Chapitre 1

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- Bonjour, tout le monde ! Bien dormi ?

- Ici, tout le monde se limite à moi, mais oui, et toi Lana ? répondit Éric.

- Parfait. Où sont les autres ?

- À la piscine. Je crois qu'elles se font une minicure...

- Manucure, Éric, manucure.

- Ouais, c'est ça.

- T'as fait à manger ?

- Yep.

- Cool.

Lana se servit un bol de céréales, un verre de lait, donna ses croquettes à Coliss et s'assit à table. Éric, lui, était assis dans un fauteuil à l'autre bout de la pièce. Tout semblait calme.

Le groupe des quatre amis - « le club des cinq », comme disait Naomi, qui avait un jour remarqué qu'ils étaient quatre humains et un animal – était dans la maison de campagne de Naomi depuis une semaine, et tout s'était bien passé. Ils avaient convenu ensemble de ne pas trop s'aventurer dehors pendant deux mois, mais Lana trouvait cela ridicule. Le climat était calme, pourquoi les choses changeraient-elles ?

Soudain, le cœur mécanique se mit à faire un drôle de bruit. Tiiiic...tic, tic,tiiiic remplaçait le Tic, toc, tic, toc... habituel. Éric stoppa tous ses mouvements. Lana se releva d'un bond. Elle perçut la souffrance d'Éric, et sa pensée, très, très forte, presque insupportable à supporter tant elle était déchirante : « Ne t'approche pas... Je pense que c'est la fin. Tout va sauter... Éloigne les filles. Dis à Naomi que je l'aime, et dis à ma sœur que je l'aime plus que tout, et toi... Je t'aime comme ma petite sœur, prends soin de toi... Partez, toutes, pitié ! »

Éric lança à Lana un dernier regard avant de s'immobiliser. Lana attrapa Coliss par la peau du cou et se mit à courir vers la piscine. Lorsqu'elle fut en vue des portes de l'immense salle, elle hurla :

- Fuyez vite ! Éric va imploser ! Ça va tout détruire !

Elle entendit des pas précipités, Alicia crier « J'emmène Naomi ! Pars, vite ! », et le bruit familier de l'envol d'une eïla. Elle s'envola elle aussi, et fonça vers le toit ouvert. Elle sortit vite du bâtiment qui tremblait sur ses fondations. Elle se retourna pour regarder le déchirant spectacle, lorsqu'elle vit Coliss coincé dans le débris. Elle voulut se précipiter à son secours, mais une force étrange la tira en arrière. Quelques secondes plus tard, le bâtiment explosa. La seconde qui suivit l'explosion, elle perçut une pensée, cachée derrière une âme robotique : « Je ne regrette rien... »

* * *

Lana regardait le bâtiment brûler, et elle percevait. Elle percevait la douleur de Coliss qui se faisait brûler par le feu dévorant, elle percevait la souffrance des derniers instants d'Éric, lorsqu'il avait dû la supplier de l'abandonner, elle percevait le désespoir d'Alicia, voyant la maison s'écrouler sur son frère, elle percevait enfin, et plus fort que tout, la souffrance de Naomi. Le déchirement qui détruisait son âme pendant cet instant était si vif que Lana se recroquevilla en se laissa redescendre sur terre. C'est alors qu'elle se rendit compte de l'horreur de la situation, et du nombre de questions à répondre.

Éric était mort, les trois jeunes filles étaient sans abri, Coliss était mort (brûlé vif, qui plus est), et l'État devait sûrement les rechercher, puisque Éric fonctionnait très bien jusqu'à présent. Quelqu'un avait dû trouver où était la faille dans son système et cette personne avait trouvé un moyen de l'exploiter à distance.

Et justement, qui étais-ce ? Quelle était cette fameuse faille ? L'État était-il leur seul ennemi ? Qu'est-ce que leurs ennemis savaient encore sur eux ? Et surtout – surtout !...qu'allaient-elles faire, maintenant qu'elles étaient seules et sans abri ?

Elle tentait de mettre un terme à ses pensées torturées, mais n'avait pas beaucoup de succès. Tout semblait si...négatif. La situation semblait sans espoir. Il fallait trouver un endroit où se cacher, et vite. Elles n'allaient pas tenir si elles restaient à découvert. Soudain, Lana sursauta : elle ne percevait pas la pensée de Naomi. Si celle d'Alice. Elle appela, elle cria, elle hurla, son être se déchirant, et elle se laissa gagner par la désespoir : elle était seule. Complètement seule. Elle n'avait même pas Coliss avec elle. La douleur qui la traversait alors était pire que toutes celles qu'elle avait déjà vécues. Celle-ci était d'autant horrible qu'elle n'avait pas de remède, du moins Lana n'en voyait pas.

Prise d'un élan inexplicable, elle s'envola et survola des centaines de kilomètres. Elle ne savait plus ce qu'elle faisait. Elle avait juste envie de voler, et n'avait pas trouvé de raison valable pour ne pas le faire. Il y en avait certes une bonne centaine, comme celle du risque bien trop grand de se faire repérer, mais elle n'avait plus le même sens des priorités maintenant qu'elle avait tout perdu. Il lui semblait que rien ne la rattachait à la vie. Et puis, Éric était mort. Leur rébellion n'avait servi à rien, en fin de compte. Il ne pourra jamais récupérer sa jungle, qu'elle croyait s'appeler Nina, et donc tout cela aura été en vain. Et puis, toutes ces questions sans réponses...

Pourquoi avait-elle été enlevée, au tout début ? Pourquoi Matéo avait-il pris possession de Nina ? Comment se fait-il que Matéo soit à sa tête ? Pourquoi ? Qui avait été créé Éric ? Où étaient Naomi et Alice ? Allaient-elles bien ? Et surtout, surtout, quelle allait être la suite de tout cela ? Les pensées se bousculant dans son esprit, Lana fut prise d'un élan de fatigue. Sachant très bien que ce qu'elle faisait était infiniment dangereux, elle se posa tout de même dans un arbre et s'endormit rapidement.

Nina - Tome 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant