La voiture s'arrête au parking, j'inspire profondément avant d'en sortir. Clara pose sa main sur mon épaule pour me signaler sa présence. Nous rentrons dans l'établissement et rejoignons Hamed qui fume au même endroit qu'hier.
- Vous en avez mis du temps.
Il fronce les sourcils en nous sondant puis s'approche de nous, l'air inquiet.
- Qu'est-ce qui se passe ? demande-t-il.
- Tu veux lui dire ? m'interroge Clara en voyant que je reste silencieuse.
Je hoche la tête. De toute façon il le saura un jour, autant lui dire.
- Me dire quoi ? s'impatiente Hamed.
Je demeure toujours silencieuse. Parler de ce sujet n'est pas ce que je préfère le plus. Les mots restent coincés dans ma gorge, formant une boule douloureuse.
- Elle a vu le salop qui a abusé d'elle, explique Clara à la fin.
Je relève la tête et vois l'expression d'Hamed changer. Ses traits sont crispés, la bouche entrouverte. Il fronce les sourcils et serre la mâchoire.
- C'est pour ça la crise d'hier, ce connard est ici ? Putain si je le vois je lui arrache toutes ses dents à ce bâ***d.
Hamed commence à tourner en rond, visiblement énervé. Ça me rend nerveuse de le voir bouger dans tous les sens. Une boule se forme au creux de mon ventre et ma respiration accélère peu à peu.
- Kim, tu vas bien ?
Je sentais mes genoux me lâcher mais des bras me retiennent à temps avant que je ne m'écroule. Hamed me tient dans ses bras et me serre contre lui. Je ne réponds pas à son étreinte, mais le laisse faire. Ça me rassure de savoir qu'il est là, qu'il me protègerait, qu'il ne me fera pas de mal. Hamed est la seule figure masculine que je laisse m'approcher. Je l'ai rencontré en même temps que Clara quand j'ai intégré leur lycée. Ensuite, bien que ça ait pris du temps, on est devenus les "meilleurs amis". Il nous protège comme un grand frère.
Je reste dans ses bras jusqu'à la sonnerie. Je n'ai pas mangé ce matin et avec le stress de cette journée je ne me sens pas du tout bien. Je me sentais à nouveau vulnérable et en danger.
- Je te ramène chez toi si ça ne va pas, tente-t-il de me rassurer.
- Non, t'inquiète pas ; lui dis-je.
Hamed me sourit avant de s'en aller. Je voulais rester pour être sûre que ce que j'avais vu n'était pas réel. Nous allons en cours avec Clara. Je scrute les gradins pour voir s'il est là. Mais je ne le vois. Peut-être que ma mémoire m'a joué des tours.
Le professeur est déjà là. Je ne prête aucune attention à ce qu'il dit. Mon esprit est ailleurs. Il guette son arrivée. La porte de la salle s'ouvre sur... lui. Mon corps se crispe, c'était réel.Il est là.
J'ai pas halluciné, il est vraiment là. Je peux entendre les battements de mon cœur, comme s'il voulait sortir de ma poitrine.
- Vous êtes en retard monsieur Boris Hopkins, réprimande le professeur.
- Je sais.
Il monte les gradins en ignorant le prof. Les regards de tous les étudiants ne semblent pas le déranger. Des frissons de terreur parcourent mon corps et je n'ai qu'une envie, c'est de prendre mes jambes à mon cou.
....Hopkins
Plus il avance dans ma direction plus ma respiration devient irrégulière. Je résiste à l'envie de sortir de cette pièce. Il s'installe à quelques mètres de moi.
Il m'a reconnue ?- C'est lui ? demande Clara.
- Comment tu le sais ?
- C'est pas important, dit-elle en posant sa main sur la mienne.
Avec la tête que je dois faire, ça ne m'étonne pas vraiment qu'elle l'ait reconnu. Ses yeux le fixaient avec tant de haine que j'ai eu du mal à reconnaître mon amie. Et moi j'avais peur, j'avais très peur de lui, de sa présence ici.
- T'inquiète pas, il te reconnaîtra sûrement pas, dit Clara.
Je lui souris faiblement comme signe de remerciement et essaie de me concentrer sur le cours mais évidemment je n'y arrive pas. Je n'ai pas dormi de la nuit et la fatigue commence à se faire sentir. Mais aussi parce que je ne peux m'empêcher de le regarder toutes les cinq secondes.
Heureusement qu'il ne m'a pas remarquée, il est dos à moi. La pause-déjeuner, je me retrouve à la cafétéria avec Hamed et Clara. Je n'ai pas d'appétit, alors je me contente d'une bouteille d'eau. Clara n'a pas prononcé un mot. Elle était pensive tout le long du cours, elle semblait même peinée et en colère...
- Vous l'avez revu ? demande Hamed alors que la table était silencieuse.Je hoche la tête. Hamed se retient de parler, peut-être parce qu'il ne sait pas quoi dire ou qu'il a remarqué que ce n'était pas le moment. Je ne cesse de me demander ce que fait Boris à Los Angeles.
- JE SAIS CE QU'ON VA FAIRE, crie soudainement Clara.- Putain Clara, on est juste à côté, rétorque Hamed.
- Oui je sais. Alors vous voulez entendre ce que j'ai à dire ou pas ?
Hamed lève les yeux au ciel et Clara continue : ''On ne peut pas laisser ce sale type s'en sortir indemne et vivre une vie normale après tout ce qu'il nous a fait... enfin t'a fait.''
- J'avais porté plainte, mais à l'époque je ne savais rien de lui alors la police n'a rien pu faire.
- On va lui faire payer par nos propres moyens. On va se venger.
- Qu'est-ce que tu racontes ? Ça n'apporte jamais rien de se venger ! intervient Hamed.
La vengeance. J'y ai jamais pensé, peut-être parce que je l'ai jamais revu après cette soirée. J'étais trop occupée à sombrer dans le désespoir. Ce viol à été le coup de grâce à ma destruction. Je ne sais pas à combien de filles il a pu faire la même chose. Peut-être beaucoup ? Peut-être que je suis la seule ? Peut-être qu'il reprendra cet acte avec d'autres filles qui n'ont rien demandé ? La vengeance va-t-elle m'aider à tourner la page ? J'en sais rien. Peut-être que c'est la seule issue à cet enfer qu'est ma vie. Je ne perds rien d'essayer. Il doit payer.
- Non elle a raison, ce salop mérite une punition.
- Kim, c'est pas une bonne idée.
- Bien sûr que si, je vais t'aider à lui donner une leçon. Il comprendra que quand une fille veut, elle peut.
Hamed s'apprête à riposter mais nous sommes interrompus par la sonnerie. Clara me prend la main et m'entraîne vers la sortie de la cafétéria. Nous entrons dans l'amphithéâtre et prenons place.
Quelques semaines après cette soirée, ma mère et moi avons déménagé à Los Angeles. La réputation de ma mère était détruite et moi j'étais au bord du suicide, je voulais quitter cette ville où tout le monde savait ce qui m'était arrivé, je voulais m'éloigner de tous. Je me sentais jugée et incomprise.Maintenant ce salaud est dans la même fac que moi. J'arrive toujours pas à y croire. J'aurais préféré ne plus jamais le revoir mais le destin en a décidé autrement. J'essaie de faire abstraction de la présence de Boris dans la même pièce que moi. Ce qui s'avère être plus difficile que je le pense. J'éprouve de la haine, du dégoût, de la colère... mais surtout j'ai très peur ; peur qu'il me reconnaisse, qu'il s'en prenne à moi. Les souvenirs de cette nuit restent encrés dans ma tête, bien que je fusse soûle à ne plus tenir debout, je me souviens du moindre détail.
À la fin de la journée, Clara m'accompagne chez moi, je prends quelques affaires et nous allons dans son appartement. Je passe la nuit chez elle, je ne veux pas rester dans mon appartement sous peine de me retrouver seule face à mes souvenirs, mes craintes, mes traumatismes, mon envie de mettre fin à mes jours. Clara propose de regarder un film pour nous changer les idées.Finalement nous passons la nuit à parler de cette vengeance et sortir des idées de tortures plus folles les unes que les autres. Clara fait parfois des blagues, ce qui me fait rire et oublier un instant la réalité.
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Douce vengeance [ Livre édité ]
Novela JuvenilLe passé perd son sens lorsque les souvenirs saignent toujours au présent. C'est le cas de Kimberley, une jeune universitaire qui peine à reprendre du poil de la bête après avoir été victime d'un « défi » dans un bar dont les séquelles continuent d'...