Chapitre 4

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Keïlar

Nous avons repris notre route, malgré le froid matinal, qui fait craquer sous nos pieds les branchages à moitié gelés par les températures basses de cette journée de février. Enfin je crois que c'est comme ça qu'ils appellent cette période de l'année. Sans compter que nous n'avons pas trouvé d'eau capable de nous rafraichir sans risque pour notre santé.

Je sais qu'ici, l'eau potable est rare. Réservée aux pays les plus riches, laissant les nations les plus pauvres dans une misère effroyable, faisant mourir de soif des peuples entiers, faute de pouvoir assainir les maigres ressources locales.

J'ai soif, je ne peux le nier, et les litres d'eau que j'ai perdus cette nuit laissent ma gorge dans un état d'aridité plutôt douloureux. Les Landivar sont solides, et généralement résistants à la plupart des virus et des bactéries. J'aurais sans doute pu boire dans le lac, sans qu'il ne m'arrive rien. Mais pas Vickie, je le sais.

Les Humains sont fragiles. Je m'en suis rendu compte en les observant pendant presque une année. Ils meurent de façon drastique d'infections ou de maladies qui ne nous atteindraient même pas. A quoi est-ce dû ? Aucune idée. Nous avons les mêmes ancêtres, à la base, j'imagine, puisque la planète a été peuplée par les premiers colons venus de Landivar. Enfin, c'est ce que nous en avons conclu. Mais nos deux espèces ont dû diverger assez tôt, pour donner ces différences pas flagrantes en apparence, mais fondamentales en vérité.

Je jette un coup d'œil à la fille que j'ai laissée passer devant, et qui avance vaillamment sans rien dire. Mes yeux glissent sur ses courbes délicieuses qui mettent à mal ma vigilance habituelle. Je ne comprends pas ce qui m'arrive. Enfin si, je crois que si. Mais je ne peux pas laisser mon corps expérimenter une légende que nous croyions enfouie depuis des millénaires. La fièvre d'appariement ? Putain de bordel de merde. Nous la pensions oubliée depuis des lustres, reléguée dans les archives.

Plus aucun Landivar n'en a ressenti les effets depuis des siècles ; ce n'est pas possible que ça tombe sur moi maintenant, et ici. Ou si ? Est-ce que le fait de ne pas être dans mon environnement normal fausse les données ? Ou est-ce cette femelle, là, qui l'a spécifiquement réveillée ? Si c'est le cas, je suis mal.

Mon esprit tente de creuser le sujet depuis notre départ, tôt ce matin. La fièvre étant tombée, j'hésite : virus passager ? Ou réelle fièvre ? Martzak, pourvu que ce soit le premier.

Je suis certain d'une chose : dans les livres, elle ne se déclenche qu'en présence de l'Elue. Il reste donc une chance que ce ne soit pas elle. Sauf qu'au niveau femelle, je n'ai côtoyée que celle-ci depuis mon enlèvement. Eh merde.

Pas qu'elle ne me plaise pas, ne nous méprenons pas. C'est même tout le contraire : je ne me lasse pas d'admirer ses courbes superbes, son port altier, et ses longues jambes que j'imagine s'enrouler sans mal autour de mes hanches quand je la pilonnerai. Et...

Merde, ça y est, ça repart.

De nouveau, j'ai chaud... Et l'hypothèse d'une maladie passagère s'évanouit par magie pour ne laisser que celle que je voulais éviter : une réaction ancestrale et perdue face à celle qui m'est prédestinée.

Je marque une pause, alors que ma température repart à la hausse. Et le discret mouvement pour essuyer la sueur qui perle à mon front passe beaucoup moins inaperçu que prévu. Ma coéquipière d'adversité cesse net sa course pour me dévisager, l'air inquiet, l'œil en alerte.

— Tu ne te sens pas bien ? Ça recommence ?

Je grogne, et l'empêche de m'approcher d'un seul regard noir. J'adore quand elle me touche, là n'est pas le problème. C'est plutôt que je ne sais pas quelle sera ma réaction si elle réitère le geste. Son simple contact me fait vriller, et nous n'avons pas le temps pour cela.

Les Guerriers de Landivar tome 1 : Le Prince [ sous contrat d'édition Hachette ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant