Chapitre deux : La lisière

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Les minutes passent, puis elles laissent place aux heures. Bien sûr, je pourrais lui parler, pour accélérer sa prise de décision. Mais je sais très bien que ce n'est pas ce que ma Leranan attend de son Ilaberassan. Elle veut que je sois un rock, un pilier, une chose immuable qui sera toujours là pour la soutenir, sur laquelle elle pourra se reposer. Sa vision du monde risque de changer si j'avance. Elle découvrira les merveilles de notre planète, sa diversité, ses secrets. Elle y perdra sa raison et sa forêt natale ne sera plus qu'une cage. Seulement, je ne peux lui offrir ce qu'elle veut. Je ne peux l'emmener pendant l'éternité, et elle devra bien retourner dans cette cage qui lui sera alors insupportable. Je... Je ne sais pas si elle y survivra. D'un autre côté, reculer restera à jamais une défaite pour elle. Nous pouvions encore le faire sans crainte, au milieu des arbres, mais maintenant qu'elle voit l'extérieur, elle gardera ce seul panorama à jamais. Et elle continuera de le contempler dans son bosquet si profondément enfoui. Peut-être... peut-être qu'elle se dira à jamais que ce moment, ce bref moment, cet instant figé dans le temps, est une défaite. Enfin... Je réfléchis trop. Je ne dis pas qu'elle est stupide, mais j'ai appris à mes dépens que les fées voient le monde autrement. Peut-être alors, elle en gardera un magnifique souvenir. Mais pour le savoir, il me faudra peut-être encore attendre... attendre des minutes... attendre des heures... attendre des jours... Encore et encore et encore, un nouveau soleil... une nouvelle lune... toujours à portée ce...

Feo Ul – Avance... dit-elle timidement Avance... encore un peu...

Je m'exécute et reprends ma marche tranquillement, je fais à peine quelques pas.

Feo Ul – Encore... Encore un pas... Un autre... Un autre...

Cette fois-ci, je m'arrête à la limite. Je sais qu'elle est encore dans la forêt. Tandis qu'une partie de mon corps est déjà en dehors.

Feo Ul – Avance ! Un pas... encore un ! Va ! Marche ! Court ! Emmène-moi devant ! Emmène-moi dehors, montre-moi !

Je bondis alors, en un instant, nous avons parcouru deux mètres. Ça y est...

Reij'a – Admire ! Admire le monde Feo Ul. Ce nouveau monde qui t'éblouit ! Ressens la brise marine. Entends cette vie qui fourmille. Admire ce soleil si haut dans le ciel. Contemple ce monde !

Après avoir marqué une pause, je continue d'alterner entre marche et course, sur la fine bande de terre qui sépare la mer de la forêt de l'île Félémudes. Au bruit de mes pas, s'ajoutent les cris de joie de Feo Ul, transporté par la brise marine, pour s'effacer dans les hauts feuillages. Après bien 10 minutes supplémentaires, je m'arrête sur une parcelle d'herbe plus dense que les autres. Ici, je me couche tranquillement. Devant nous s'étend le bleu cristal de la mer des Bermudes, qui grappille un peu plus sur la plage de sable fin.

Reij'a – Alors ma Leranan ? Que penses-tu de ce nouveau monde qui s'offre à toi ?

Feo Ul – Je suis sans voix... Tout ici m'émerveille. De ce ciel bleu azur qui vient se fondre dans le cristal de la mer. De cette fine bande qui semble se battre constamment, pour résister à l'avancée du sable et de la forêt. De ces milliers de plantes qui bourgeonnent, de ces insectes, mammifères et oiseaux qui virevoltent, de ces poissons et coraux qui vivent en harmonie. T'écouter m'a toujours empli de me rêve mais... Ceci dépasse mes espérances ! Merci, merci infiniment.

Reij'a – Et je peux t'assurer qu'il ne s'agit là que d'une fraction de notre monde. En marchant aux côtés de la trame du temps, on voit des paysages entiers changer, apparaitre, disparaitre. Des sociétés se développés, d'autres stagner, d'autres encore s'effondrer. On assiste chaque minute à la fleuraison d'une rose qui parais se battre contre cette terre pour enfin apercevoir le soleil. Puisé en lui et cette terre nourricière de quoi grandir, prospérer, avant d'éclore, d'offrir au monde sa descendance, sa beauté, avant de faner, et de retourner là où tout a commencé. Là est l'une des beautés de la vie, cette récolte continuelle des petites pièces d'un bonheur qui peut sembler inatteignable, et pourtant...

Feo Ul – Retourner là où tout a commencé... Notre vie ne connait pas l'éphémérité de celle des autres. Nous naissons, nous prospérons et nous vivons, tout ceci grâce à la magie. Si nous avons un début, notre fin n'est pas absolue. Les aspérités du temps n'y changeront. Alors, en quoi puisons-nous notre bonheur s'il n'a de valeur que parce que la vie à une fin ?

Reij'a – Oh... là est toute une part de notre vie, à nous dont la mortalité ne parait pas avoir d'emprise. Si nous savons, que notre fin n'est pas inéluctable, il vient peut-être à nous, d'utiliser ce luxe pour tous faire, tous découvrir et récolter ce bonheur... Mais c'est une tâche ardue, et moi-même, j'en suis loin... Découvrir tous les lieux... Rencontrer toutes les personnes... Résoudre tous les mystères... Tout expérimenté... Cela semble infaisable...

Feo Ul ne répond pas. Elle et moi réfléchissons sans doute à cette discussion. Alors que je suis couché sur l'herbe, je commence a fermé les yeux, pour me laisser porter par le bruit des vagues qui s'évanouissent dans le sable. Quand je sens que la petite fée logée dans mon pelage s'envole, j'ouvre les yeux directement.

Feo Ul – Ne t'inquiètes pas, je ne vais pas partir loin. Et puis je sais qu'en cas de problème, tu seras là.

Reij'a – Tu as toute ma confiance. Sache que je garderai un œil sur toi.

Elle commence alors à partir vers l'est. Je vois son aura disparaitre un peu plus à chaque battement d'aile, mais je reste capable de la surveiller. À plusieurs moments, elle s'attarde sur la nature environnante, s'envole un peu plus haut, descend au ras de l'herbe, survole l'eau. Je continue de la suivre pendant encore une demi-heure. À cet instant, elle s'arrête, et m'appelle d'une voix fluette. Elle doit être tombée sur le village. Je me lève alors et la rejoins tranquillement. J'avais vu juste.

Reij'a – Voici Port-Félémudes, le seul village humain de l'île. C'est par là que je suis arrivé, tu sais.

Feo Ul – Oh... Alors, il y a des humains là-bas ? Et des Elfes ? Et des Nains ? Des beasters ? Des Hrothsos ? Des Draekhars et des Lycanthropes ? On peut y aller ? J'aimerais enfin les voir, les rencontrer !

Reij'a légèrement amusé – Calme-toi, dans ce village, il n'y a que des humains, 19 précisément. Pour en voir plus, il faudrait traverser la mer jusqu'à tomber sur Magrit ou Mitsion.

Feo Ul – Eh bien, s'il n'y a que des humains, soit. J'ai tout de même envie d'en rencontrer. C'est si rare d'en voir chez nous...

Reij'a – Pourtant vous les accueillez à bras ouvert ?

Feo Ul – Certes, mais seuls quelques-unes ont l'autorisation de leur parler, et je n'en fais pas partie, de plus, c'est toujours dans ce village qu'a lieu le rendez-vous. Aucun humain a l'autorisation de pénétré notre bosquet. Aucun un être, mis à part toi et le héros.

Je présente alors mon dos à Feo Ul.

Reij'a – Allez, monte ! Tu verras, ils sont accueillants.

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Deuxième chapitre,

J'espère que ça vous plait !

Arlathan aka Endaranna

Ilaberassan et Leranan - Hu'HaanaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant