Sorcière

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Il fut une nuit, où aucun malheur ne vint.
Une nuit calme en un sens.

Je ne sentais plus mes doigts tant j'étais resté immobile dans le froid à guetter devant la porte. Si je ne l'avais pas fait, il serait sûrement revenu. À part madame Sardain, personne n'eut entendu mes appels, ou ne fut alerté à la vue d'une d'ombres qui se déplacent. Ma nuit avait débuté sur le perron de la porte. J'avais essayé, sans succès, d'appeler Lemarchal. Je suppose qu'il ne devait pas avoir son téléphone sur lui. Puis Clara m'invita à entrer au moment fatidique où mes membres se seraient brisé par le gel. Une fois au chaud, je lui avais expliqué la situation et mes suppositions. D'abord attentive, elle a ensuite décidé de s'aventurer chercher mes responsables. Elle enfila un manteau chaud, et appela plusieurs fois son mari du bas des marches. Des pas finirent par se faire entendre, ils provenaient de l'étage. M. Sardain descendit les escaliers avec somnolence. Il traînait du pied dans des patins trop grands, ses bâillements répétitifs laissaient à penser, n'était visiblement pas au fait. À ma vue, il renoua la ceinture de sa robe de chambre. Il regarda sa femme ahurie, soutenant son regard pour qu'elle explique la présence d'un parfait inconnu dans leur salon au beau milieu de la nuit. Cette dernière enfilait des bottines, mais lui résuma rapidement la situation.

« Quelqu'un à essayer d'entrer chez nous cette nuit, Pierre. Je vais chercher quelqu'un, toi, tu restes debout. Tu n'as plutôt pas intérêt à aller te recoucher.

— Il reste du café ? »

Clara soupira, puis sur ses mots, elle laissa la porte claquée derrière elle et disparut au confins de la nuit noire. Allait s'ensuivre des lourdes minutes de gêne entre moi et le maître de maison : Pierre Sardain. Nous restâmes silencieux et immobiles de part et d'autre du canapé en attendant qu'elle revienne. Si compter qu'elle revienne... L'intérieur chez les Sardain semble être le foyer le plus moderne du village. Contrairement aux autres maisons que nous ayons été amenés à visiter, il n'y a pas de broderies fleuries dans chaque recoin, ni de papiers-peints champêtres à motifs de merles bleus. Pas d'animaux aux murs, une décoration épurée dans les grandes lignes, et un canapé gris aux fines rayures blanches. C'est comme si, le temps avait cessé d'avancer dans tout le village, à part pour eux, les Sardain, ceux qui ont osé quitter la bibliothèque du capitaine Nemo, pour découvrir le monde, le vrai. C'est que le temps paraît plus long lorsqu'on est tenus d'attendre. M.Sardain ne paraissait pas en état de tenir la conversation. Il était beaucoup plus somnolent qu'il ne semblait inquiet, sirotant sa seconde tasse, nous n'eurent aucun contact, ni échange. Ce qui me laissait pour seule occupation : l'analyse détaillée de la pièce.

Finalement, je vis Clara revenir par le reflet de la vitre projeté sur l'écran éteint du téléviseur. Elle était en compagnie du lieutenant et de l'officier. Morgan me fit des gros yeux, ce qui laissait à penser que j'étais en faute d'être sorti une nouvelle fois sans permission. Je suis presque sûr que si les Sardain n'étaient pas dans la pièce, il m'aurait passé un savon.
Le genre de savons qui brûle les yeux...

Je restais silencieux tout du long de la mise au point. Clara témoignait, et je me contentais d'acquiescer lorsqu'on me demandait de confirmer les faits. Après avoir élucidé les faits et la raison de ma présence chez les Sardain, Morgan voulut me raccompagner jusqu'à ma chambre, mais Lemarchal se proposa de le faire. Lorsque nous fûmes tous deux dehors, à quelques pas encore de la maison maintenant sécurisée, je me pris un coup sur le crâne. Pas un coup violent, un coup qui voulait dire : « t'as vraiment déconné cette fois », et pour le coup, j'avais vraiment déconné. Nous continuions à marcher frileusement, avec seul bruit nos pas et les frottements de nos vestes lorsqu'il en vint aux sermons.

« Tu n'as même pas pris le flingue...

D'abord surpris par la nature de son reproche, j'en venais à me dire que ce n'était pas une si mauvaise décision que celle que j'avais prise. Peut-être cela aurait réellement permis de sauver une vie.

Le Village S'endortOù les histoires vivent. Découvrez maintenant