, est un réel débat dans la culture chrétienne. Parce que dans un grand nombre d'interprétations, Ruth et sa belle-mère Naomi aurait eu de l'amour l'une pour l'autre. Pas seulement l'amour d'une femme à sa belle fille, un amour plus fort encore, de la romance. Admettre ainsi le mariage de Ruth et Boaz, c'est alors renoncé l'histoire d'amour entre deux femmes, la Bible admet ainsi qu'une telle attirance existe, mais montre qu'il ne doit rien en ressortir. Ce qu'Agathe a dû trouver injuste, et a poussé la jeune femme à commettre un acte de vandalisme. C'était à cette conclusion intuitive que nous nous étions retrouvés sur les lieux d'un funeste spectacle. On ne choisit pas qui l'on aime. C'est le sort qui s'impose. Je me suis mis à avoir de la peine pour elle, elle n'avait pas su choisir entre l'amour d'un Dieu, et l'amour de son âme sœur. Elle a passé sa vie à faire des compromis, prêchant sans doute à l'église pour son blasphème, s'excusant au prêt de Sarah de se dédier corps et âme à une religion qui ne soutienne pas leur union. Ensuite, c'est pour Sam Garett que j'ai eu de la peine, il est mort coupable aux yeux de tous. Le voleur, l'arnaqueur comme l'appelait Sarah. Tous les gens que nous connaissions, un à un, ils disparaissaient, des gens innocents.Prismane avait fait les mêmes tests ADN que les fois précédentes, sans rien apprendre de nouveau. Ils prirent alors une décision : enterrer les corps. Les cadavres de la vieille Polensky et de Sam Garett commençaient lentement à se décomposer, répandant une odeur forte de pourriture qui était nauséabonde autour de la maison. N'ayant ni famille, ni amis, personne ne lancerait une polémique d'un enterrement en zone de quarantaine. Les obsèques et les hommages se feraient ainsi aux confins du village, avec ses habitants. Pour le cas des amantes, ce fut un problème un peu plus complexe. Si Agathe n'avait Laura que pour seule famille, Sarah avait des cousins en Normandie. Ne voulant pas séparer les amantes unies par anneaux, la décision fut prise que l'enterrement d'Agathe serait également reporté. Ce fut donc deux enterrements que nous fûmes célébrés, hors du périmètre.
C'était une petite plaine au bord de la falaise, proche d'un cours d'eau. Si la plupart des habitants préféraient être enterrés dans des villes voisines, qui ont des cimetières acheminés à des églises, la verdure des plantes grâces qui arboraient le champ était tout de même souillée de quelques pierres tombales. L'une me marqua particulièrement, en vue de sa simplicité et son austérité. On y lisait « Marivaux Parmentier 1992-2002, A notre fille regrettée. Dieu par son arche a sauvé Noé, mais les flots ne t'ont pas pour autant épargnée. Puisse le Seigneur te garder à ses côtés pour l'éternité. » Je me rappelais ainsi les paroles de Morel par rapport à cette histoire, la fillette s'était noyée dans le lac.
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Le Village S'endort
Mystery / ThrillerC'est l'histoire d'un petit village éloigné On y danse le jour, mais à la nuit tombée Une vie s'éteint, Et au petit matin, Toute âme qui vie est accusée Sont-ce les loups, La bête, aurait-elle ressuscitée ? Ou est-ce l'un d'entre nous ? Au fond q...