Un tumulte s'ensuivit et l'église se vida rapidement. Sur le parvis, les conversations allaient bon train. Une explication animée opposait déjà les mères de mes deux fils. C'en était trop. Il me fallait assumer mes actes, charger sur mes épaules le poids de la culpabilité. J'espérai que ma présence inattendue suffirait à résoudre la situation. Quel naïf !
Alors que j'avançais, arrachant ma fausse moustache, retirant mes lunettes, je vis s'approcher Didier. Il avait l'air content de me voir. J'écartai les bras et on se serra longuement l'un contre l'autre. C'est alors que je me rappelai : Didier était mort il y a dix ans. Un peu plus loin, mes parents me faisaient signe de la main, souriant d'un air gêné. Des revenants. Je m'affolais, courrais à présent, mais personne ne prêta attention à moi. J'arrivai devant les deux femmes et leur criai que tout était de ma faute, qu'il fallait me pardonner. Elles ne m'entendirent pas. J'agrippai un bras. Aucune réaction. Didier me prit par l'épaule et me fit asseoir sur un banc.
Il m'annonça de sa voix grave et posée que j'étais mort depuis une semaine. J'avais enjambé ce pont et sauté tête la première, criblé de dettes et malheureux comme les pierres. Il fabulait le pauvre homme, ce n'était pas possible. Je rigolai franchement, lui demandai où il allait chercher tout ça. Moi, je voulais juste voir si ma femme saluerait ma mémoire le jour de mon enterrement ; je voulais juste m'assurer que je laisserais un bon souvenir si je venais à mourir vraiment. Le pont n'était qu'un leurre et si j'y étais allé, ce n'était qu'en reconnaissance. Didier me fixait avec tristesse ; j'étais content de le revoir, certes, mais sa présence me mettait mal à l'aise. La voix plus faible, il me dit que la peur de mourir est une fieffée menteuse, que je m'en rendrais rapidement compte. Ne t'inquiète pas pour moi, lui répondis-je, je n'ai peur de rien. Je tournai alors la tête vers les deux mères ; elles parlaient calmement maintenant. Au loin, je ne distinguais plus mes parents. Et, tiens ! Didier avait disparu lui aussi.
Je souriais, enfin rassuré. Tout cela n'avait été que pure hallucination, la fatigue probablement. Il n'y avait ni revenant, ni tête la première, ni peur de mourir. Soulagé, je respirai un bon coup. Il était encore temps de reprendre le fil de mon scénario, de réussir ma surprise. Et avec du panache s'il vous plaît ! Je me levai, mais avec difficulté. Mes jambes flageolaient, je luttais contre un souffle froid qui me traversait le corps. Je perdais l'équilibre et criais pour appeler à l'aide mais les forces me quitt... »
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Aux dernières loges de mon enterrement
Short Story« La première fois que je suis mort, cela m’a fait tout drôle. Pas tant de mourir finalement, mais parce que c’était nouveau. Je suis décédé de mon plein gré, avec une part d’égoïsme assumée : je voulais voir à quoi ressemblerait mon enterrement. J’...